Universal totem orchestra, le zeuhl qui vient d’Italie
par Bernard Dugué
vendredi 3 février 2017
Le rock italien n’a cessé de montrer sa diversité en créant son propre style tout en s’inspirant des nombreux courants ayant émergé depuis 50 ans. Au tout début des seventies, le groupe français Magma surprit les mélomanes avec une musique hors convention et si originale qu’elle fut désignée comme zeuhl par le leader de cette formation, Christian Vander. C’est dans ce registre que la formation italienne « Universal totem orchestra » nous propose une musique originale et très inspirée comme en témoigne leur troisième album paru à la fin de 2016, « Mathematical mother ». Six morceaux étirés sur plus de 50 minutes et parus sur le label Black Widow.
Le premier morceau est fort complexe et démarre dans l’esprit du zeuhl mais avec un style lyrique et enjoué, rempli d’allégresse. On se situe plus dans le Magma de 1001 centigrades que dans la période Mekanik commando plus sombre et heavy. Les parties vocales contribuent parfaitement à cet équilibre subtile, légèrement jazzy, teinté de fusion à la Canterbury. Avec des changements de rythmes et un tempo affirmé qui dans la seconde partie du morceau rappelle Weidorje, autre figure du zeuhl, avec des parties de basse dans le style Paganotti. Ambiances dynamiques et fusion se combinent pour un style très art rock avec une subtile alchimie entre claviers et cuivres. Ce zeuhl à la mode progressive italienne est assez singulier, aérien, subtil et jamais ennuyeux.
Les premiers morceaux nous situent dans une tendance enjouée, avec des mélodies teintées de médiévalisme et des incantations zeuhl exécutées avec légèreté. Nous sommes assez proche du rock médiéval joué par Minimum Vital. Avec une pêche et une précision parfaitement maîtrisée. Les morceaux s’enchaînent et ne se ressemblent pas. Le troisième nous propulse dans des incantations orientalisantes rappelant les premières réalisations de Dead Can Dance mais avec une chanteuse lyrique qui assume complètement. Ana Torres Fraile sévit dans un style vocal située entre Sophia Baccini et Tarja Turunen, première chanteuse du groupe Nightwish. Le quatrième morceau propose des vocalises d’une étrange beauté. Avec un tissage subtilement réalisé par des instrumentistes qui colorent l’ensemble sans aucune démonstration technique. Le résultat est réussi, avec finesse et précision. Le saxophone ne joue pas du jazz mais s’insère parfaitement dans la fluidité progressive comme si c’était un clavier. Et ce piano qui dialogue alors que le tempo s’accélère. Rien de linéaire. Des compositions complexes et changeantes parfois enveloppées de glissandos synthétiques et cette alternance de rythmes zeuhl et atmosphériques. Et pour finir, un jeu d’artifice de voix s’insérant dans un improbable tissage musical méridional mais qui se situe aux antipodes du rock commercial. Les instruments donnent l’impression de s’échapper puis sont vite rattrapés et si une notion philosophique s’en dégage, c’est bien celle de la liberté qui dans la création, suppose une parfaite maîtrise des règles et contraintes fixées par l’orchestre et la composition.
TRACK-LIST
TERRA CAVA 14,06
CODICE Y16 5,21
ELOGIO DEL DUBBIO 7,54
ARCHITETTURA DELL’ACQUA 11,27
CITTA’ INFINITE 6,19
MARE VERTICALE 7,38
Line-up
Ana Torres Fraile : voice
Antonio Fedeli : Saxophone
Daniele Valle : Guitar
Fabrizio Mattuzzi : Keyboard and piano
UTO G. Golin : Drums
Yanik Lorenzo Andreatta : Bass Guitar
En écoute