Vincent, le peintre aux semelles de blé
par Taverne
lundi 4 février 2013
Il a vécu sa jeunesse en misérable parmi les misérables selon les principes des Evangiles. Mineur de fond, il partagea les repas et les coups de grisou avec ses compagnons de peine. Il échoua à devenir pasteur. Tant mieux pour nous ! Il sera peintre. L'un des peintres les plus appréciés de notre époque. Fou ? Génie ? Écorché vif ? Peut-être tout cela à la fois, Vincent pouvait se priver de nourriture mais il ne pouvait pas vivre sans peinture. Même à l'asile.
Toujours fauché comme les blés,
Vincent peignait les champs de blé.
Et les mangeurs de pommes de terre.
Avec les damnés de la terre.
Il a d'abord été mineur,
Il a rêvé d'être pasteur.
Finalement il sera peintre
Dans la folie et dans l'absinthe.
Il ne buvait pas de tisane
Mais captait la vie paysanne.
Il voyait des choses l'envers
A Paris, à Arles, à Auvers.
Les gens disent que Vincent est fou.
Ce qu'on dit de lui, il s'en fout.
Il veut poursuivre son étoile
C'est au futur qu'il voue ses toiles.
Des idées, il lui en vint cent,
Dans la tête, pauvre Vincent !
Ses lettres à son frère Théo,
Témoignent qu'il veut monter haut.
Nuages blancs ou bien étoiles
Parsèment ainsi souvent ses toiles.
Sur les blés, les vols de corbeaux
N'en rendent le champ que plus beau.
I - Le peintre de la misère
("Les mangeurs de pommes de terre")
De sa vie parmi les mineurs et de sa mission évangélique, Vincent Van Gogh gardera l'image de la misère humaine qui apparaîtra dans une partie de son œuvre. Il peint ce qu'il appelle des "figures", c'est-à-dire des postures humaines, sans forcément montrer les visages. Pour représenter les petites gens, il s'inspire de Millet. Ainsi, pour son "Semeur", et ses "Paysannes au champ" (1883) directement inspirées de l'Angelus de Millet.
Plus tard pour "la Sieste", réalisée à partir de la copie d'une gravure de Lavielle d'après "les Quatre heures de la journée" de Millet. "Sorrow", "Vieil homme pleurant" (1882) et "Au seuil de l'éternité" (1890) montrent la détresse, le désespoir. Sorrow (1882) représente une prostituée - veuve et enceinte - surnommée Sien et avec laquelle Vincent eut une liaison. Elle sera son modèle.
Sorrow a pris dans l'imaginaire de son créateur une place comparable à celle de "Mélancolie", gravure de Dürer.
Les vingt mois que Vincent a passés à La Haye (entre 1882 et 1883) l'on fait réaliser sa volonté de rompre avec les conventions morales de son milieu social, et son impossibilité à mener une existence normale. Ses convictions sociales se nourrissent de lectures des oeuvres de Balzac, Victor Hugo, Zola ou encore Charles Dickens.
"Tête de paysanne de Nuenen" et "Paysanne assise", "Mangeurs de pommes de terre", trois oeuvres de 1885 montrent la misère dans sa noirceur.
II - L'ami des impressionnistes
La légende a retenu la liaison tumultueuse entre Van Gogh et Gauguin. Mais d'autres impressionnistes comptèrent dans la vie et l'oeuvre de Vincent.
A Paris, chez son frère Théo en février 1886, Vincent découvre la peinture des impressionnistes. Il accompagne souvent Emile Bernard chez ses parents à Asnières, qui est un haut-lieu de l'impressionnisme. Il y réalise "Quai à Asnières" (1887) à la manière des impressionnistes. Il rencontre, par l’intermédiaire de son frère, presque tous les impressionnistes, en particulier Georges Seurat et Camille Pissarro, ainsi que Paul Gauguin. Dans la boutique du Père Tanguy, il devient l'ami de Paul Signac. En travaillant avec ce dernier en 1887, sa palette s’enrichit de couleurs vives et sa touche s’anime et se fragmente. Avec Pissarro, qui l’initie également aux théories nouvelles sur la lumière et au traitement divisionniste des tons, et sous l’influence des estampes japonaises, ses compositions acquièrent davantage de liberté. Il s’essaie à la technique de l’aplat coloré.
A Arles seul puis avec Gauguin.
("Mas aux Saintes-Maries")
Le 20 février 1888, il s'installe à Arles. Il envoie ses tableaux à son frère Theo. Au printemps 1888, il réalise ainsi une série sur les vergers fleurissants dans des triptyques, ainsi qu'une série de portraits comme ceux de la famille Roulin. La première série des tournesols date aussi de cette époque.
Vincent, qui continue à échanger des lettres et des tableaux avec Emile Bernard et Paul Gauguin, habite la "maison jaune" qu'il rêve de transformer en une communauté d'artistes.
Paul Gauguin vient le rejoindre dans ce but le 23 octobre 1888 et ils commencent à travailler ensemble comme par exemple sur la série de tableaux consacrés aux Alyscamps. La collaboration entre les deux hommes ne durera que trois mois. Une crise survient, en effet, le 23 décembre. A la suite d'une dispute plus violente que les autres avec Gauguin, Van Gogh est retrouvé dans son lit le lobe de l'oreille gauche tranché. Les faits rapportés sont les suivants : Gauguin sort après le dîner. Vincent le rejoint un rasoir à la main. Il suspend son geste et rentre. Gauguin préfère aller dormir à l'hôtel. Le lendemain matin, la police et la foule sont devant la porte.
Vincent ne renoncera pas au dialogue avec ses amis Émile Bernard et Gauguin. Ce dernier, après son séjour mouvementé à Arles, accompagne à travers ses lettres la vie de Van Gogh jusqu'à la fin.
III - Vincent à l'asile
Les prémisses de sa folie ont germé dans sa jeunesse. Ses déceptions amoureuses sont très mal vécues. Apprenti puis salarié chez Goupil & Cie à La Haye, filiale fondée par son oncle Hein, il connaît la période la plus heureuse à vingt ans. Il réussit et gagne plus d'argent que son père. Il affronte alors la première frustration sentimentale. Amoureux de la fille de sa logeuse à Brixton, il lui révèle ses sentiments. Hélas, elle est déjà secrètement engagée avec le locataire précédent. Van Gogh s'isole de plus en plus.
Fin avril 1881, revenu à la maison familiale, il tombe amoureux de Kee Vos, la fille de son oncle Stricker. Celle-ci se refuse à lui mais il se montre insistant, comme si le principe de réalité n'existait pas. Cette attitude inadaptée pourrit le climat familial. A la suite d'une violente dispute avec son père, il part pour La Haye, où il s'installe dans un modeste atelier.
Un nouvel épisode amoureux manque de peu de le faire placer sous curatelle par sa famille. Vincent entame une liaison avec une prostituée veuve et enceinte. Elle est surnommée Sien et sera son modèle. Quand la famille de Vincent apprend sa vie avec une prostituée (qu'il veut épouser), elle veut le mettre sous curatelle. C'est Théo qui viendra voir son frère et qui trouvera les mots pour le décourager de son projet de mariage. il finira par quitter Sien.
L'internement.
("Au seuil de l'éternité")
Premier internement. Le 25 décembre 1888, Vincent est enfermé. Théo arrive en toute hâte de Paris. Le 7 janvier 1889, le docteur Rey le juge apte à sortir de l'hôpital et Vincent retourne à la maison jaune pour peindre. Le 23 mars, Signac passe le voir. Après une discussion apaisante sur la peinture, Vincent est pris d'une crise de folie et tente d'avaler de l'essence térébenthine. Il est hospitalisé. Il ne peut retourner à la maison jaune, les voisins ont fait une pétition pour le déloger. Il peindra désormais à l'hospice. Son frère est allé se marier en Hollande.
A l'asile de Saint-Rémy-de-Provence. Le 8 mai 1889, il quitte Arles, ayant décidé d'entrer dans un asile d'aliénés près de Saint-Rémy-de-Provence. Il y reste un an, au cours duquel il a trois crises importantes. Malgré son mauvais état de santé, Van Gogh est très productif. Ce n'est que pendant ses crises de démence qu'il ne peint pas. Les peintures de cette période sont souvent caractérisées par des remous et des spirales. À diverses périodes de sa vie, Van Gogh a également peint ce qu'il voyait de sa fenêtre, notamment à la fin de sa vie avec une grande série de peintures de champs de blé qu'il pouvait admirer de la chambre qu'il occupait à l'asile de Saint-Rémy.
Le 24 décembre 1889, une attaque le terrasse. Il tente de s'empoisonner en suçant des tubes de couleur. Sitôt la crise passée, il trouve refuge dans la peinture. Mais une autre crise suit. Il bénéficie d'un article élogieux d'Albert Aurier dans le Mercure de France. Il vend une toile, "La Vigne rouge", la seule qu'il vendra de son vivant.
Quelques tableaux de cette période :
"Le jardin de la maison de santé"
"Les iris" (1889)
"Au seuil de l'éternité" (1890)
"Champ aux coquelicots" (1890)
"La nuit étoilée sur le Rhône" (1889)
"La sieste" (copie d'une gravure de Lavielle d'après "les Quatre heures de la journée" de Millet)
IV - Vincent à Auvers-sur-Oise.
Pissarro recommande à Théo le docteur Gachet pour soigner Vincent. Ce médecin a été professeur d'art et il peint lui-même. Il est l'ami des impressionnistes. Cela va mieux pour Vincent qui peint et expose. Theo encourage Vincent à sortir de l'asile et à se rendre à Auvers-sur-Oise, où il pourra consulter le médecin. Vincent quitte l'asile le 19 mai 1890. Son frère l'amène d'abord chez lui où il peut voir ses tableaux au milieu de ceux de Gauguin, et d'autres.Cette commune rurale du Vexin français était déjà connue dans le milieu des peintres, initialement par les paysagistes de l'école de Barbizon puis par les impressionnistes. Il y passe les 70 derniers jours de sa vie. Van Gogh, au sommet de sa maîtrise artistique, va alors décrire dans ses œuvres la vie paysanne et l'architecture de cette commune. Quelques tableaux :
"Portrait du docteur Gachet" (juin 1890)
"La plaine à Auvers" (juillet 1890)
"Le château d'Auvers" (juin 1890)
"Ciel bleu et nuages blancs" (juillet 1890)
"Les Chaumes de Montrel" (1890)
"Champ de blé aux corbeaux" (juillet 1890)
Mort de Vincent van Gogh. Le 27 juillet 1890, dans un champ derrière le château où il peint peut-être une ultime toile car il a emmené son matériel de peinture avec lui, il se tire un coup de revolver dans la poitrine (pour viser le cœur) ou l'abdomen. Revenu boitillant à l'auberge Ravoux, il monte directement dans sa chambre. Ses gémissements attirent l'attention de l'aubergiste qui fait venir le docteur Gachet. Ce dernier envoie chercher Theo van Gogh. Vincent van Gogh y meurt deux jours plus tard, à l'âge de 37 ans, son frère Theo étant à son chevet. Theo, atteint de syphilis et de ses complications neurologiques, est hospitalisé en octobre 1890 dans une clinique psychiatrique où il décède le 25 janvier 1891 à l'âge de 34 ans. Les deux frères reposent tous deux au cimetière d'Auvers-sur-Oise.
VIDEO en musique de oeuvres de Vincent Van Gogh divisée en périodes de sa vie :
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