Visa pour l’Image : le photojournalisme peut-il avoir la cote ?

par Marc-Arthur Kohn
samedi 31 août 2019

Tandis que s'ouvre le plus grand festival de photoreportage à Perpignan, la crise des médias compromet chaque jour plus la survie du photoreportage. Et si le collectionneur sauvait le photoreporter ?

La photographie s’est fait une place sur le marché de l’art. Il lui a pourtant fallu du temps pour séduire les acheteurs et les collectionneurs. La photo a longtemps été définie comme une technique permettant de reproduire la réalité. Or cette description la rendue moins créative par rapport à la peinture et d’autres domaines d’activité. Depuis, elle se voit attribuer le statut d’objet de "patrimoine culturel". Les photos immortalisent effectivement des pans de l’histoire. Elles sont considérées comme des témoignages précieux et inestimables de nombreux événements.

"Il suffit d’avoir l’œil pour déceler les véritables pépites" Marc-Arthur Kohn

La photographie commence à être associée au monde de l’art avec mon confrère parisien Pierre Cornette de Saint-Cyr dans les années 1970. Ce commissaire-priseur est d'abord un passionné de dessins anciens. L’achat d’un dessin pour le mariage de son ami est le phénomène déclencheur. Le commissaire-priseur avait une véritable œuvre d’art entre les mains - achetée une somme dérisoire. Au fil de ses recherches, il découvre aussi des épreuves photographiques. Cela lui donne l’idée d’organiser en avant-garde des ventes de photo. "Un bon collectionneur doit devancer les tendances et les modes" est un de ses maître-mots. Pour sa collection privée, il a commencé à acheter des photographies. Il a toujours recherché celles qui se démarquaient des autres et qui complétaient celles qui étaient déjà en sa possession. Il a alors acquis une bonne connaissance de ce domaine avec toutes les techniques et le talent des photographes.

En devenant un spécialiste, il est même rapidement devenu une référence. Il a d’ailleurs toujours revendiqué d’en être le pionnier. Il a mis en place tout l’effort pédagogique indispensable pour instruire le public. Il s’agit effectivement de fond inestimable qui ne captivait alors personne. L’objectif est de susciter l’intérêt des autres collectionneurs. Il réussit son pari puisque ses actions ont favorisé la création de la Foire Internationale d’Art Contemporain et la Maison Européenne de la Photographie.

Depuis, la photographie est exposée dans les galeries d’art ce qui a déclenché des ventes mémorables. Les tirages authentiques et rares sont les plus prisés comme pour les autres œuvres d’art. Différents détails sont alors vérifiés afin de certifier la photographie. Elle doit indiquer la date de prise de vue et celle du tirage. Il faut également le nom du tireur ainsi que la signature du photographe et son cachet. Dans certains cas, le cachet peut être celui de l’agence ou d’un magazine. Il arrive que des annotations manuelles figurent sur la photo pour expliquer la scène. Les produits proposés sur le marché sont variés tels que les négatifs sur verre, les albums, les épreuves de lecture, les diapositifs et les tirages de presse.



Le photojournalisme, un art reflétant la réalité

Le photojournalisme se démarque des autres types de photographie. Le but est de prendre en photo les actualités et les évènements sur le moment. Ces clichés servent ensuite de support pour relater les faits de manière précise et situer dans leurs contextes. Les photographes étaient freinés par le long temps de pause au début de cette activité. Il fallait entre 5 et 10 minutes pour préparer l’appareil, ce qui ne permettait pas de photographier des sujets en mouvements. Les premières photos de presse datent de 1856 avec Roger Fenton. Ce photographe anglais s’est rendu à Crimée pour prendre des clichés de la guerre. Il a ainsi immortalisé les troupes turques, russes, françaises et anglaises en pleine action. O’Sullivan se lance aussi dans l’aventure en réalisant son reportage «  La moisson de la mort  » en 1863. Celui-ci traite de la mythique bataille de Gettysburg. Bien entendu, les photographes travaillaient alors dans des conditions pénibles. Ils devaient transporter de lourds matériels puisque l’appareil pouvait peser jusqu’à 40 kg. Quant à Jacob Riis, il s’est servi de la photographie pour dénoncer les luttes sociales. Avec la volonté de produire des images de qualité, il a utilisé lapoudre pour créer une explosion. Ce phénomène n’est autre que le précurseur du... flash. Il permettait d’obtenir des clichés plus nets et plus réalistes.

Malgré les avancées technologiques, le photojournalisme ne se développe qu’après la Première Guerre mondiale en Europe. Les journaux britanniques s’inspiraient de la presse américaine. Ils ont donné de plus en plus d’importance à la photographie pour illustrer les articles. En France, c’est Jean Prouvost qui a donné une place de choix au photojournalisme dans la presse quotidienne. Le 2 mai 1931, il déclare que la photo est devenue incontournable. Il est tout aussi important de voir que de savoir. Les photojournalistes commencent alors à devenir populaires et leur notoriété grandit de jour en jour. Erich Salomon est ainsi le premier photographe à adopter ce titre pour désigner son métier. Au fur et à mesure que le nombre de journaux illustrés augmente, les agences spécialisées en photographie se multiplient également. La concurrence entre les photojournalistes s’installe rapidement. Ils usent de nombreux stratagèmes pour être les premiers à publier des scoops. C’est ainsi que le Hongrois Bertalan Garai a eu l’idée de se servir de pigeons voyageurs. La Seconde Guerre mondiale a aussi contribué à la popularité de photojournalistes comme Robert Capa. Armé de courage, il débarque sur les côtes de Normandie le 6 juin 1944 au côté des GI's américains. Ces artistes de talent ont inspiré les générations futures à embrasser la carrière de photographe. Ils ont aussi permis à certains critiques d’art de se spécialiser dans la photographie. 

La photographie, un bon moyen d’investir

L’achat des photographies d’art a explosé depuis quelques années. De plus en plus de galeries spécialisées ouvrent leur porte au grand public. Elles proposent à la vente les clichés qui y sont exposés. Le prix constitue leur principal argument. Ils sont effectivement accessibles à des tarifs défiant toute concurrence. En revanche, certaines photos s’acquièrent à des montants bien plus conséquents dans les galeries d’arts contemporains et les maisons de vente. Le prix de ces tirages dépasse facilement le million d’Euros. Cette tendance est plus importante dans la capitale française.

"En peu de temps, Paris est devenu le marché phare pour ce type d’art" Marc-Arthur Kohn

En peu de temps, Paris est devenu le marché phare pour ce type d’art. La ville abrite d’ailleurs de nombreuses galeries. Elle accueille aussi différents évènements dédiés à la photographie comme Paris Photo. Les exposants viennent des quatre coins du monde.

Pour toutes ces raisons, il est judicieux d’investir dans une photographie. La seule condition est d’éviter les pièges. Il faut aussi avoir l’œil aguerri pour reconnaître les photos qui ont de la valeur. Il est alors nécessaire de faire le tour des musées, des galeries, des foires et des expositions. Il est également recommandé de se rendre dans les maisons de vente. Cet exercice permet de reconnaître les spécialités et le style des différents photographes. Il est nécessaire d’analyser les prix du marché pour connaître les œuvres qui sont cotées et qui ont de la valeur. L’authentification des photos joue également un rôle crucial dans le choix des achats réalisés.

La loi française stipule que les photos prises et tirées par le photographe sont considérées comme des œuvres d’art. Le tirage peut être fait par un tiers, mais sous sa supervision. Chaque tirage doit être numéroté et signé. Le nombre de tirages ne doit pas dépasser les 30 exemplaires, tous supports et formats confondus. Il faut également s’assurer que les photos soient accompagnées d’un certificat d’authenticité. Ce document permet de distinguer les tirages d’origine par rapport à une simple reproduction. D’autres facteurs entrent en considération lors de l’achat d’une photographie d’art. Il faut savoir que le prix dépend aussi du support utilisé. Il y a ainsi une grande différence entre une photo sur papier et un cliché imprimé sur Plexiglas ou sur de l’aluminium. La taille constitue un autre point à prendre en compte. Plus une photo est grande, plus son prix est élevé. Pour les collectionneurs, ils font plus attention aux tirages d’origine. De nombreux photographes ont beaucoup de talent. Il est recommandé d’investir dans les jeunes artistes. Le prix est plus abordable par rapport à un artiste de renom. Il suffit d’avoir l’œil pour déceler les véritables pépites. Certains d’entre eux peuvent effectivement avoir la côte au fil des années auprès des collectionneurs. Il est fort probable que tout le monde se l’arrachera.

 

Marc-Arthur Kohn

Commissaire-priseur


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