Voyage au 16ème siècle (1) : Le Caravage, quel carnage !

par Taverne
jeudi 7 juin 2012

Il pleut des cordes, et pour longtemps nous dit la météo ? Vous n'avez pas les moyens de partir en vacances dans un pays chaud ? Rien de bon à la télé ? Alors, n'hésitez pas, montez dans la machine à voyager dans le temps et partons, tiens pour le XVIème siècle, l'âge d'or de la Renaissance française ! Dans ce premier volet, je vous invite au carnage avec le sulfureux peintre Le Caravage. Peintre et assassin...

Assassin ? Homosexuel ? Pédophile ? Autant de questions qui dérangent. Assassin sans aucun doute. Quant à la sexualité du Caravage, elle était tournée vers les femmes, même si son goût crapuleux et de la provocation le conduisirent à quelques écarts...

Le Caravage a peint de jeunes garçons de façon érotisante. C'était tout d'abord pour son hôte, le cardinal Del Monte, en échange de son hébergement. En effet, le cardinal, son commanditaire, était un grand collectionneur d’art et il organisait des réceptions brillantes au cours desquelles de jeunes éphèbes jouaient de la musique. Voir par exemple "Le joueur de luth".

Ainsi l'érotisme trouble transparaît nettement dans les oeuvres du peintre, à la fois par goût de la transgression qu'en raison de la nécessité de peindre à ses débuts pour un cardinal pédophile.

La violence est également une tendance dominante de l'oeuvre. La décapitation, en particulier, est un thème récurrent, comme on peut le voir la vidéo ci-dessous que je vous ai concontée. Toute en musique de l'époque. En 1599, sa fameuse "Tête de Méduse", peinte pour le cardinal Del Monte est son premier travail sur le thème de la décapitation. Le Caravage a le goût du spectacle à sensation et aurait pu faire carrière dans le cinéma à notre époque. Avec "La Décollation de Saint Jean-Baptiste" (1608), Le Caravage signe son œuvre en lettres de sang qui s’écoulent du cou tranché de la victime. Salomé s’apprête à recueillir la tête de Jean-Baptiste. Le gardien emprunte les traits de Wignacourt, le frère du commanditaire du tableau.

LE CARAVAGE EN VIDEO MUSICALE :

La violence mythogique est traitée bien sûr (Goliath décapité par David ou Holpherne par Judith) ou biblique (la tête de Jean Baptiste recueillie par Salomé). Mais aussi la violence du quotidien avec "L'Arracheur de dent", "L'enfant mordu par un lézard", et même dans "Bacchus malade" qui serait un autoportrait (la pose du modèle dénoterait l'usage d'un miroir).

La technique du clair-obscur largement employée par Le Caravage acccentue ces traits violents réels ou fantasmés. Pour ce qui est de l'inspiration, la fréquentation habituelle des bas-fonds et des tavernes par le maître y pouvoyait facilement.

L'oeuvre et la fin brutales du peintre annoncent Pasolini. Le Caravage est retrouvé mort – mystérieusement - sur une plage de Naples.

Toute sa vie, Le Caravage a fréquenté des voleurs, des prostitué(es). Il inclut ces éléments dans sa peinture.

La tricherie, le vol inspirent aussi l'oeuvre du Caravage

"La Diseuse de bonne aventure" (vers 1596) : La bohémienne séduit le jeune noble et lui ôte sa bague.

"Les Tricheurs" : La disposition des personnages est soulignée par l’éclairage latéral. Le jeu de dés posé en avant-scène définit les lignes de fuite. Deux compères entourent leur victime qui est concentrée sur son jeu.

La prostitution y a aussi sa place

Dans la "Sainte Catherine d’Alexandrie", la sainte représentée est en réalité une prostituée. L’œuvre est réalisée en souvenir de la condamnation à mort pour parricide et adultère de Béatrice Cenci en 1599. Dans la "Conversion de Madeleine", le modèle est le même que celui de « Sainte Catherine d’Alexandrie ». La scène représente l’instant où, sous l’influence de Marthe, Madeleine reçoit la lumière du Christ dans son cœur (sous la forme de la fleur).

Pour incarner la madone, le maître préféère opter pour la belle Lena, sa maîtresse, qui pose comme modèle pour « La Madone de Lorette » (ou « Madone des pèlerins) et « La Madone de palefreniers » (ou « Madone au serpent »). Dans ce second tableau, c’est une vierge à décolleté qui écrase le serpent du pied. « La Mort de la vierge », commandé par la Scala in Trastevere fut refusé par l’église en raison de son caractère choquant (ventre et pieds gonflés, jambes nues de la vierge). C’est Rubens qui l’acheta pour le compte du duc de Mantoue.

La religion est traitée de façon très personnelle, notamment dans le cycle des Saint Matthieu

Trois fresques peintes pour la chapelle Contarelli (Cointrel) : Avec l’appui décisif du cardinal Del Monte, Le Caravage obtient un contrat pour ces trois fresques : « La vocation de Saint Matthieu », « Saint Matthieu et l’ange », « Le Martyre de Saint Matthieu ». Il prouva qu’il était possible de peindre de fresque à l’huile. De surcroît, les qualités physiques de l’huile rendirent plus saisissant l’effet de clair-obscur que la tempera.

Dans "Saint Matthieu et l’ange" : La scène se déroule dans le bureau des douanes, à Rome vers 1600. Des hommes, en costume de ville, comptent la recette. Le personnage qui appelle l’un d’eux n’est pas un commerçant venu payer ses impôts mais le christ en personne. La représentation sous forme profane et contemporaine d’épisodes bibliques ou évangéliques constituait une rupture profonde avec les usages de la Renaissance.

En jouant avec la lumièe et l'obscurité, avec la mythologie et le réel, Le Caravage a marqué son oeuvre qui ne sera reconnue qu'au XXème siècle. Preuve sans doute de sa modernité.

 


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