« Vu du Pont » Charles Berling déchiré à L’Odéon Berthier

par Theothea.com
lundi 26 octobre 2015

VU DU PONT
photo © Thierry Depagne

Que ce soit depuis Brooklyn ou depuis les gradins d’Odéon-Berthier, la perspective immanente sur la pièce d’Arthur Miller traduite par Daniel Loayza semble enjamber les deux rives de l’émigration que l’étendard de La Liberté serait censé arbitrer, grâce précisément à sa Statue ou son statut, selon donc le point de vue adopté.

Que la géolocalisation soit la clef métaphorique de ce fait divers daté « années cinquante » ou qu’elle soit la garante d’une actualisation criante sur ceux qui cherchent refuge de l’autre côté des frontières, Ivo van Hove joue « gagnant-gagnant » ou plus exactement fait jouer ses acteurs en confiance partagée sur le registre de l’imminence d’un renouveau, sans échappatoire possible, des schémas de perception du monde, quelqu’en soit l’échelle micro ou macroscopique.

Chez ces dockers New-yorkais regroupés par nationalités d’origine, ici italienne, c’est la loi de solidarité familiale autant que sociale qui détermine la droiture de vie et, par conséquent, Eddie (Charles Berling), en tant que chef de famille, se doit d’être exemplaire à ses propres yeux sinon à autrui.

Ainsi, dans le même temps où il va héberger deux jeunes clandestins, il continuera à protéger, éduquer et élever Catherine (Pauline Cheviller), sa nièce orpheline qui elle, bien entendu, ne cessera de « grandir » et donc, au fur et à mesure, devenir une véritable « jeune fille ».

En introduisant Rodolpho (Nicolas Avinée) & Marco (Laurent Papot) en son domicile personnel, c’était, de toute évidence, s’exposer aux risques d’empathie réciproque, et plus si affinités, entre les jeunes gens mais il semblerait que l’appel à un idéal supérieur aveugle tellement Eddie que même Béatrice (Caroline Proust) ne fut point en mesure de « raisonner » son époux.

Qui sait, d’ailleurs, si toutes ces respectables forces d’amour parental de substitution ne dissimulent point, de manière plus ou moins inconsciente, d’autres pulsions qui, elles, à l’insu de leur défenseur acharné, seraient plus incestueuses à assumer suite à une improbable prise de conscience ?

Toujours est-il que les tensions ne vont cesser de croître au gré de transgressions morales par paliers, avec effet de cliquet sans retour arrière, pour se clore en une très signifiante mêlée tribale autant que rivale « façon rugby » pour un superbe final avec « arrêt sur image » de puissante expression symbolique !

Toute la scénographie (Jan Versweyveld) est d’ailleurs époustouflante autour d’un dispositif en gradins trifontaux permettant aux spectateurs d’adopter une attention d’entomologiste sur une sorte de ring rectangulaire qui focalise la lumière en une intense blancheur permettant de découper au scalpel virtuel ce microcosme du vivant lancé, en progression exponentielle, à la dérive du continent humain.

photos © Thierry Depagne

VU DU PONT - **** Theothea.com - de Arthur Miller - mise en scène Ivo van Hove - avec Nicolas Avinée, Charles Berling, Pierre Berriau, Frédéric Borie, Pauline Cheviller, Alain Fromager, Laurent Papot & Caroline Proust - Odéon Berthier

VU DU PONT
photo © Thierry Depagne

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