Circonstances atténuantes

par Serge Weidmann
mercredi 10 août 2005

L’actualité locale permet parfois des rapprochements curieux. En page 2 du quotidien La Montagne du 3 août, deux articles se côtoient : « 18 000 m2 (de maïs transgéniques) détruits et revendiqués » et « Trois adolescents ivres saccagent un cimetière ».

Le second commence par ces mots : « Ici, pas de délire raciste ou satanique. Rien que du vandalisme aussi gratuit que stupide ». Faut-il être rassuré pour autant ? Car ces jeunes de 15 ou 16 ans, remplis d’alcool, ont tout de même saccagé 40% du cimetière d’un petit village de l’Allier. Certes, l’alcool fait tomber les tabous et les inhibitions, mais tout de même ! Au juge pour enfants, qui les entendra, de faire la lumière.

Je ne voudrais cependant pas que ces trois jeunes lisent le premier article paru, ce même jour, dans la locale. Car ils pourraient y trouver quelques arguments pour leur défense :

« Quoi, nous n’avons attaqué que des morts, pas des vivants. En effet, les cultures de maïs transgéniques sont destinées à produire des médicaments contre la mucoviscidose. Donc, ils sont socialement utiles. Les faucher, c’est condamner des malades à le rester.

De plus, leur défenseur, ce M. Bové, est un grand casseur de Mac Do devant l’Eternel, qui détruit et pousse à détruire des entreprises donnant du travail à de nombreux jeunes. Encore une oeuvre anti-sociale. A côté de lui, nos exploits sont insignifiants car les tombes profanées ne gênent nullement les morts, qui ne souffrent plus et n’ont pas besoin de travailler.

Lorsque l’on sait que ce monsieur n’est même pas condamné par la justice ou lorsqu’il l’est, les juges locaux s’empressent de le libérer pour lui permettre de se réinsérer en préparant, avec son équipe, d’autres casses, on est en droit d’attendre de vous, M. le Juge, non seulement un acquittement pur et simple, mais même les félicitations du tribunal. Oui, les félicitations, car qu’avons-nous fait au juste ? Nous avons animé un bourg qui ne l’était guère, nous avons donné un peu de bon temps à des trépassés, c’est à dire permis à nos morts de faire la fête comme le font actuellement les vivants en vacances. En vérité, ce que nous avons fait relève de la culture et s’appelle un travail citoyen ».

Oui, il est des rencontres journalistiques qu’il vaut mieux éviter.

Serge Weidmann


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