Le chômage déstructure et rend invisible
par José Peres Baptista
lundi 30 mai 2005
Nous étions devant le MEDEF le 25 mai pour y accueillir Patrick MAYO. A ce titre nous savons exactement ce qu’il en a été. Une toute petite centaine de personnes étaient présentes, quelle déception ! Si l’on élimine de ce comptage les Présidents d’associations on peut quasiment affirmer que les CRS étaient plus nombreux que nous... S’il est logique que les chômeurs devant voyager n’aient pu nous rejoindre il nous est difficilement compréhensible que les chômeurs Parisiens ne l’aient pas fait. Tous ceux qui se sont investis dans la démarche de Patrick MAYO ressentent aujourd’hui cette amertume. Nous étions quatre chez Patrick dans l’incertitude avant le rassemblement : Denis Huet, créateur du site de la marche, Patrick lui-même bien entendu, sa compagne Yasmine et moi. Nous espérions encore alors être nombreux même si Patrick ne se faisait déjà plus guère d’illusions au vu des faibles rassemblements qu’il a pu générer tout au long de son périple. Un chômeur ne travaille pas, il a donc à priori plus de facilités à se libérer. Où était-il donc le 25 mai ? Devant sa Playstation, son ordinateur ? En train de bronzer sous le soleil de plomb qui nous surchauffait ce jour là ? Quelle est cette formidable léthargie qui empêche de se rendre disponible ne serait-ce qu’une heure ou deux ? C’est, pour employer une métaphore, de l’incompétence... Nous avons vu les Présidents d’associations, ces « PDG du chômage » se précipiter devant les journalistes et le représentant du MEDEF mais nous, simples chômeurs, semblions n’être rien... Rien du tout ou presque. Le chômage n’existerait pas selon certains mais je n’ai pas cette vision. Cependant force m’a été de constater que les chômeurs sont invisibles. Comment veut-on attirer l’attention sur nous si l’on ne se montre pas ? Insondable mystère encore une fois que le comportement humain... Impossible de se mobiliser activement pour une cause qui nous touche tous sans distinction, quelle ineptie !
Quant à Patrick, je ressens un profond parallélisme entre sa situation et la mienne. Patrick, j’ose croire aujourd’hui que tu es mon ami. Nos histoires sont les mêmes à quelques virgules près. Ce sont nos compagnes qui nous aident à porter notre fardeau que constitue l’échec permanent que nous vivons. Ce sont aussi nos enfants. Eux aussi souffrent. Si parfois nous déprimons ou sommes en colère nous avons besoin d’eux pour nous redresser. Il nous faut dialoguer, leur parler, leur expliquer encore et toujours que non, nous n’avons pas baissé les bras. Nous ne pouvons pas, même si nous en avons envie, nous isoler dans notre malaise intérieur et nous exclure encore plus de la société extérieure en nous détachant de nos seules attaches avec lui qu’ils représentent. Nous ne le pouvons pas par respect pour eux mais surtout pour nous. Ce serait le début d’une chute terrible. Il nous faut malgré tout garder la joie de vivre avec eux, garder la joie d’avoir une famille et ce alors même que nous ne pouvons pas améliorer leur sort matériel. En contrepartie nous pouvons toutefois améliorer leur situation affective.
C’est vrai et indéniable que le chômage de longue durée déstructure. Il conduit les chômeurs à la négation de leur présence dans la société et en arrive parfois à briser des couples pour la pire des raisons qui soit : le manque d’argent... Ne laissons pas cette situation effondrer le dernier bastion qu’il nous reste : notre famille. Je sais ce qu’est ce risque puisque je le vis au quotidien. Je sais aussi que tu dois probablement parfois vivre la même chose. Alors je n’ai qu’un mot à te dire Patrick au cas où ce soit le cas : crois-moi, je t’assure fais-moi confiance, nous y arriverons. Le pire n’aura jamais raison de nous parce que nous sommes plus forts que lui. Nous n’étions pas seuls à Paris le 25, les autres étaient simplement invisibles. Nous ne sommes pas seuls chez nous, nos compagnes et enfants nous aiment. Nous avancerons ensemble, eux, nous, Denis... Nous nous battrons et nous gagnerons. Même contre les moulins à vent.