6 décembre Saint Nicolas ou Père Noël ? Saint Nicolas, patron des écoliers

par maltagliati
mardi 6 décembre 2011

Comment est-il possible d’être en même temps un des personnages les plus connus du calendrier(le Père Noël) et de rester, en dehors de la Belgique, de la Hollande, de l’Alsace et de la Lorraine, un parfait inconnu ? La recette : s’appeler Nicolas (en bas allemand Niklaus ou Klaus), émigrer aux États-Unis sous le nom à peine dissimulé de Santa Claus et, quittant son cheval blanc pour un attelage de rennes, devenir ainsi la vedette incontestée des fêtes de fin d’année … tout en conservant son anonymat !

Si l’on écoute nos contemporains, le Père Noël est un héros spécifiquement américain importé en France comme dans le reste de l’Europe au lendemain de la deuxième guerre mondiale. Or voici que nous le découvrons vieux de près de deux mille ans et hantant depuis un millénaire l’imagination des petits et des grands.

Nicolas, évêque de Myre en Turquie est né vers 250 et mort au lendemain du concile de Nicée vers 325. Ce n’est pas un saint mineur, mais un des saints les plus vénérés du calendrier, à l’image de saint Martin, saint François, saint André, saint Jacques… Un des saints les plus universellement vénérés aussi car sa tradition s’étend tout aussi bien à l’Église d’Orient qu’à l’Occident chrétien.

Il faut rappeler que ce qui a ralenti l’adoption du christianisme dans l’Empire romain fut surtout son caractère exclusif. Les Romains étaient essentiellement tolérants, ils avaient ramené des cultes de tout le bassin méditerranéen et les avaient juxtaposés dans leur Panthéon, se gardant par ailleurs bien d’imposer comme conquérants leur culture et leur religion aux peuples conquis. Cette capacité d’intégration complète leurs talents militaires et explique en grande partie leur domination dans le monde antique. Quand le christianisme est adopté après Constantin, il règne seul et évacue toutes les traditions païennes en leur substituant toutefois toute une panoplie de saints aux aventures les plus extraordinaires – aussi voir plus extraordinaires que la mythologie antique – aventures qui intègrent les religions passées dans l’univers chrétien.

Présent dès les premiers siècles, le culte de saint Nicolas se développe vraiment à partir de 1087, date à laquelle, à l’occasion de la croisade, ses restes sont ramenés d’Orient à Bari en Italie. Témoignent de ce culte notamment une Vie de Saint Nicolas du poète normand WACE, vers 1150 et, dans les débuts du théâtre médiéval, un Jeu de Saint Nicolas par BODEL, vers 1200. Il aura même au début du XIVème siècle les honneurs de la Divine Comédie de Dante qui, au chant XX du Purgatoire, rappelle la « largesse que Nicolas avait faite aux pucelles pour conserver à honneur leur jeunesse ». Mais c’est comme pour la plupart des saints, la Légende dorée de Jacques de Voragine qui, au XIIIème siècle, fixe les éléments majeurs de la Légende. Saint Nicolas participe de l’image d’un Dieu bienfaiteur, de plus en plus loin du Dieu inaccessible et vengeur de l’Ancien Testament. C’est ce qui domine dans sa légende dont les différents éléments sont en outre attribués à un jeune homme, proche de l’enfance.

 

La Légende dorée  de Jacques de Voragine (XIIIème siècle)

nous rapporte douze événements principaux de la vie de saint Nicolas.[1]

1 Le sauvetage de trois vierges vouées par leur père à la prostitution.

2 La nomination miraculeuse du jeune Nicolas comme évêque de Myre.

3 Son intervention dans le sauvetage d’un navire pris dans la tempête.

4 Le double miracle accompli par lui contre la famine qui dévaste sa province.

5 Comment Nicolas débarrasse le pays du culte de Diane.

6 Il sauve 3 soldats de la décapitation et 3 princes des mains de l’Empereur.

7 Une huile miraculeuse jaillit de sa tombe.

8 Nicolas sauve un Juif prêteur de la ruse d’un chrétien mauvais payeur.

9 Il convertit un autre Juif qui avait confié la garde de ses biens à son image.

10 Nicolas ramène à la vie un enfant étranglé par un mendiant

11 et un autre enfant dont le père lui avait promis une coupe d’or.

12 Le jour de sa fête, Nicolas sauve un enfant de l’esclavage.

 

 Célébré dans toute l’Europe centrale jusqu’au XVIème siècle, comme saint patron des enfants notamment (mais on lui connaît d’autres attributions : les vierges, les prêteurs sur gage, les marins…), Nicolas voit son statut contesté par la Réforme, qui opère un sérieux coup de balai dans la tradition pour recentrer la religion chrétienne sur le rapport de l’homme à Dieu, sans ce fatras d’intermédiaires réels (clergé) ou imaginaires (saints). Pour la première fois, dans l’Allemagne protestante, on voit au XVIIème siècle la tentative de faire passer la fête des enfants du 6 décembre (saint Nicolas) à la fête de… l’enfant Jésus le 25. Le brave saint fait alors place au Kris Kindel ou De Hele Christ (Holy Christ) plus proche du cœur des protestants.

Mais saint Nicolas lui-même continue à être fêté, avant tout en Belgique, aux Pays Bas, en Alsace, en Lorraine et dans la Flandre française. Comment ? Tous les ans, dans la nuit précédant l'anniversaire de sa mort, le 6 décembre, saint Nicolas descend du ciel, entre par la cheminée pour apporter des friandises et des cadeaux aux enfants sages. Il porte une longue barbe blanche, une mitre et une crosse et un long manteau, souvent rouge. Il est accompagné du père Fouettard (appelé Ruprecht en Lorraine, Hans Trapp en Alsace, Zwarte Piet aux Pays-Bas, Pelznickel en Allemagne). C'est l'opposé de saint Nicolas : horrible et menaçant, il tient une verge pour fouetter les enfants qui ont été méchants au cours de l’année écoulée. Pour assurer le passage de saint Nicolas, il faut donc avant tout être sage, mais aussi, au soir du 5 décembre, suspendre ses chaussettes à la cheminée sans oublier d’y joindre une assiette avec une carotte ou d’autres friandises pour le cheval ou l’âne.

Par la suite, saint Nicolas a traversé l'Atlantique avec les Hollandais et les Allemands. Son nom s'est américanisé en Santa Claus parfois abrégé, familièrement, en Santa.[2] Il est présent dans toutes les régions où abondent Hollandais et Allemands.

En 1823, un pasteur américain, Clement Moore, écrit un conte, A Visit from Saint Nicholas, qui contribue à rendre saint Nicolas populaire partout aux États-Unis. En 1863, dans le magazine Harper's Weekly, le dessinateur américain Thomas Nast lui donne l’aspect familier que nous lui connaissons aujourd'hui. Une réédition du conte de Moore en 1883 prend le titre de The Night Before Christmas, qui confirme le changement de date esquissé au XVIIème siècle : la fête des enfants déménage du 6 au 25, ou plutôt Noël devient avant tout la fête de l’Enfant Jésus et de tous les enfants… En devenant l'homme à tout faire de Noël, le saint se débarrasse de sa mitre et de sa crosse. En outre Moore l’imagine tiré par un traineau de huit petits rennes. Devenu un lutin rondouillard, Santa Claus a par la même occasion perdu son alter ego vengeur, le Père Fouettard, et abandonné toute dimension de récompense ou de punition. Dans le monde moderne, c’est bien connu, tous les enfants sont sages !

Le commerce fera le reste. En 1930, et une nouvelle fois en 1950, Coca-Cola utilise Santa Claus dans ses publicités, en lui donnant sa  tonalité de rouge, loin de celle du manteau de l’évêque. C’est à ce moment que Santa Claus fait son apparition en France, sous le nom de Père Noël, traduction littérale du nom utilisé par les Anglais, Father Christmas. Sous le masque du Père Noël, Nicolas développe une carrière internationale de premier plan de grand bienfaiteur au moment précis où la Croisade de la Consommation a besoin d’un apôtre !

La légende de Saint Nicolas en chanson

tait trois petits enfants
Qui s'en allaient glaner aux champs

allés, tant sont venus
Que vers le soir se sont perdus.
S'en sont allés chez le boucher :
Boucher, voudrais-tu nous loger ?
Entrez, entrez, petits enfants,
Y'a de la place assurément.

taient pas sitôt entrés


Que le boucher les a tués,
Les a coupés en p'tits morceaux
Mis au saloir comme pourceaux.

au bout d'sept ans
Vint à passer dedans ce champ,
Alla frapper chez le boucher :
Boucher, voudrais-tu me loger ?

entrez, Saint Nicolas,
Y'a de la place, il n'en manque pas.
Il n'était pas sitôt entré
qu'il a demandé à souper.

un morceau de jambon ?
Je n'en veux pas, il n'est pas bon.
Voulez-vous un morceau de veau ?
Je n'en veux pas il n'est pas beau.

Du p'tit salé, je veux avoir
Qu'il y a sept ans qu'est dans l’saloir.
Quand le boucher entendit ça,
Hors de la porte il s'enfuya.

ne t'enfuie pas,
Repends toi, Dieu te pardonnera.
Saint Nicolas alla s'asseoir
Dessus le bord de son saloir.

qui dormez là,
Je suis le grand Saint Nicolas.
Et le Saint étendit trois doigts,
Les petits se levèrent tous trois.

premier dit : "J'ai bien dormi."
Le second dit : "Et moi aussi."
Et le troisième répondit
"Je me croyais au Paradis."

 L’image la plus courante de Saint Nicolas le présente avec à ses pieds trois enfants dans un panier. Mais la Légende dorée ne rapporte pas cet épisode essentiel ! D’où nous vient-il donc ? Une légende concernant un voyageur sauvé par Nicolas du saloir de l’auberge où il est descendu apparaît dans la Vie de Saint Nicolas de Wace (1150) et se retrouve à la fin d’un sermon de saint Bonaventure au XIIIème siècle, en concernant cette fois non plus un voyageur, mais deux étudiants. Par ailleurs, dans l’iconographie de saint Nicolas on retrouvait souvent l’image du saint évêque avec à ses pieds la tour où sont enfermés les trois soldats (épisode 6 de la Légende dorée). L’histoire des trois enfants et du boucher étant devenue (par quel biais ?) célèbre au moment du développement de son culte, on réinterpréta semble-t-il cette image des soldats dans la tour présente dans de nombreux vitraux et bas-reliefs : les soldats devinrent des écoliers, la tour un panier, le panier où le boucher... Un autre épisode fut mis à contribution par un semblable détournement : dans l’épisode des trois vierges, Nicolas fait passer de l’or subrepticement par la fenêtre. C’est de ce détail qu’on aurait tiré son habitude de se glisser dans les maisons par la cheminée… Conclusion : Ce n’est pas seulement le Père Noël contemporain qui s’avère une image détournée de saint Nicolas, mais sa propre image traditionnelle constitue elle aussi un détournement de la légende.

 

Chanson classique des enfants

à la Saint Nicolas

Ô grand Saint Nicolas,
 Patron des écoliers,
 Apporte-moi des pommes
 Dans mon petit panier.
 Je serai toujours sage
 Comme une petite image.
 J’apprendrai mes leçons
 Pour avoir des bonbons.

Venez, venez, Saint Nicolas,
 Venez, venez, Saint Nicolas,
 Venez, venez, Saint Nicolas, et tra la la...

Ô grand Saint Nicolas,
 Patron des écoliers
 Apporte-moi des jouets
 Dans mon petit panier.
 Je serai toujours sage
 Comme un petit mouton.
 J’apprendrai mes leçons
 Pour avoir des bonbons.

Oh grand Saint Nicolas,
 Patron des écoliers,
 Apportez-moi du sucre
 Dans mes petits souliers.
 Je serai toujours sage
 Comme un petit chaton.
 J’apprendrai mes leçons

Pour avoir des bonbons.

 

Pour ceux qui ne croient mot de tout ceci, Anatole France a écrit en 1909 un Miracle du grand Saint Nicolas [3] qui nous raconte… enfin !... le destin des trois petits enfants et de leur illustre bienfaiteur. Âmes pieuses, s’abstenir !

Quant à la rumeur - persistante sur le WEB - que ni St Nicolas, ni le Père Noël n'existent, que ce sont les parents, etc. je n'ai qu'un mot à ajouter : il y a tant de rumeurs infondées sur internet !



[1] La légende dorée : la légende de saint Nicolas, par Jacques de Voragine (texte écrit au XIIIe siècle)

[2] Ne manquez pas d’écouter 99 fois, avec Aymeric, Geoffrey, Aniel, Eliot et tant d’autres : Santa where are you ? (http://christmas.supersimplelearning.com/songs/) En plus, ils feront leurs premiers pas en anglais !

[3] Publié dans Les sept femmes de la Barbe-Bleue et autre contes merveilleux. On peut le lire en ligne à l’adresse http://fr.wikisource.org/wiki/Le_Miracle_du_grand_saint_Nicolas


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