Au royaume des Anodontes

par C’est Nabum
vendredi 28 mars 2025

 

Les coquilles sont de bon aloi

 

Il se peut parfois à moins que ce ne soit très souvent, ce que vous pouvez aimablement considérer comme des coquilles, vient choquer les puristes et déranger les fins lettrés. Je réponds à ceux qui signalent les erreurs qu'au royaume des anodontes, les coquilles font la loi. La formule mérite explication car bien plus nombreux sont ceux qui savent débusquer mes fautes que ceux qui connaissent l'existence de ce mollusque d'eau douce.

Moules d'eau douce, elles sont bivalves et se trouvent encore dans la Loire. Ne cherchez pas à vous en délecter, elles ne sont pas comestibles car elles filtrent des eaux qui ne sont pas dénuées de toutes les scories de notre civilisation. À propos justement de scories, mes billets n'en sont pas exempts malgré la bienveillante surveillance de correctrices qui croulent sous l'ouvrage en dépit du filtre de leurs attentives relectures.

La pirouette de la coquille a pour but de passer sous silence que votre serviteur quoique écriveur chronique n'en demeure pas moins, en dépit du temps passé à l'exercice, un être qui écrit de manière bancale, constellant ses écrits de fautes à horrifier les puristes. En dépit des correcteurs orthographiques, je bafoue la grammaire, martyrise la langue et fait fi de l'usage. En d'autres temps, j'eus mérité le bûcher.

Dans mon enfance, j'eus droit aux flammes de l'enfer quand toutes mes dictées héritaient du zéro de l’infamie. Par la suite, il y eut des professeurs, drapés dans leurs certitudes qui me recommandaient de ne jamais écrire. Qu'importait pour eux le style, le propos, la langue si la rectitude de la graphie était bafouée. Je tiens encore à honorer leur mémoire, eux qui en gardiens du temple, se contentaient de la surface des choses.

Puis, au fil du temps, je parvins à présenter un travail qui n'était plus jonché de mots de travers, d'accords discordants, de confusions désarmantes ou de conjugaisons d'un autre temps. Je pus ainsi tenir assez honorablement le métier d'instituteur sans pour autant être un virtuose de l'écriture parfaite. La honte au front, j'acceptais les corrections de mes élèves quand le mal retord surgissait à l'improviste.

Les mots pour moi ne sont pas guindés, respectueusement calfeutrés dans leur coquille. Ils vont et viennent, se jouent de leur sonorité, aiment à côtoyer leurs homonymes, à flirter avec des sonorités proches pour jouer avec eux, confondre à plaisir ou forcer l'approximation. Le sens prend toujours le pas sur la façade.

Alors prétendre qu'il s'agit de coquilles permet tout juste de sauver la face quand des confusions ou des approximations naissent des images, des fausses pistes, des mots tordus, distordus, confondus. Dans cette pratique incertaine, comprenez bien que la grammaire s'autorise quelque souplesse d'autant que la rédaction fait vite abstraction des règles pour se concentrer uniquement sur le récit.

Que les anodontes veuillent bien excuser ma propension à les accuser des fautes dont je suis le seul responsable. Responsable certes mais jamais coupable avec ma graphie contaminée par les libertés que je m'accorde, les travers que je m'autorise et toutes les erreurs qui finissent par entrer dans la danse.

Continuez je vous prie de penser qu'il ne s'agit que de coquilles, de fautes indépendantes de ma volonté. Je ne suis pas certain que la volonté entre en ligne de compte dans cette accumulation de confusions qui arrachent les yeux des jansénistes de la langue. L'enfer est sans doute pavé de toutes les fautes que je n'ai eu de cesse de semer dans ma graphorrhée bancale, mon addiction à l'insulte orthographique et mon assuétude aux mots libérés de leurs carcans et leurs oripeaux.


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