Bouleversement

par C’est Nabum
samedi 1er octobre 2016

Bouleversement …

La visite mystérieuse.

Elle arrive, elle vient passer quelques jours chez ses parents. Ils sont ravis de la recevoir. Elle va retrouver ses amies, faire quelques visites de courtoisie. Mais que se passe-t-il ? Sa voiture est pleine à craquer d’un ensemble aussi hétéroclite qu’étonnant. Elle vide son coffre puis sort de l’habitacle un désordre tout aussi important.

Il y a des mallettes de vêtements, un lit démontable, une glacière, un ballon, des hochets, des pots de conserve, des boissons, des poudres magiques, des roulettes et encore une infinité de petits objets aussi insolites qu’étranges. La maison prend soudain une allure de bazar. Le désordre règne immédiatement là où jusqu’alors, la rigueur domestique était la règle.

Marcher à l’intérieur devient un problème. Il convient de regarder où l’on met les pieds. Ici, une toupie, là, un instrument de musique, derrière cette chaise, une cuillère de bois, sous l’armoire, des grelots, une souris derrière le fauteuil … Un ouragan est passé par là : il faut se résoudre à vivre ainsi quelques jours.

Non seulement la pièce de vie est sens dessus dessous mais la cuisine a vécu un bouleversement bien pire encore. Le plan de travail ne permet plus de cuisiner. De petits récipients à l’extrémité étrange trônent en majesté. Ils sont de tailles et de couleurs variées. Des poudres mystérieuses accompagnent cette armada. Des sirops, des produits inconnus jusqu’alors complètent ce joyeux désordre.

La chambre ne vaut guère mieux. Il n’y a plus moyen de la reconnaître. Un lit supplémentaire occupe tout l’espace libre jusqu’alors. Sur le lit habituel, des vêtements, un grand drap de bain, de curieuses serviettes de coton avec des élastiques, encore quelques objets énigmatiques. Il se passe décidément quelque chose d'étrange dans cette maison.

Le rythme de vie a subi lui aussi une révolution. Les heures de repas, de repos, de lever en sont chamboulées. Adieu la régularité d’un environnement qui a pris des habitudes depuis si longtemps qu’il convient de ne jamais plus les changer. Un nouvel arrivant gère le quotidien, impose son temps, fixe les règles et les contraintes. Pourtant ce tyran domestique ne dit rien ou presque. Il se contente de sourire ou bien de pleurer pour faire marcher la maisonnée à ses ordres !

Chacun se plie a ses désirs, s’évertue à ne pas faire de bruit quand le nouveau maître souhaite se reposer, cherche à attirer son attention quand Sa Majesté mange, joue ou bien tient salon. Le nouvel arrivant dispose de sa cour à sa guise, boude les uns, place les autres au rang de favoris, change d’humeur d’un instant à l’autre. Les courtisans de multiplier les efforts et les grimaces pour lui plaire. Le roi trône, indifférent souvent à ce manège obséquieux.

Il y a parfois le cérémonial de la chaise percée. Nous retrouvons Sa Majesté les jambes en l’air, heureux de se libérer d’un fardeau qui encombre son royal séant. On se précipite pour admirer le prodige, deviner les humeurs et la santé du prince. On s’extasie devant la couleur de la chose, son odeur est un cadeau royal. Des crèmes, des onguents viennent adoucir le derrière de Sa Majesté des couches !

Le grand moment d’extase est sans nul doute celui des ablutions royales. On se précipite dans la galerie des glaces pour admirer le dauphin prendre les eaux. Canards, sous-marins, ballons disposent du privilège de partager son immersion. Les exclamations des uns couvrent à peine les borborygmes du roi des nageurs. Un immense drap de bain recevra Sa Majesté au sortir de son bain. On applaudit au prodige de ses gambettes qui pédalent de satisfaction.

Le roi n’est pas toujours bon prince. Il lui arrive de pleurer la nuit, de contraindre sa cour à se lever pour aller s’enquérir de sa santé. On s’inquiète, on se désole, on s’énerve de ne pas comprendre ce qu'il se passe. Les yeux rougis de fatigue, les courtisans se relaient au chevet de Son Altesse qui finira par s’endormir sereinement après avoir semé le désarroi autour d'Elle .

Puis, ce sera le départ du monarque. La voiture engloutira tout le royal désordre ajouté des nombreux présents qu’il a reçus de ses nombreux visiteurs. Il faut des trésors d’ingéniosité à sa génitrice pour trouver une place à chaque chose. La maison se vide ; elle retrouve son ordre ancien. Pourtant elle restera longtemps habitée par le babillage du petit roi.

Le petit-fils a fait l’honneur d’une visite. Son arrivée était attendue ; son passage fut un tsunami joyeux ; son départ laisse un grand vide. Ainsi va la vie des grands-parents qui vivent loin du cher chérubin. Le bouleversement est un don de ciel, sa visite un cadeau merveilleux.

Grandpèrement sien.

 


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