Chacun sa Loire

par C’est Nabum
mardi 18 février 2014

Moi qui ne suis qu'un marinier à pied ....

Voile, navigation & mariniers ...

J'ai eu le bonheur d'assister à l'assemblée générale de Voile de Loire d'en haut. Si la dénomination peut vous surprendre, il faut admettre que fédérer des amoureux d'une rivière qui se prélasse sur plus de mille kilomètres de long n'est pas chose aisée. Les êtres pragmatiques décidèrent de partager en deux ce long cours sinueux pour simplifier les rencontres et raccourcir les distances.

C'est donc à Ousson sur Loire, village au charme authentique et préservé, qu'avait lieu cette noble assemblée et l'envie me prit de m'y rendre pour aller prendre le pouls des mariniers. J'eus le bonheur d'un accueil chaleureux et pus juger de l'envie qui animait chacun de partager une passion commune. Ce fut encore pour moi l'occasion de réfléchir à cette étrange lien qui unit des gens aux motivations fort diverses.

Je n'ai pas à juger des amis qui étaient présents ce jour-là. Ce sont tous des passionnés, des gens qui vont sur l'eau, qui naviguent quand ils le peuvent, connaissent la rivière et aiment à la rencontrer. Ce sont les membres vraiment actifs d'une grande confrérie aussi multiple que variée. Ce qui me pousse à la réflexion ce sont les motifs d'adhésion des uns et des autres, notamment ceux des absents qui portent le grand chapeau de feutre lors des grandes messes. Quels peuvent donc être leurs motifs d'affiliation à cette cause commune ?

C'est à partir de cet instant que nos chemins divergent. Les mariniers ou supposés tels sont aussi différents que les manières d'aimer la Loire ou de s'aventurer dans cette passion étonnante. J'avoue ne pas trouver beaucoup de semblables dans mon approche bavarde, ma folie inventive et mon envie de raconter la grande et les petites histoires. Les démarches de mes collègues sont heureusement fort différentes. Mais qu'en est-il des autres, les mariniers d'occasion ?

Il y a d'abord ceux qui revendiquent leur appartenance à l'aristocratie de la confrérie. Ils ont construit de leurs propres mains un bateau de bois, une reproduction, la plus fidèle possible, des ancêtres d'autrefois. Ils ont connu une aventure exaltante, un défi technique qui leur a imposé de surmonter bien des difficultés. Il leur a fallu puiser dans les archives, se poser les bonnes questions et résoudre bien des problèmes qui laissent pantois le béotien. Ils sont plus charpentiers de marine que mariniers s'ils se contentent de cet acte de bravoure !

Il y a ensuite ceux qui se sont offert le bateau que de plus adroits, de plus astucieux ou bien de plus expérimentés ont réalisé. L'argent n'est souvent pas un problème pour eux ; il les émancipe des contingences de cette étrange et fastidieuse relation. Ils profitent de leur aisance financière pour s'offrir en quelque sorte une danseuse sans avoir à en assurer la maintenance, non plus les nombreuses veilles.

De ceux-là pas grand'chose à dire : ils sont distants et hautains. On ne doit pas s'en étonner, c'est souvent le travers de ceux qui ne mettent pas les mains dans le cambouis du moteur ou bien des pompes. Si leur aisance financière les libère des contingences, tant mieux pour eux. Ce qui me pose problème, c'est que bien souvent, ils ont une conception peu partageuse de la rivière. Ils naviguent peu et dans l'entre-soi, aimant surtout à se retrouver entre eux pour manger au milieu de l'eau. Ce sont des gourmands sur un bateau, des gens qui restent le plus souvent à quai ou bien entre deux ponts.

Il y a également les membres occasionnels des associations batelières. Ni constructeurs, ni propriétaires, ils se contentent de suivre le mouvement, d'être présents quand on a besoin d'eux. Ils sont le plus souvent les petites mains pour les manifestations, les fêtes ou les rencontres et n'ont que trop rarement le bonheur de naviguer. J'admire leur patience et leur abnégation sans retour. Ils se contentent de l'habit sans la folie qui va avec.

Il y a les amis de tous ceux-là. Les plus nombreux aussi, ceux qui ne font rien au quotidien, qui ne viennent jamais écoper ou passer un coup de goudron. Ils gardent les mains propres, arrivent de manière opportune au moment de l'appareillage. Certains même, avec cet art consommé de venir les mains vides, s'exclament, faussement surpris, qu'ils ne savaient pas qu'il fallait apporter quelque chose. Ils repartent aussi vite qu'ils ont mangé sans se soucier de ranger le bateau. Ils sont à l'image de cette société où tout est bon pour les profiteurs ...

Il y a enfin les puristes. Ils naviguent dès qu'ils le peuvent mais pas seulement. Ils passent leur temps libre à entretenir ce bateau qui réclame tant de temps et de soins, tant de précautions et d'inquiétude. La Loire ne cesse de varier, d'exiger de la maintenance et des amarrages différents. Le bateau prend l'eau, subit le froid et la pluie, les mouvements des flots et les objets dérivants. Tous les jours, ils sont là à épier le plus petit signe. C'est une passion qui dévore le temps et exige bien de la patience pour supporter tous les autres. Je leur tire mon chapeau, moi qui ne suis que le raconteur de leur folie dévorante sans être des leurs, et le vilain contempteur des travers de tous les autres en étant moi-même de ceux-là ....

Marinièrement leur.

 


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