De bien lointains visiteurs ...
par C’est Nabum
mardi 28 octobre 2014
Sur la cime du cipré ...
La piqûre de rappel …
Il était une fois un homme charmant qui aimait à recevoir ses amis. Ceux-ci venaient à lui, les uns à l'improviste et les autres en se perdant en chemin. Il lui était bien difficile de concilier ces deux manières de lui faire visite, d'autant qu'il aimait à mettre les petits plats dans les grands et les bouteilles sur la table …
L'homme vivait en bord de Loire-comment pourrait-il en être autrement- dans une vieille bâtisse, de celles qui ont une âme mais rendent la vie quotidienne bien compliquée quand l'argent vient à manquer pour l'entretenir comme il conviendrait. Qu'importe pourtant les conditions matérielles ; c'est en sa demeure que ses amis aimaient à passer, car en ce lieu, des vibrations se faisaient sentir.
C'est l'âme des anciens qui transpire des murs, c'est le passé encore vivace qui hante les pièces, ce sont les histoires qu'il faut taire qui suintent des mémoires. Un belle demeure en somme, pleine d'ombres et de lumière. La vérité ne sortira sans doute jamais d'un puits qui recèle de lourds secrets. Il faut parfois savoir garder le silence …
Mais que la Loire est belle de ce promontoire magnifique ! Elle est toile de fond et présence si sensible que tous les regards se tournent vers elle. La maison ouvre toutes ses baies pour voir couler en majesté la belle rivière qui subit en ce lieu l'influence de la mer. Nous sommes en pays de Bretagne, la vie se pare ici des nuances de bleu.
Le maître de la maison reçoit avec le sourire, prend son appareil photographique pour immortaliser la visite. Il aime saisir l'instant et s'étonne souvent que les fantômes surgissent sur le cliché. Ils se mêlent à la fête, partagent le verre de l'amitié ; les spectres aiment bien boire : voilà qui me laisse quelques espoirs pour l'autre monde …
Les bouteilles se vident grâce à cette mystérieuse complicité. C'est le pas lourd et la tête embrumée que nous prenons la sente pentue et rocailleuse qui nous conduira à notre fille Liger. On s'exclame devant sa beauté et un plus fou que les autres retrousse le pantalon pour s'immerger en la belle dame. En cette fin octobre, son onde est douce encore à ceux qui savent l'apprécier.
Nous remontons, gonflés de ce bonheur fou qui nous réunit autour d'une rivière, nous imaginant à l'abri des menaces de ce monde, la Loire devant nous couvrir de son aile protectrice. Hélas, elle ne peut rien contre les nouvelles menaces : celles qu'une société folle impose à chacun de nous.
Sur un cèdre haut et magnifique, la terreur s'est installée. Perché en sa cime, un nid énorme porte son ombre funeste sur les visiteurs et les gens du pays. Les frelons venus d'Asie y ont élu domicile avec vue imprenable. Imprenable tout comme leur refuge, inaccessible au pauvre propriétaire de ce lieu jusqu'alors enchanteur.
Le nid grossit, il devient énorme. Il a désormais plus d'un mètre de diamètre. Ses habitants se piquent d'être désagréables et de venir importuner ceux qui viennent en leur nouveau domaine. Il faut se protéger de leur vol menaçant. Prendre une verre dehors risque désormais de vous donner le bourdon ….
Notre ami ligérien a appelé les pompiers. La dangerosité de ces moustiques belliqueux aurait dû alerter les soldats du feu et des risques. Hélas, le temps n'est plus au service gratuit ; tout se paie et souvent fort cher. Quand il y a de l'argent à gagner, des sociétés privées se chargent de prendre le relais pour mettre du beurre dans leurs épinards en branches.
Sortir une grande échelle, affronter les redoutables frelons a un coût si élevé que la somme rebute celui qui doit se résoudre à accepter leur compagnie. Voilà comment on laisse entrer le ver dans sa maison … Les frelons volent au-dessus de notre rencontre, nous prenons peur, nous désertons bien vite ce nid inquiétant.
Notre hôte se désole. Il passera la soirée seul. Les visiteurs se sont envolés. Qui saura lui donner le plaisir de la réception en le soulageant de ces locataires détestables ? Si vous avez quelques bonnes idées, n'hésitez pas à les lui communiquer. Lui en échange vous ouvrira ses bras et sa table.
Bourdonnement sien.