Finalement, ce n’était simplement plus possible

par C’est Nabum
mercredi 3 avril 2013

En direct de ma Segpa

Quand l'école est impuissante !

Vous avez peut-être suivi par épisode les aventures et les difficultés de notre ami « G » élève qui en troisième Segpa traîne sa misère et ses problèmes depuis si longtemps. Je l'ai découvert bien vite en arrivant dans cet établissement, il y a moins de deux ans. J'ai trouvé un môme fracassé comme il en existe tant, un gamin qui ne peut rester en place, qui a si peu engrangé de savoirs pendant son parcours scolaire.

Il eut les honneurs de ces chroniques le jour où il y a plus de 18 mois, je le délivrai de l'étau puissant d'un camarade bien décidé à l'étrangler. Une sombre affaire d'insultes racistes pour deux garçons ayant des origines semblables. Parfois, il est bien compliqué de comprendre leurs motivations réelles, les mécanismes qui les poussent vers des débordements incontrôlables.

Puis, l'étrangleur est parti, G est resté après une conseil de médiation pour lequel sa mère ne s'est même pas déplacée. Qu'avait-il retenu de cette belle admonestation officielle ? Rien de plus que lors des innombrables fois où il s'est retrouvé dans le bureau depuis la sixième après des bagarres, des insultes, des coups et une multitude de rapports tous plus inutiles les uns que les autres.

Parfois, sa pauvre mère venait, soutenait bec et ongles ce garçon si gentil à la maison. Oui, vraiment, tout était de la faute de l'école, des professeurs trop sévères, des camarades si mal élevés, des circonstances toujours défavorables. La dame ne comprenait pas ce qu'on essayait de lui dire, refusait d'écouter les conseils, de consulter un organisme d'aide ; le CMPP (Centre Médico Psycho Pédagogique )

Les années n'ont fait qu'aggraver les dysfonctionnements et les signaux inquiétants. Après les fugues, les absences injustifiées, les propos scabreux, il y eut ce jour où il fut surpris en train de se masturber dans un atelier, pendant un cours. Ne fallait-il pas enfin y voir un symptôme de nature à déclencher des procédures de soin ? Mais une fois encore, la mère nia l'évidence et l'institution se montra impuissante.

Les plaisirs varièrent, les faits devinrent de plus en plus spectaculaires. Nous avions fait le pari de ne pas l'exclure. Pour nous, une exclusion, c'est déplacer le problème dans un lieu qui devait découvrir à nouveau le chemin que nous avions malgré tout réussi à parcourir avec lui. Nous pensions pouvoir, malgré lui, malgré sa mère aussi, le contenir, lui permettre d'accéder enfin à plus de raison.

Que ne fallut-il pas subir de sa part. Je vous ai narré ces différents exploits lors de nos sorties. Il fut de tous les mauvais coups, les paroles indignes, les comportements dont on ne peut qu'avoir honte. Mais nous tenions le cap et le conservions dans un cadre qui devait se faire de plus en plus souple. En classe, curieusement, il était calme, participait oralement même s'il ne conservait jamais le moindre document. Mais en atelier, c'était l'horreur !

J'ai, moi-même, eu un violent esclandre avec sa mère, toujours arcboutée dans sa négation de nos remarques et récits. N'en pouvant plus et souhaitant poser un geste fort, j'ai voulu porter plainte contre ce cher petit qui m'avait insulté. Au commissariat on daigna tout juste m'écouter sans accepter ma demande. Je repartis avec une modeste et insignifiante main courante qui ne fut d'aucune utilité, elle aussi !

Les stages sont arrivés. Une belle occasion de rompre avec la logique scolaire et démontrer ce que sa mère affirmait, qu'il n'était pas ainsi, qu'il pouvait être un bon petit, travailleur et poli. Les résultats ne furent pas conformes aux derniers espoirs. Il ne tint pas, fut renvoyé, ne pouvait accepter les contraintes et les bonnes manières, les horaires et les ordres.

Cette fois, ne voulant pas nous mettre à dos un nouvel employeur, nous lui demandâmes de trouver lui-même son stage. Il ne fit aucune recherche, nous accusa de refuser de l'aider. Exigea qu'on lui fit un CV et une lettre de motivation. Il n'avait rien conservé des cours et des modèles, des exemples que nous avions faits en classe.

Ses camarades partirent, il resta là, à ne savoir que faire. Insulta et frappa une surveillante, enflamma des papiers pour s'occuper. Le désœuvrement mène à tous les vices. Le pauvre G trouva l'occasion trop belle et en l'espace de deux jours excéda la communauté scolaire et l'administration qui devait le garder. Cette fois, ce n'était plus possible, il serait traduit devant le conseil de discipline …

L'issue de cette instance ne fait aucun doute. Le dossier du garçon effraierait n'importe quelle personne tolérante. Il va se retrouver à la rue, ne disposera toujours pas des soins qui lui sont nécessaires et que sa mère refusera encore de demander pour lui. Il retrouvera peut-être son frère aîné que la justice a fini par rattraper. Il n'aura aucun diplôme, aucune orientation et ne se rendra certainement pas pour quelques mois dans un nouvel établissement qui d'ailleurs ne le supportera pas plus de quelques minutes.

Que faire ? Les statisticiens évoqueront son cas et parleront de l'échec du système éducatif. Les bons apôtres nous diront qu'il y avait mieux à faire. Les plus méchants qu'il aurait fallu le mettre à la rue bien plus tôt. Les anciens nous crieront que de leur temps … quand les modernes nous traiteront d'incapables et de monstres. Tout cela est si facile.

Une famille décomposée, une enfant de l'immigration, une mère qui ne parle pas la langue, des conditions de vie déplorables, le chômage et la pauvreté, l'absence d'une autorité paternelle, des troubles du comportement, un enfant roi, des procédures qui exigent l'accord de la famille, l'obligation scolaire, le manque de professionnels dans nos pauvres structures de relégation. La liste est longue de tout ce qui a failli à un moment ou à un autre.

Ajoutez le désordre dans les classes, la lassitude des professeurs, l'impuissance de l'administration, notre probable incompétence, notre manque de clairvoyance et vous aurez sans doute encore raison. Mais que va-t-il devenir ? Qu'avons-nous fait vraiment pour lui éviter cette issue qui est, à coup sûr, une condamnation à la marginalité et à la galère ?

J'attends vos solutions avec une immense curiosité …

Impuissancement votre

Il ne fait que des bêtises


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