Forcément chic, bougrement tendre (le porno au féminin)
par Mathias Delfe
jeudi 18 septembre 2008
Attention les yeux ! Elles aussi ne pensent qu’à "ça" !
(la lecture de ce billet est rigoureusement interdite au moins de 18 ans)
Ça fait un moment que Canal+ n’est plus ce qu’elle fut, la chaîne qui innove, qui déroute, qui gratte. Elle n’est peut-être pas encore devenue Canal-, mais déjà plus rien ne la distingue vraiment de ses consœurs en dehors de Guignols de l’info un peu à la ramasse depuis que leur géniteur, Bruno Gaccio, est parti se faire voir ailleurs.
Ajoutez à cela une offre télévisuelle qui est devenue pléthorique, le rachat/fusion du concurrent TPS et les droits exorbitants du foot, une TNT gratuite et un pouvoir d’achat en sous-gonflage, donc des clients de moins en moins enclins à payer cher l’usage d’un décodeur, et vous avez une entreprise qui a du souci à se faire concernant son avenir.
Le film porno émis le samedi soir à minuit, qui évitait au téléspectateur bobo la petite honte de louer une cassette à la jaquette équivoque au vidéo-club du coin, fut longtemps un moteur à abonnement.
Hélas ! tout passe, tout lasse, et ce n’est pas la qualité artistique généralement catastrophique des produits X qui risque d’empêcher les couples de se coucher plus tôt le week-end avec un bouquin de Yann Arthus-Bertrand ou de regarder sur Arte un opéra de Richard Strauss en allemand non sous-titré.
D’où l’idée de coproduire puis de diffuser* un prétendu nouveau genre** de bandes coquines mises en scène par des actrices ou des réalisatrices connues pour leur travail dans le « vrai » cinéma (parce que des films de cul réalisés par des comédiennes spécialisées, ça existe depuis longtemps).
Ajoutez au projet l’appui du CNC (Centre national de la cinématographie) pour l’argent frais et la respectabilité inhérente à tout ce qui est « national » et vous transformez d’un bon coup de « communication » une entreprise parfaitement putassière en ode au féminisme et à la libération des clitoris.
A en croire Sophie Bramly (ça se prononce brame ou bran ?), fondatrice de SecondSexe qui produit les œuvres tant attendues, les principaux critères des "X-plicit Films" sont « une montée progressive du désir, un parti-pris esthétique, des acteurs et actrices naturels et des sensations justes où la libido féminine est au centre de la proposition ».
On peut difficilement faire mieux en termes de clichés, l’esthétique kitsch et le plaisir féminin authentique étant les deux tartes à la crème préférées des producteurs de porno depuis la commercialisation légale du genre dans les années 70.
Des cinq réalisatrices, Héléna Noguerra, Arielle Dombasle, Lola Doillon, Mélanie Laurent et Laetitia Masson, cette dernière au moins ne se paye pas d’hypocrisie puisqu’elle a sobrement intitulé son propre court métrage Enculées, reconnaissant explicitement que, foin de cette esthétique à la noix et de ce désir montant progressivement qui emmerdent tout le monde, le centre de la libido féminine se situe très précisément où le placent tant de mâles incorrigiblement sodomites dès qu’ils sont lassés des vagins : entre les deux fesses de ces dames.
* le 25 octobre, à partir de minuit, bien sûr.
** on se souviendra de Baise-moi ! de la romancière Virginie Despentes et de « l’hardeuse » Coralie Trinh Thi.