Gueule cassée et grand cœur

par C’est Nabum
samedi 14 septembre 2013

Parcours d'une vie ...

Georges de la Loire.

Vous avez passé une journée sur la Loire en compagnie de l'inénarrable Georges. Prenons maintenant la peine de lever le voile, de découvrir quelques aspects de ce personnage aux mille facettes, au parcours compliqué et à la vie semée d'embûches. Il y en aurait tant à raconter que je n'ai fait que recueillir quelques fragments épars, notés tant bien que mal parmi un flot de paroles. Il n'est pas avare de confidences et sa faconde le pousse parfois sans doute sur les rives de l'exagération. Qu'importe, chacun prendra ici ce qu'il juge acceptable …

Georges est un ligérien, un vrai. Il fut baptisé dans notre Loire un jour que ses parents se promenaient sur le chemin de halage vers Combleux. Déjà diable à deux ans, il dévala la levée et termina sa course en contrebas. Son père n'eut que le temps de courir à sa suite pour le tirer de ce mauvais pas et lui éviter la noyade. Depuis, sa vie sera une suite de catastrophes dont il sortira indemne par miracle !

Puis c'est l'amour qui lui fit traverser la rivière pour aller compter fleurette aux demoiselles délurées. Seul de son groupe de copains à savoir nager, il profita de l'aubaine pour jouer les charmeurs sans concurrence. Si cette fois-là, il s'en tira sans catastrophe, par la suite, tous ses élans du cœur le conduisirent, à son grand désespoir, dans des folies incontrôlables dont il n'est pas très fier. Ainsi va celui qui ne peut résister à ses pulsions.

L'amour encore l'a conduit à l'armée. Engagé trois ans par dépit amoureux, une rupture et une aventure qui ne lui ont pas laissé que de bons souvenirs. Georges est un sanguin, il part au quart de tour sur un projet, qu'importent les conséquences …

Il a encore joué les Rockers. Parolier et chanteur, il a expérimenté la scène Punk puis les projecteurs du Rock qui fait du bruit. Il a connu plusieurs groupes, de jolis succès d'estime et des années à cent à l'heure et un peu plus sur sa grosse Harley. Il a gardé cette allure inimitable des backers et c'est un drôle de lascar qui débarque sur notre Loire.

Puis il a travaillé tant bien que mal. J'ai le sentiment que notre personnage ne supportait guère les contraintes et les chefs. Il ne s'attarde du reste pas sur ses premières années. Le fils de l'institutrice n'a pas pu souffrir l'école et ses exigences pas plus qu'il ne devait se plaire dans la peau d'un employé jamais modèle. Il voulait sa liberté, c'est vers l'artisanat qu'il crut se tourner.

Il fit partie de ces hommes courageux et débrouillards qui pensèrent trouver dans le métier de louageur (chauffeur indépendant tenu par un contrat avec un transporteur), indépendance et aisance financière. Il signa sa future perte pour le seul profit de quelques négriers des temps modernes, gens respectables qui exploitent de pauvres bougres qui croient en ce mirage. Georges y a laissé ses économies, sa santé et presque sa vie.

La combine est extraordinaire et mérite d'être évoquée. La victime des margoulins achète la camionnette, paie l'assurance et l'essence. Le logo de l'esclavagiste est inscrit sur un véhicule qui ne lui a rien coûté. Belle escroquerie déjà mais qui n'est rien en comparaison de la suite. Le pauvre bougre travaille du matin 5 heures au soir à plus de 20 heures, il cumule les kilomètres sans se soucier des limitations et des règles en vigueur. Il a 70 clients à servir et malheur à lui s'il ne tient pas les délais, la sanction financière tombe immédiatement.

C'est incroyable que ce système puisse exister dans un pays civilisé. C'est une honte absolue, un déni total du respect de l'être humain. Georges a tout croqué, il a explosé en plein vol et un jour, c'est une bouteille de gaz qui a marqué la fin de cette folie. Il était dans le camion quand il a craqué une allumette. Le camion est parti en fumée et le bonhomme pour plus de six mois d'hôpital !

Il en sortit fracassé par l'aventure et il lui fallut du temps pour s'en remettre. C'est pourtant à ce moment qu'il réussit un concours pour entrer à la Poste. Le rêve de sa mère était exaucé ; le fils instable et explosif allait enfin se ranger et profiter d'un statut stable. La pauvre femme se trompait. Georges fit des miracles et de drôles d'éclats. Il s'imposa comme un postier à part, celui qu'il fallait laisser dans son coin organiser à sa manière, son poste de travail. Et ça a marché ! Il bouleversa les méthodes de travail, remplit des objectifs impossibles à tenir sans la plus petite reconnaissance …

Sa vengeance fut terrible. Il observa les travers de ce grand centre de tri, prit des notes sur des pratiques peu avouables et d'autres parfaitement illégales ! Celui qui lui refusa toute promotion gagna une paire de menottes et Georges se retrouva en longue maladie. C'est la Loire qui fit alors office de centre de soins. Il y passe le plus clair de son temps, s'isole sur la rivière pour digérer une mise sous tutelle qu'il n'accepte toujours pas !

Je ne sais pas tout des pérégrinations de ce drôle de citoyen. Il est une chose certaine, il connaît son petit bout de Loire comme personne, en sait chaque banc de sable, chaque caillou et tous ses animaux et leurs habitudes. Il a même franchi le pas et vient de s'offrir une belle plate de Loire du côté d'Angers. Il compte y installer une petite cabane pour pouvoir dormir sur le fleuve et oublier tous les tracas et les fâcheux.

Voilà ce que j'ai compris de ce parcours atypique, de ce flot de paroles. Georges était déjà reparti pour d'autres aventures, de nouvelles rencontres et toujours quelques coups de pagaie dans l'eau avant que d'avoir son bateau et son moteur. Un bien curieux ligérien mais un sacré personnage !

Respectueusement sien.

 


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