Improbable et pourtant possible

par olivier cabanel
mardi 23 février 2016

Tant d’événements improbables se sont déjà produits qu’on pourrait douter de la réalité de ce mot, et il est probable que la liste des improbabilités s’allongera encore.

L’improbable sursaut citoyen, malgré ceux qui tentent de préserver le peu qu’il leur reste… l’improbable accident nucléaire, dont on sait aujourd’hui la cruelle réalité…

Bref notre vie est ponctuée d’évènements improbables qui n’auraient jamais du se produire.

On se souvient de cette centrale nucléaire, appelée à tort Superphénix, qui était présenté comme le fleuron de la technologie nucléaire et dont les concepteurs affirmaient que les probabilités d’une fuite de sodium était de une fois tous les 100 000 ans…improbable donc.

Pour comprendre l’enjeu, il faut connaitre la dangerosité du sodium liquide, destiné à assurer le refroidissement du réacteur nucléaire.

Il s’enflamme spontanément au contact de l’air, et explose au contact de l’eau… De plus, il est quasi impossible d’éteindre un feu de sodium de plus d’une tonne. vidéo

Rappelons que le 31 mars 1994, lors du démantèlement de Rapsodie, le prototype « ancêtre » qui avait servi de modèle à «  Superphénix », près de 100 kilos de sodium avaient provoqué une explosion, laquelle avait couté la vie au principal expert français en feux de sodium. lien

Or, il y avait pour ce «  Superphénix » 5500 tonnes de sodium liquide, dont 4000 dans le circuit primaire, et 1500 dans le circuit secondaire. lien

Voisinait avec ce labyrinthe de circuit de sodium, un circuit d’eau et on imagine sans peine ce qui se serait passé si des fuites d’eau et de sodium s’étaient produites en même temps.

6 mois s’étaient à peine passés qu’une fuite de sodium se produisait…fuite pour laquelle les techniciens sur place ont douté pendant près d’un mois, convaincus de l’improbabilité d’un tel accident…et pourtant, en l’espace de quelques jours, 20 tonnes de sodium avaient fui.

En effet, le 6 mars 1983 les techniciens signalaient l’apparition d’une alarme, convaincus de l’impossibilité d’une fuite, en supposant qu’il s’agissait seulement d’un défaut électrique.

Ce n’est que le 2 avril suivant qu’ils durent se rendre à l’évidence, il y avait bel et bien une fuite de sodium, (500 kg par jour) sodium qui se trouvait heureusement dans l’espace inter cuve, et donc sans contact direct avec l’air. lien

On peut suivre avec intérêt les débats qui ont eu lieu alors à l’assemblée nationale sur ce lien.

Mais il y a mieux dans le domaine de l’improbabilité : la chute d’un poids de 10 kg sur le dôme du réacteur était estimée une fois tous les 100 000 ans

Or en en novembre 81, le pont roulant situé au dessus du réacteur avait laissé tombé sa charge de plusieurs tonnes d’une hauteur de 40 mètres sur le dôme du réacteur. lien

Vous avez dit improbable ?

Tout aussi improbable était le séisme de force 9 à Fukushima dont on paye aujourd’hui les conséquences que l’on sait.

Cette vidéo prise par un automobiliste au moment du tsunami mérite le détour.

Mais l’improbabilité s’invite dans tous les domaines, y compris celui de la politique.

Ainsi quid des évènements de mai 68… ?

Ils étaient parfaitement improbables, personne ne les avait pressentis, et ils sont nés d’une suite d’enchaînements, colère d’abord des étudiants, puis des ouvriers, avant de se généraliser dans tous les domaines.

Au départ, il faut rappeler qu’il y avait eu dans les années 60 une explosion du nombre d’étudiants.

En 1967 ils étaient plus de 500 000 soit 2,5 fois plus que 7 ans auparavant…

Pour la petite histoire, les étudiants n’ont jamais été si nombreux qu’en 2015 : ils sont en effet près de 2,5 millions aujourd’hui. lien

Mais revenons en mai 68.

Tout commence pour la fermeture de l’université de Nanterre, le 2 mai, poussant plus de 400 étudiants à se retrouver à la Sorbonne le 3 mai, et à occuper la cour de cette institution.

C’est l’évacuation par les forces de police qui mettra le feu aux poudres, d’autant que cette évacuation était interdite, puisque la Sorbonne fait partie du cadre universitaire.

Pompidou aux abonnés absents depuis le 2 mai, ne reviendra que le 11 mai, décidera de rouvrir la Sorbonne, de libérer les étudiants dans l’espoir d’apaiser la grogne…lien

Mais c’est trop tard, les étudiants se sont organisés, et réclament alors beaucoup plus.

Il s’agit d’abord de dénoncer la violence de l’état, puis de supprimer la bureaucratie, le système hiérarchique, de dénoncer les manœuvres politiques et syndicales, de critiquer le capitalisme, la société de consommation, l’aliénation, l’exploitation des travailleurs, de renouveler les formes d’éducation…

Près de 1100 manifestations se dérouleront un peu partout en seulement 43 jours.

De barricades en barricades, une solidarité se construira petit à petit entre les manifestants, les syndicats ouvriers, et l’opinion publique.

Entre mai et juin 68, plus de 7 millions de citoyens seront en grève…puis viendront les négociations de Grenelle, avec un relèvement du Smig de 35%, la hausse générale des salaires de 10%, mais cette augmentation sera un feu de paille, et très vite le Smig reprendra son allure de sénateur. lien (page 18)

La victoire était amère, et bien loin des idées que défendaient les étudiants…

Il n’est pas inutile de se souvenir des réactions des principaux hommes politiques d’alors : Georges Marchais dénonçant le 3 mai « l’anarchiste allemand Cohn-Bendit », Mitterrand analysant l’idéologie des étudiants comme du « poujadisme savant », et tentant en vain de capter le mécontentement à son profit, De Gaulle fermant la marche, politisera la crise, dans l’espoir de s’en sortir grandi, en mettant en valeur le charisme de la personne présidentielle.

On connait la suite…lien

De Gaulle dissoudra l’Assemblée Nationale, puis provoquera des manifestations de soutien, faisant défiler 400 000 personnes à Paris.

Il sera largement aidé par les médias, l’ORTF couvrant les évènements très partialement en faveur du gouvernement, d’autant qu’en même temps, les radios périphériques avaient été privés du droit d’utiliser leurs fréquences.

Il n’est pas inutile non plus de rappeler l’implication des mouvements d’extrême droite aux cotés de De Gaulle et de son gouvernement, jouant le rôle d’auxiliaire de police, choisissant le camp de la bourgeoisie contre le peuple, assurés que les évènements n’étaient rien d’autre qu’un « complot communiste » contre l’Occident chrétien.

Pas étonnant que depuis plus de 40 ans cette même extrême droite essaye en vain de réécrire mai 68 en tentant de gommer le triste rôle qu’elle y a tenu, tentative d’oubli appuyée par un certain Sarközi... lien

On le voit l’improbabilité est plus souvent qu’à son tour battue en brèche, et au moment où, des agriculteurs aux ouvriers, en passant par les enseignants, les résistants aux grands travaux inutiles, les chômeurs, les chauffeurs de taxi, le mouvement des pigeons, et autres bonnets rouges, une bonne partie du pays se trouve en fracture avec le gouvernement, et les politiques en général, et les probabilités d’une colère générale ne peuvent être occultées.

La volonté gouvernementale de modifier le contrat de travail pourrait bien être un élément déclencheur. lien

Il est probable que François Hollande, qui devra inaugurer ce week-end, le prochain salon de l’agriculture, ne sera pas accueilli avec les mêmes fleurs qu’il s’est vu offrir lors de son passage polynésien. vidéo

Il faut dire que le monde agricole, en tout cas celui de l’agriculture intensive, ou industrielle, ne va pas bien, et c’est une litote.

La MSA (Mutualité Sociale Agricole) a recensé sur son «  agri’écoute » plus de 1200 appels de détresse, et les dernières statistiques ont répertorié, entre 2007 et 2009, 485 morts par suicides, la survie des exploitants étant souvent liée aux subventions qu’ils reçoivent, subventions françaises, ou européennes, qui représentent jusqu’à 45% de leur chiffre d’affaire. lien

Entre 1988 et aujourd’hui, le nombre d’exploitations a été réduit de plus de la moitié, passant d’un million à moins de 500 000lien

Comme dit mon vieil ami africain : « un peuple de moutons finit toujours par engendrer un gouvernement de loups ».

L’image illustrant l’article vient de ozartsetc.com

Merci aux internautes pour leur aide précieuse

Olivier Cabanel

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