L’auto-domestication de Sapiens

par JPCiron
jeudi 25 mars 2021

Cet Article fait suite à celui intitulé : « Sapiens perd sa cervelle »  https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/etonnant/article/sapiens-perd-sa-cervelle-231083

Article qui évoquait une réduction préoccupante du cerveau chez l'homme, en l'espace de quelques poignées de millénaires. 

 

Dans cet Article, on explore le fort probable lien entre cette réduction cérébrale et le phénomène d'Auto-domestication.

 

Devrait suivre un dernier Article : « OÙ VA SAPIENS ? Visions et Rêves Planétaires » qui se tourne vers un avenir confus.

Il s'agit donc ici, dans un premier temps, de faire le lien entre le phénomène d'auto-domestication chez les animaux, et ce que l'on observe chez l'homme.

Il y a bien sûr plusieurs manières d'approcher le problème chez les 'savants', qui néanmoins pointent deux aspects-clefs : la communication et la coopération.

En dernière partie de l'Article, on notera que la coopération nécessite une pacification préalable des dominances...

 

Voici donc le plan de cet Article :

> QU'EST-CE QUE LA DOMESTICATION

> QUELQUES ANALYSES SAVANTES

> AUTO-DOMESTICATION ET DOMINANCE

 

image = évocation de l'éternelle idée de pacification

(Basilique Saint-Jean-de-Latran – Rome) (photo JPCiron)

 

>>> QU'EST-CE QUE LA DOMESTICATION ?

 

Homo sapiens est un animal comme les autres...

 

 

> Les différences par rapport à un animal sauvage.

Il y en a plusieurs, qui ne sont pas nécessairement toujours toutes présentes :

Outre un dimorphisme sexuel moins marqué, on note que les animaux domestiqués sont plutôt dociles, et la variété de leurs activités est grandement réduite, car ils dépendent moins d'eux-mêmes pour vivre :

Un espace de vie ou un abri est fourni/ disponible (sans besoin de se le procurer). Une certaine protection contre les prédateurs est assurée. La reproduction peut être ''assistée'' : sélection des qualités souhaitées, et élimination physique des 'défauts' (comme la violence/ la non docilité). Le ''rayon du repas'' (la distance moyenne parcourue pour se nourrir) est réduite. Ledit repas a été préparé/ capturé/ mis à disposition par quelqu'un d'autre. L'accès à l'eau a été aménagé. Des soins sont fournis au besoin.

 

 

> L' instinct social des animaux & des humains.

 

Clémence A. Royer, scientifique et philosophe, s'intéresse aux facultés mentales des êtres vivants, et en particulier « l'instinct social et son évolution chez les différents groupes d'êtres organisés et chez l'homme. » (6)

Elle souligne que l'entité collective d' instinct social chez l'homme se manifeste sous trois formes d'association : pour la défense & l'assistance dans le péril ; pour la production et la distribution des moyens de vivre ; pour le plaisir.

Et elle rappelle que l'esprit de l'homme « est toujours au fond un même instrument, dont le mécanisme ne diffère en rien de celui des animaux. » Chez l'homme, sa supériorité est « d'intensité et de forme, non de nature. »

 

« Ce sont les insectes et les mammifères qui sont arrivés à manifester l'instinct social sous ses formes les plus élevées. »

Cependant, la domestication des animaux par l'homme n'est pas une 'œuvre'' uniquement humaine : nous n'avons fait que profiter de qualités pré-existantes chez ces animaux : « Tous les animaux que l'homme a réussi à domestiquer étaient déjà des espèces sociales à l'état sauvage. Il semble que l'homme ne puisse discipliner que les animaux déjà capables de discipline mutuelle et qui possédaient la faculté de communiquer entre eux leurs sentiments, leurs besoins, leurs passions, pour arriver à des volontés communes, ayant pour effet des actes collectifs. » (…)

« Tous les types organiques tendent à produire, parmi leurs formes supérieures, des espèces plus ou moins sociales. » (6)

 

 

> La domestication des animaux.

 

Combien de catégories (espèce, race ou variété) d'animaux domestiques sont identifiés en France ? Deux douzaines pour les mammifères, un peu plus pour les oiseaux, quelques poissons, amphibiens, et insectes.

 

Il est intéressant de noter que les formes de mammifères domestiques ont TOUTES un volume cérébral (CE) inférieur de 10 à 15% à la forme restée sauvage.

 

Autre point intéressant : les formes domestiques pensent différemment. Brian Hare et Richard Wrangham (primatologues à Harvard) ont par exemple étudié les capacités cognitives comparatives des chiens et des loups. Les loups ont beaucoup plus souvent des éclairs intuitifs qui leur permettent de résoudre les problèmes. Ils sont aussi très persévérants. Les chiens excellent par contre dans l’utilisation de l’homme comme d’un « outil » pour l’aider à résoudre ses problèmes.

 

Konrad Lorenz (Prix Nobel 1973 avec Karl von Frisch et Nikolaas Tinbergen) soulignait qu' « une hypertrophie des besoins de nourriture et de copulation et un déclin des instincts sociaux sont caractéristiques de nombre d’animaux domestiqués. »

 

Quand on parle de copulation, on pense aussi aux Bonobos, une branche qui s'est séparée de celle des Chimpanzés, il y a environ 1,5 million d'années.

Les Bonobos ne vivent libres que dans une niche écologique de la forêt du Congo qui leur procure une abondance de nourriture toute l’année... Nul besoin de lutte pour chercher et obtenir de la nourriture, et la non-agressivité a dû être un avantage sélectif. Le dimorphisme sexuel est faible. Les mâles sont individualistes, et les femelles ont inventé la coopération qui s’obtient via une constante communication à l’intérieur du groupe.

Les Bonobos ont un cerveau plus petit que celui des Chimpanzés (15 à 20%).

 

Brian Hare (Anthropologie de l’évolution à Duke University) voit là une convergence de signes : les Bonobos ressemblent à des Chimpanzés « domestiqués ». Il s’agit ici d’une auto-domestication.

 

 

> Comment s'est produit notre auto-domestication ?

 

Le processus d'auto-domestication de l'homme a probablement pointé subrepticement le nez dans des unités domestiques, une fois le feu devenu une pratique traditionnelle. Bien avant Sapiens donc.

 

Le feu constitue un véritable 'réaménagement du territoire' qui ''fixe'' provisoirement l'homme sur un vaste territoire : il y élimine des plantes et permet une nouvelle colonisation végétale qui y attire du gibier. Le « rayon du repas » se réduit. La cuisson permet de stériliser la nourriture, et d'externaliser une partie du processus de digestion (fibres, toxines).... Ouvrant la voie pour un intestin plus court et des dents plus petites (les nôtres actuels).

 

Mais l'auto-domestication n'a véritablement pris son essor qu' avec la sédentarisation, voici environ 12.000 ans. La sédentarisation précède les villages, cités et États que l' Écriture permet ensuite de gérer : les premiers inventeurs de l'écriture furent sans doute les proto-Élamites (Iran) (3)

 

« C'est 'nous' qui avons domestiqué le blé, le riz, les moutons, les cochons, les chèvres. Mais (…) on pourrait argumenter que c'est nous qui avons été domestiqués. (...) S'il est vrai que les plantes domestiquées ne peuvent prospérer sans notre aide, il est également vrai que notre survie en tant qu'espèce dépend désormais d'une poignée de cultivars. » (James C. Scott) (1)

 

« En contraste avec la connaissance très variée qu'ont les chasseurs-cueilleurs de leur milieu naturel, les agriculteurs, avec leurs contraintes routinières et méticuleuses, concentrés sur un nombre très restreint d'animaux et de plantes, offrent un cas de déqualification massive des savoirs (…) un appauvrissement de son régime alimentaire, une contraction de son espace vital, et aussi, sans doute, de la richesse de son existence rituelle. » (1) J-P Demoule

 

Chez l'homme, la coexistence à l'intérieur de populations plus nombreuses a ''sélectionné'' certaines caractéristiques particulières, communes avec les animaux domestiqués.

L'importante réduction du cerveau en est une, on l'a vu. Le maintien de comportements & aspects juvéniles à l'âge adulte en est un autre : élévation du seuil de comportement d'agression, de peur, de fuite (docilité, comportement moutonnier) (les individus agressifs sont éliminés/ isolés). Le dimorphisme sexuel se réduit, tandis que le fécondité augmente.

 

« La propagation de la sédentarité a fait de Homo sapiens un véritable animal de troupeau. » (James C. Scott) (1)

 

 

image = illustration de l'idée selon laquelle coopération et communication sont deux piliers centraux de toute civilisation.

(Basilique Sainte-Marie-du-Trastevere – Rome) (photo JPCiron)

 

 

>>> QUELQUES ANALYSES SAVANTES

 

Une fois faites les observations sur le terrain, des analyses savantes viennent en dérouler les conséquences logiques. Chacun le faisant à sa manière.

 

> L' « idiocracy theory »

 

Aujourd’hui, plusieurs voix soutiennent que l’homme est aujourd’hui moins malin (pour le dire de manière positive) qu'autrefois.

David C. Geary (Université du Missouri) est l’un des plus directs dans son «  idiocracy theory  » : quand les populations humaines étaient faibles, comme cela a été le cas durant la plupart des derniers 3 millions d’années, le cerveau des humains a augmenté. Cependant, quand les populations sont devenues plus denses dans certains endroits, les coefficients d’encéphalisation ont commencé à baisser. Geary insiste que c’est arrivé partout dans le monde : Europe, Chine, Malaisie, etc, partout où l’on a étudié le problème.

 

 

> L’entraide comme bouée de sauvetage

 

Le paléontologiste John Hawk (Université de Wisconsin) enfonce le clou en disant que « quand les sociétés complexes ont commencé à se développer, le volume moyen du cerveau a baissé car ceux qui auraient été auparavant incapables de survivre par leurs propres moyens ont pu alors s’en tirer par les réseaux d’entr’aide mis en place dans ces sociétés. »

 

 

La conclusion de ces deux précédentes tendances dans l'analyse est que l’expérimentation-accident de l’évolution, qui a fait basculer l’humanité dans l’auto-domestication, n’a peut-être pas été une bonne idée après tout.

 

Ou bien si ?

 

> Éloge de la docile ''différence'' .

 

D’autres voix sont plus nuancées, et évoquent la ‘différence’.

J’ai retenu par exemple les vues de l’anthropologiste Richard Wrangham et de Brian Hare :

« Tout ce que l’on peut dire, c’est que le « genre sauvage » et le ''genre domestiqué'' pensent différemment. (…) Il est parfaitement plausible que notre cerveau moderne soit plus malin pour certains aspects, moins pour d’autres, et plus docile au total. (…) La bonne nouvelle est que l’on ne peut pas dire qu’un groupe humain (d’aujourd’hui ou d’autrefois) est plus malin que celui d’autrefois. »

 

En pensant de manière dynamique, 'docile' s'écrit 'malléable'.

 

 

> « Five Rules for the Evolution of Cooperation »

 

En fait, rien n'est jamais blanc ou noir... Tout dépend...

 

Professeur en biologie mathématique, Martin A. Nowak a publié sur la dynamique de l’évolution, en particulier sur le rôle joué par les phénomènes de mutation et de sélection des gènes. Ce qui l’a conduit à s’intéresser à l’evolutionary game theory et notamment à chercher à répondre à cette question : « si la sélection naturelle repose sur compétition entre gènes, virus, espèces, etc., comment celle-ci peut-elle conduire à la coopération ? »

Ses travaux l’ont mené à proposer cinq formes évolutionnistes de la coopération. Ce sont : les liens de parenté, la réciprocité (directe, indirecte, de réseau) et la sélection par le groupe. (4a)

 

Sur cette base, Alain Jeunemaitre & Nicola Mirc expliquent que, « dans une population mélangée, les non-coopérants ont l’avantage. Par contre, des populations seulement faites de coopérants ont en moyenne une capacité reproductrice plus élevée que celles faites exclusivement de non-coopérants. Dès lors, pour qu’il existe un taux de reproduction suffisant, il faut qu’il existe dans les populations mixtes des mécanismes qui soient une aide à l’établissement de la coopération. (…). » (4b)

 

 

> Un petit ''bouquet'' de commentaires de 'savants'

 

L’idée de l’auto-domestication de l'homme n’est pas neuve !

Mais elle passe beaucoup de temps sous le tapis.

 

Richard Wrangham et Brian Hare voient un net parallèle entre les sociétés Bonobos et les nôtres, en particulier sur le fait que toutes deux sont particulièrement enclines à coopérer et à communiquer.

Ils soulignent le fait que, chez l’homme, ces capacités sont si fortement exprimées, que l’on peut dire que coopération et communication sont les deux piliers centraux de toute civilisation.

 

Johann Friedrich Blumenbach (1752 – 1840) est un des tout premiers fondateurs de l’anthropologie scientifique. Il voyait déjà l’homme comme un objet de l’Histoire Naturelle, et affirmait que « l’homme est le plus abouti de tous les animaux domestiques. » L'image est intéressante, mais discutable si l'on intègre les insectes dans la comparaison.

 

Vers 1884, Friedrich Nietsche écrit : «  …leur vertu est ce qui rend modeste et docile  ; ainsi du loup ils firent le chien, et de l'homme même la meilleure bête domestique au service de l'homme »

 

Pour ma part, j'aime bien l'approche positive de Y. N. Harari : « Les individus savent terriblement peu de choses du monde. Au fil de l'histoire, ils en ont su de moins en moins. Un chasseur-cueilleur de l'âge de pierre savait faire des vêtements, allumer le feu, chasser des lapins et échapper aux lions. Nous croyons en savoir beaucoup plus de nos jours mais, en tant qu'individus, nous en savons beaucoup moins. Pour presque tous nos besoins, nous comptons sur le savoir-faire des autres. » (…) « Nous nous croyons très savants, alors même qu'à titre individuel nous en savons fort peu, parce que nous faisons comme si le savoir présent dans l'esprit des autres était aussi le nôtre. » (…) « D'un point de vue évolutionniste, se fier au savoir d'autrui a été extrêmement profitable à Homo sapiens.  » (2)

 

image = illustration de la structure d'une société évoluée dans laquelle la pacification des relations, la coopération et la fixation des dominances semblent avoir été résolues.

Source : http://www.ac-grenoble.fr/ecole/anthoard/ens-plateau-de-larselle/structure_fourmiliere/

 

 

 

>>> AUTO-DOMESTICATION ET DOMINANCE

 

L’autre face de la coopération hors parentèle est la nécessaire préalable pacification des relations dans le groupe. Pacification sans laquelle il n’y a plus de coopération.

 

Cette « pacification  » permet de stabiliser la Société. L'idée d'une ''co-évolution gène-culture'' n'est pas neuve, et permet d'éclairer ce sujet de la pacification :

Notre espèce est violente, surtout chez les jeunes mâles. Et l'agressivité, comme les comportements asociaux sont en bonne partie héréditaires. Dans les sociétés où l'usage de la violence est le monopole d'une autorité centrale, les contrevenants sont punis (via bannissement, prison, etc) souvent durant les années où ils pourraient se reproduire. Ce qui, progressivement, exerce une pression à la réduction de la violence dans la société, l'amenant vers plus de stabilité :la fameuse pacification. (5) (Peter Frost)

La répression des pratiques asociales n'est pas suffisante : il faut aussi une évolution structurelle de la société :

 

En parallèle doit s'opérer la « fixation des dominances  ». C’est-à-dire l’acceptation par les populations de la structure de dominance en place : la soumission-adhésion.

 

Mais quid de la nature agressive de notre espèce ?

En fait, elle est toujours là, et il faut la « nourrir ». Il y a le sport : ce sont des combats très ritualisés, que l’on peut pratiquer en première personne ou par procuration, même à la télé ou au ciné.

 

Le plus intéressant-important restant que la coopération ne peut s’exprimer que dans un environnement pacifié. Cet environnement, cependant, est celui du groupe. L’agressivité à l’encontre d’un autre groupe (groupe réel ou fictif) ne remet pas en cause la structure de dominance à l’intérieur de son propre groupe. Au contraire, cela peut initialement renforcer la cohésion du groupe, et donc la superstructure de dominance existante ou en cours d'instauration.

 

Le processus d’auto-domestication crée ainsi progressivement une entité qui n’existe pas vraiment à l’état sauvage : l’intelligence collective.

 

Plus l’intelligence collective est organisée, moins on a besoin d’individus brillants : on a seulement besoin d’individus soumis et efficaces. En termes d’Évolution, cela peut très bien fonctionner : les insectes le prouvent, avec une structure sociale assez rigidifiée, bien qu'ouverte à la diversification adaptative.

 

Chez l'homme, la Tradition et le Rituel sont des auxiliaires importants pour stabiliser des 'acquis' dans la population : « Un rituel est un acte magique qui rend l'abstrait concret et le fictif réel. » (Y. N. Harari) Le résultat est que « La plupart de nos opinions sont façonnées par la pensée collective plutôt que par la rationalité individuelle, et notre attachement à ces opinions tient à la loyauté envers le groupe. » (2)

 

Alain Cotta (« La Domestication de l’humain  » Fayard) pose la question : « Plutôt qu’épris de liberté, les êtres humains ne sont-ils pas davantage attirés par une égalité semblable à celle des fourmis, des abeilles et des termites (…) ? Et, roués pour le confort, ne seront-ils pas satisfaits d’une domestication de plus en plus stricte, génératrice d’un ordre social assurant sécurité individuelle et collective ? »

 

Ma foi, est-ce une voie à négliger ?

Car, dans une recherche de sécurité, d’égalité et de confort, une fois que l’on a accepté-intégré les règles de vie plus strictes/ spécifiques, et la soumission qui va avec, et que l'on pratique le tout sans s’en trouver plus mal, alors on ne se sent pas contraint : on se sent donc libres.

 

 

> Les freins à l'instauration de la Coopération

 

Pour ma part, je vois trois macro-éléments dont il faudrait tenir compte, qui peuvent nuire à la mise en place de la coopération :

 

1 - les groupes humains qui ont atteint une certaine taille se fissurent et se scindent en sous-groupes ou micro-groupes transversaux qui deviennent bientôt autant de groupes plus autonomes avant de devenir véritablement indépendants. Est-il possible de les convaincre tous de rester ensemble sous une même dominance ?

On a de multiples exemples de cette réalité parcellaire : dans les différentes religions, dans les différentes familles politiques, dans les groupes linguistiques, les sensibilités régionales, …

Ce phénomène a été décrit par Ibn Khaldun voici six siècles, et modélisé par Martin Nowak.

 

Par ailleurs, le morcellement des sociétés, partout dans le monde est bien décrit dans le livre « La fin de l’ État-nation ? De Barcelone à Bagdad » J-F Daguzan – CNRS.

 

2 - Il n’y a plus de visibilité sur la structure de dominance économico-financière de nos sociétés industrielles, dont les ressorts de fonctionnement ne sont pas toujours ni clairs ni universellement partagés. L'incertitude crée le doute et mine la confiance nécessaire à la coopération.

Par exemple, le mécanisme qui conduit à la concentration du capital est expliqué de manière bien différente, de l’Exploitation de Marx >> au Mérite libéral >> au Différentiel de taux de Piketti.

Par exemple, l’interdépendance des économies fait que les changements sont le plus souvent « subis » sans avoir été annoncé, puis analysés et expliqués après-coup.

 

En outre, différentes mouvances idéologiques pourraient-elles avancer ''masquées'' en désignant des objectifs vertueux qui ne sont pas nécessairement les véritables ? On en connaît bien quelques exemples documentés.

 

3 - les « ressources » fossiles et naturelles de la planète ne sont pas infinies pour notre population (infestation ?). Avec une croissance (nécessaire pour assouvir les légitimes aspirations mondiales), mais croissance impossible à maintenir dans la durée. Croissance qui produit déjà une pollution, dont on parle plus qu'on ne la traite à la source.

 

 

 

En Conclusion provisoire, on voit bien que tous ces concepts de domestication, de coopération, de dominance, de pacification, etc interagissent tant avec nos sentiments qu'avec les superstructures existantes. Sans qu'un lointain consensus ne soit même envisageable... Ne sommes-nous pas comme un équipage hébété, sur un bateau dans la brume, chahuté par le vent, les courants, les vagues, ignorant où est le Nord, qui cherche à aller de l'avant ?...

 

Alors, tout jeter par-dessus bord et reconstruire ne serait une des solution qu'après un naufrage.

 

Voici plusieurs décades, l’anthropologue Lévy-Strauss n’était pas très optimiste : « La civilisation de type occidental ne trouve plus dans son propre fonds de quoi se régénérer et prendre un nouvel essor. » et il abjurait « les peuples parvenus à l’indépendance à ne pas continuer à la prôner. » (ref. ‘L’anthropologie face aux problèmes de l’homme moderne’)

 

Il espérait néanmoins «  l’avènement pour le monde fini qu’est notre planète, d’un humanisme doublement universel (…) qui (…) appelle à la réconciliation de l’homme et de la nature dans un humanisme généralisé. » (ref. Anthropologie Structurale – 1956)

 

Lévy Strauss invite l’homme à «  garder surtout courage, sans que jamais le quitte la certitude qu’avec sa disparition inéluctable de la surface d’une planète, elle aussi vouée à la mort, ses labeurs, ses espoirs et ses œuvres deviendraient comme s’ils n’avaient jamais existé. » (‘L’homme nu’) https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/etonnant/article/l-ineluctable-extinction-du-vivant-208703

 

On comprend Harari qui, se projetant loin derrière la ligne d' horizon, explique : « Ayant accepté que la vie n'a pas de sens, je trouve du sens à l'expliquer aux autres... » Cependant, comme nous vivons au quotidien avec de moins lointaines perspectives que lui, n'avons-nous pas le devoir, ne serait-ce que par respect pour ceux qui y croient toujours, d'essayer de construire du sens avec eux ?

 

 

JPCiron

 

Le prochain Article s'intitulera : « OÙ VA SAPIENS ? VISIONS ET RÊVES Planétaires »

 

 :: :: :: :: :: :: : NOTES :: :: :: :: :: :: ::

 

.. (1) – Ouvrage «  Homo Domesticus » par James C. Scott – Préface Jean-Paul Demoule - Ed. La Découverte – 2019

Le « rayon du repas » est la distance à laquelle se trouvent les aliments consommés : il diminue progressivement du Chasseur-Cueilleur à l'Agriculteur.

« Pourquoi ne pas prendre au sérieux, en tant qu'hypothèse fructueuse, l'idée d'Aristote selon laquelle un esclave est un outil de travail et, en tant que tel, peut être assimilé à un animal domestique, à l'instar du bœuf, par exemple ? » Traités bien sûr avec humanité.  ;-) 

 

.. (2) – Ouvrage « 21 leçons pour le XXI e siècle » par Yuval N. Harari – Albin Michel – 2018

 

.. (3) – Article sur l'invention de l’Écriture

https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/etonnant/article/qui-sont-les-veritables-inventeurs-222120

 

.. (4a) - Étude « Five Rules for the Evolution of Cooperation  » par Martin A. Nowak, et al. - Science 314, 1560 (2006) ; DOI : 10.1126/science.1133755 – Source PubMed - Martin Nowak (Harvard University)

https://www.researchgate.net/publication/6641993_REVIEW_Five_Rules_for_the_Evolution_of_Cooperation

 

.. (4b) – Analyse par Alain Jeunemaitre, Nicola Mirc. Coopération/compétition : de la biologie au management. Le Libellio dÁEGIS, 2008, 4 (3), pp.21-30. ffhal-00408511f

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00408511/document

 

.. (5) - Article « Human nature or human natures ? (Futures) » par Peter Frost a/s Bernard Saladin d’Anglure, Département d’anthropologie, Université Laval – Québec – Canada - 2011

https://www.researchgate.net/publication/251725125_Human_nature_or_human_natures

 

.. (6) – Article « L'instinct social » par Clémence Royer - In : Bulletins de la Société d'anthropologie de Paris, III° Série. Tome 5, 1882. pp. 707-737.

DOI : https://doi.org/10.3406/bmsap.1882.6333

 www.persee.fr/doc/bmsap_0301-8644_1882_num_5_1_6333

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