L’orchestre des légumes

par olivier cabanel
mercredi 13 mai 2015

Chacun sait que les fruits ou les légumes mènent à tout, puisque récemment, je racontais comment ils pouvaient produire de l’énergie, expérience qui a semé le doute dans quelques esprits perplexes ou fermés à l’innovation, alors qu’elle est pratiquée couramment en cours de physique élémentaire

Mais les plantes peuvent aussi permettre de faire de la musique.

Tout le monde s’est amusé un jour ou l’autre à tendre une feuille, ou une herbe plate, entre ses deux pouces, mains jointes, afin de produire un son, en appliquant les lèvres contre la fente laissée par les deux pouces devenant ainsi « siffleur d’herbe ». lien

Le souffleur de feuilles d’arbres de la Miao donne une démonstration éclatante des sons que l’on peut moduler avec une simple feuille d’arbre. vidéo

Personne n’a oublié l’origine de la flute de Pan, instrument symbolisant l’union des 2 sexes, qui veut que la nymphe Syrinx se soit jeté à l’eau pour échapper au dieu Pan qui la poursuivait de ses ardeurs, et qu’à l’emplacement de la disparue des roseaux auraient poussé.

Le dieu désespéré aurait coupé ces roseaux, découvrant ainsi qu’il pouvait en tirer des mélodies (lien) mais des scientifiques évoquent une autre hypothèse faisant d’Hermes l’inventeur de cette flute, et rappelant que le clergé avait rangé la flute de Pan parmi les instruments autorisés a être utilisés dans les églises. lien

Plus récemment, l’artiste italien Diego Stocco, sorte de sorcier musical, fait aussi de la musique avec des feuilles d’arbres, mais en mettant en place une toute autre technique.

Pour parvenir au bout son projet « duet for Leaves & Turntable », il utilise une platine pour frotter des feuilles de différentes façons, et suivant l’angle, la pression, les différents types de feuilles, il produit toutes sortes de sons. lien

Ici, un exemple de son travail.

Mais on peut aller encore un peu plus loin.

En effet, plantes et légumes nous offrent la possibilité de faire de la musique, à commencer par un simple épi, d’avoine ou même de folle avoine, cette plante que les agriculteurs tentent en vain d’éliminer, afin de fabriquer, à l’aide d’un cutter ou d’un couteau bien aiguisé, une flute munie d’une hanche.

Pour être tout à fait précis, il faut choisir l’épi au début de l’été, lorsque les blés sont hauts, et l’idéal est de fabriquer l’instrument lorsque la paille est encore verte.

Sa fabrication demande un peu de minutie et est décrite avec précision dans ce document.

Il est probable que le 1er essai sera raté, mais la matière première ne manquant pas, on finit fatalement par y arriver.

Quittons les champs de blé pour le jardin des coloquintes, qui peuvent se transformer en maracas, grâce au graines qui sont restés à l’intérieur, et quand le légume a séché…ces mêmes coloquintes, et autres calebasses qui servent de caisse de résonnance aux xylophones et autres balafons africains. lien

C’est l’occasion aussi d’évoquer le Didjeridoo, qui n’est autre qu’une branche d’eucalyptus, que les aborigènes australiens utilisaient comme appeau pour attirer les kangourous.

Cette vidéo de 10 heures, à défaut de faire venir les kangourous, ne manquera pas de séduire les amateurs de voyages musicaux et sur ce lien, on peut découvrir toutes les variétés de sons que l’on peut tirer de cet instrument.

C’est aussi grâce à la moitié d’une calebasse qu’est fabriquée la Kora, cet instrument africain au nombre de cordes variable (de 10 à 32) dont la légende prétend qu’il était la propriété d’une femme-génie, laquelle en a été dépossédée par Tiramakhan Traore, un chef de guerre. lien

Mais, ce serait oublier d’autres instruments que l’on fabrique aussi en France avec plusieurs variétés de courges : mirlitons, tambours à friction, appelé en occitan « pétadous », serpentaires, tous fabriqués avec ce que les provençaux appellent des cougourdons. vidéo

Nos voisins outre-quiévrain ne sont pas en reste, et du coté de Namur, Joëlle Dpierkel et son centre de recherche et d’éducation en environnement, a transformé sa maison en atelier à sons, en utilisant 120 plantes disponibles qui vont devenir autant d’instruments de musique potentiels. lien

Les légumes font donc sur la scène musicale une entrée remarquée, comme on peut le constater avec le « vegetable orchestra », cet orchestre viennois qui donne régulièrement des concerts un peu partout dans le monde. lien

Cet ensemble quasi unique en son genre a été fondé à Vienne en Autriche en 1998 et pratique beaucoup de genres de musique en s’attachant particulièrement à la musique contemporaine, Free Jazz, Fusion, etc…. vidéo

Sur ce lien, on peut y découvrir leur atelier de fabrication d’instruments, les concerts prévus aux 4 coins du Monde, et ici une vidéo éclairante de leur vie de musiciens.

Inutile de préciser que ces légumes-instruments ne peuvent servir qu’une fois, et qu’il faut les fabriquer avant chaque concert, ceux ayant servi une fois devant logiquement être au menu des artistes après coup…potages qu’ils vont déguster avec une cuillère, celles-ci étant aussi d'étonnants instruments de percussion. lien

Sur ce lien, une démonstration.

Un enseignant japonais, Junji Koyama, s’inspirant de ce qu’avait fait l’orchestre de Vienne, a crée ses propres instruments de musique a l’aide de légumes.

Dans cette courte vidéo, on peut découvrir ses créations, notamment un brocoli-flute, mais aussi sa carotte-flute, son ocarina-champignon, son concombre-ocarina, sa flute de Pan en carottes, ou en asperges, voire sa trompette poivron-concombre, et dans celle-ci il interprète une vieille chanson grâce a une champignon-carotte.

Les animateurs pour enfants se sont emparés du concept des instruments de la nature, et en Bretagne, ou ailleurs, ils apprennent aux enfants comment choisir une branche pour en faire un instrument. lien

On peut aussi découvrir en Rhône-Alpes un musicien, Pascal Gayaud, qui a fait des légumes ses instruments de prédilection, avec au menu un sifflet carotte, une pomme de terre à coulisse, voire une patate à percussion. lien

Ce travail sur les fruits et légumes pour en faire des instruments de musique est en train de se généraliser dans tous le pays, et au-delà.

Citons aussi pour exemple l’animation proposée par « Le Potager Musical » crée par la compagnie « Les Arts Verts  » installée en Rhône-Alpes. lien

Bien plus loin de nous, en Chine, les deux frères Weidong et Weiping Nan font étalage de leur savoir en fabriquant à leur tour des instruments de musique avec des légumes, n’hésitant pas à utiliser des instruments de précision pour accorder leurs drôles de légumes musicaux. lien

Pour terminer en beauté, on peut découvrir le travail d’un artiste qui dans un numéro époustouflant de percussion sur le corps d’une autre artiste fait la démonstration que le massage mène à tout, même à la musique. lien

Sur ce lien, tous les détails de fabrication des fruits ou légumes musicaux.

Mais il y a encore plus étonnant puisque dès 2004 un duo d’artiste, Grégory Lasserre et Anaïs ont lancé Akousmaflore, installation interactive dans laquelle les spectateurs deviennent acteurs et sont invités à caresser des plantes suspendues lesquelles vont produire des sons en fonction de l’intensité du toucher des spectateurs. lien

Ce concept semble faire flores puisqu’un événement s’est tenu en avril 2014 au Blue Club de Paris, puis au Café A dans le cadre du Disquaire Day.

Les artistes invités étaient la Calla, l’Anthurium, le Dieffenbachia, et l’Echeveria.

À l’aide de capteurs posés sur les racines des plantes, et d’un contrôleur MIDI les plantes sont devenues créatrices de mélodies, et après que l’utilisateur ait choisi son style, la création peut commencer. lien

Pour juger du résultat final, création dans laquelle un DJ réputé à mis aussi sa graine, cette video

Auparavant, en 2012, on avait découvert « les plantes musicales de Disney  », grâce aux laboratoires de recherche de l’entreprise américaine qui, reliant la plante à un ordinateur font apparaitre les variations de flux électrique émis par la plante, flux codé par l’ordinateur, et transformé en musique. lien

C’est aussi l’occasion de signaler les journées des « incroyables comestibles » qui se sont tenues à Poitiers du 8 au 10 mai 2015. lien

Décidemment les plantes ne cessent de nous surprendre, vu le nombre de domaines dans lesquels elles s’invitent : nous protégeant de la pollution, voire en dépolluant, décorant nos lieux de vie, inspirant nos créativités, nous soignant, nous nourrissant, produisant même de l’énergie, et maintenant se mettant sous le feu des projecteurs de la grande scène du monde de la musique.

Comme dit mon vieil ami africain : « l’arbre du silence porte les fruits de la paix ».

L’image illustrant l’article vient de mon-potager-en-carre.fr

Merci aux internautes de leur aide précieuse

Olivier Cabanel

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