La Dodo lè là

par C’est Nabum
vendredi 9 septembre 2016

Symbole et plus ça !

La bière Dodo est, à n’en point douter, le symbole le plus prégnant de l’île de la Réunion. Il est impossible d’échapper à son univers graphique : elle occupe l’espace, les murs, les affiches, les stations-services, les épiceries et les innombrables gargotes. Elle est consommée avec délice, bue sans modération parfois et toujours avec une véritable fierté locale. Elle est le porte-drapeau de l’identité réunionnaise.

Pour satisfaire à mon désir de parfaitement m’immerger dans la culture créole j’ai donc sombré corps et biens en me livrant à sa consommation avec une constance qui mérite des éloges. Je ne recule devant aucun sacrifice pour être au plus près des gens qui me font l’honneur de m'accueillir ainsi, avec un tel sourire. Ce breuvage a, du reste, le talent non négligeable de se digérer facilement, d’être une excellente bière de soif, qui plus est, à très bon marché. Ce sont sans doute les clefs de son succès.

Elle évoque le nom de l’animal aujourd’hui disparu : le dodo qui vivait sur l’île Maurice. Cela doit sans doute ajouter à sa popularité ainsi que son fameux slogan créole, « La Dodo lé là », qui se comprend si facilement qu’il n’est même pas besoin de se le faire expliquer, à moins d’être honteusement arc-bouté sur les fondamentaux orthographiques au point de refuser cette aimable facilité.

La Dodo se décline en trois produits mais l’essentiel des ventes réside dans sa version blonde et légère. Mais là n’est pas la raison de ce billet. La Dodo est un formidable exemple d’organisation collective dans le cadre du développement durable. Quand vous débarquez sur l’île, la première chose qui choque le béotien c’est la présence sur les trottoirs, les bancs, les rebords de fenêtre de cette cannette vide. Vous déplorez ainsi une pratique dont la métropole, hélas, se fait une spécialité incontournable.

Puis vous remarquez que jamais ces bouteilles ne verre ne sont cassées. Elles ne sont pas cachées dans un coin mais bien laissées à la vue de tous. Quel est donc ce mystère ? Il vous faut alors vous renseigner ou bien attendre de voir un personnage, ayant souvent le profil d’un homme qui vit dans la rue, passer et ramasser lesdites bouteilles abandonnées. Plus surprenant encore, vous le voyez ouvrir des placards, entrer dans des estaminets et, à chaque fois, en sortir chargé de ces précieux flacons qu’il dépose alors en un autre endroit.

Des questions vous viennent à l’esprit. Que fait donc ce personnage. Pourquoi agit-il ainsi ? Puis vous le voyez pénétrer chez des gens et en ressortir avec un carton plein de Dodo vides. Et le manège continue ainsi tandis qu’un consommateur finit sa bière et la laisse au milieu du trottoir. Elle n’y restera pas longtemps et rejoindra la grosse récolte de celui-ci ou bien d'un autre.

Au petit matin, un camion à plateforme circule dans la ville. Des individus y déposent de gros sacs blancs qui sonnent d’une étrange manière. Ce sont les ramasseurs de Dodo. L’organisation est ramifiée. Chacun apporte sa contribution à la récolte. Les prix ne sont pas des plus attractifs mais suffisent à mettre en mouvement une partie non négligeable de l’économie souterraine. On m’a évoqué des tarifs allant de 5 à 6 euros des lots de 100 à 125 bouteilles. J’avoue ne pas avoir cherché à comprendre plus avant ce tarif.

Toujours est-il que la bouteille est ramassée, lavée, recyclée. C’est donc possible en France ; La Réunion appartenant, me semble-t-il, à cet ensemble où la grande distribution a obtenu des responsables politiques, toujours prompts à satisfaire leurs exigences, de ne pas consigner les bouteilles de verre, contrairement à certaines grandes nations européennes plus enclines à mettre en acte leurs discours sur le recyclage et le développement durable.

Je souhaite vraiment que nous revenions à un comportement plus responsable ,d’autant que jamais la consommation de bière n’a connu un tel développement dans notre métropole et que jamais non plus, nous n’avons eu à déplorer autant de « cadavres » qui jonchent nos quais, nos trottoirs, nos jardins publics. Encore heureux quand les bouteilles vides sont encore intactes ; souvent, c’est brisées qu’elles finissent au fond de la Loire dans ma bonne ville.

Puisque la Dodo l'a fait, les autres grandes marques peuvent suivre l’exemple ou bien nous allons faire campagne pour une consommation exclusive de la bière réunionnaise. Je sais, les appels au boycott sont, eux aussi, interdits ; la France est un pays de liberté à la condition d’être un consommateur aveugle, bâillonné et irresponsable. Un mouton, en somme, que grandes distribution et partis politiques tondent en se donnant la main.

Houblonnement leur.


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