La Loire à contre courant

par C’est Nabum
jeudi 12 décembre 2013

Aventure ligérienne ....

Venez avec nous sur la rivière.

Pour célébrer la saint Nicolas à Chateauneuf sur Loire, une joyeuse troupe de ligériens irréductibles et certainement inconscients, s'était donnée rendez-vous aux mâtines sur le quai d'Orléans. La nuit avait été particulièrement fraîche, la brume enveloppait le paysage et la Loire avait revêtu ses habits frileux.

C'est avec mille précautions qu'il fallait aborder notre embarcation. Georges, notre pêcheur d'épaves a manqué de peu de prendre un bain. Trahi par un tas de feuilles mortes sur les marches d'accès au quai, il glissa et se rétablit d'extrême justesse. Le ton était donné, chacun devrait faire assaut de prudence pour éviter d'aller à l'eau.

Monter sur la Sterne fut là aussi un exercice périlleux. Les planches de bois de l'embarcation traditionnelle étant glissantes à plaisir, il fallait avancer à pattes de velours pour garder les pieds en contact avec la proue. Le pont glissait tout autant et quant à poser les fesses sur les bancs, il y avait de quoi largement vous refroidir !

Pourtant, c'est parfaitement résolus et dûment harnachés que les aventuriers du petit matin allaient entreprendre leur long périple. Si la distance est modeste pour un automobiliste moderne, les 30 kilomètres qui nous séparent de notre but, exigent près de cinq heures de navigation lors de la remonte …

Pour parer à toute éventualité, les préposés à la logistique ne lésinèrent pas sur le ravitaillement. Café naturellement mais aussi eau chaude et rhum, constituaient les éléments de première nécessité. Mais il faut avouer que, pour rester dans l'élément liquide, la déraison était au rendez-vous. Comme on n'est jamais assez prudent, il y avait sur ce rafiot bien plus de bouteilles que de passagers.

C'est la partie solide qui fut, c'est le moins que l'on puisse dire, quelque peu négligée par ces soudards. Si le pain n'avait pas été oublié, ce qui peut s'étaler dessus manquait cruellement. Le Capitaine avait préféré prendre une cargaison liquide surnuméraire plutôt que ce pâté, délicieux, sans aucun doute, que sa compagne cuisinière nous avait préparé. Par bonheur, j'avais apporté quelques échantillons des Dombes : carpe fumée et pâtés du même animal … Pour ne pas oublier l'Océan, quelques douzaines d'huîtres venaient conforter nos habitudes gourmandes.

Nous étions donc en état de partir à l'aventure. La remonte est un exercice périlleux car la Loire peut à tout moment, vous gratifier d'une aimable plaisanterie. Quand il fait beau, se mettre à l'eau pour sortir d'un mauvais pas, n'est pas désagréable mais en ce matin glacial, nul n'avait le désir de se jeter dans les bras de la fille Liger. La prudence était donc de rigueur.

Pour améliorer au besoin les règles de sécurité, le Capitaine avait pris soin de prendre au fil de la route, des passagers, fins connaisseurs de leur bout de Loire. À chaque escale, une nouvelle bouteille, un autre gourmet. Le bateau s'alourdissait de plus en plus. Nous allions finir par arriver en retard. La procession du Grand Saint Nicolas ne saurait attendre les baroudeurs de la rivière.

C'est avec quelques minutes d'avance cependant, que la mauvaise troupe arriva au port. Nicolas, dans sa grande bienveillance avait apporté son concours céleste pour que notre aventure fluviale aille à son terme. C'est guère repus mais sans doute pas déshydratés, que nous pûmes nous mêler à la fête locale. Nous avions une fois de plus échappé au saloir du vilain boucher …

La suite ne mérite pas de commentaires oiseux. La fête fut belle, le monde présent, le soleil au rendez-vous. J'allai raconter des sornettes au musée de la marine tandis que mes camarades rembarquaient rapidement. La nuit tombe vite à la mi-décembre et le spectacle est alors si féérique, qu'ils ne voulaient pas manquer l'embrasement du ciel.

Je les laissai filer pour une descente bien plus rapide que la remonte. C'est sans doute grisé par la vitesse de cette avalaison, que l'un d'eux passa par dessus bord. Un choc dû à un rocher traîtreusement enfoui dans le secret des flots, et celui qui jouait le « bout'avant », la vigie de la voie à prendre, fit le grand saut mouillant. Quand on sait que c'est notre pêcheur d'épaves, il n'y a pas lieu de s'en étonner …

Il fut promptement réchauffé par des moyens que je m'interdis d'évoquer ici. Seuls les merveilleux clichés pris lors de cette descente, justifient les quelques débordements évoqués précédemment. Que ceux qui les trouvent à leur goût aient la délicatesse de pardonner à ces grands enfants qui ne sont pas encore disposés à mûrir. Car ainsi va notre Loire ; elle nous enchante sans jamais nous mettre de plomb dans la tête. Et c'est tant mieux, ce métal est fort peu recommandé quand on se retrouve à l'eau !

Admirativement sienne.

 

Photographies

 

 

Bertrand Deshayes


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