La miche a les boules

par C’est Nabum
lundi 5 décembre 2022

 

Ce n'est pas banal

 

Si l'Unesco entend célébrer le patrimoine universel d'une humanité en pleine décomposition, histoire sans doute de sauver les meubles quand il en est encore temps, le classement de la baguette de pain de tradition française, vient réjouir les professionnels de la profession, les amateurs de casse-croûtes et certains agités du local. Les historiens et les biologistes en resteront vraisemblablement baba, mais qu'importe puisque tout ceci n'est que du flan.

Revenons à l'histoire de ce pays si vous le voulez bien. Le four banal était l'un de ses nombreux privilèges d'une noblesse qui entendait faire son beurre sans mettre la main à la pâte. Tout comme le moulin, le four était propriété du seigneur qui de plus bénéficiait d'un odieux monopole pour frapper au porte-monnaie les gueux.

Le pain qui alors sortait de ce four n'était certes pas une mince baguette ne passant pas la journée mais bien plus une solide miche à la croûte épaisse, à la mie ferme et dense, capable de tenir longtemps tout en demeurant mangeable. Nous sommes si loin du standard mis en vitrine ou en tête de gondole par nos joyeux mitrons de la distribution que l'idée de faire des mouillettes avec ce pain-là risque fort de ne casser aucun œuf.

On marche sur la tête et non sur des œufs en défendant une création de la grande industrie agro-alimentaire qui a métamorphosé les ingrédients de la chose au point de provoquer des allergies alimentaires à travers tout le pays tout en favorisant le goût du mou et de l'insipide dans la population. Les taux de gluten dans des farines sous licences industrielles sont faramineux, le levain a pris un coup dans l'aile tant il gonflait les boulangers las de se retrouver dans le pétrin. Les levures firent l'affaire sans qu'il y ait alors une levée de bouclier.

La baguette est au pain ce que le canada-dry est au whisky, pour aller quérir une explicite comparaison outre-Atlantique. Les tenants de la chose du reste boivent du petit lait avec ce produit qui demande tout à la fois moins de savoir-faire et moins de temps pour sortir du four à la chaîne. En ce sens, c'est véritablement le symbole d'une société moderne du rentable et du discutable. La maie mon ami du reste ne trône plus dans nos cuisines et les jeunes générations, adeptes du pain triangulaire, ne savent même pas que ce meuble existât un jour.

Je ne dis pas qu'il n'y a que de mauvaises baguettes, je risquerais alors de me faire taper sur les doigts par les derniers véritables artisans qui travaillent avec amour dans le respect des traditions. Mais il y a évidemment sur le marché bien plus de poudre aux yeux que de délices. Le classement en ce sens risque fort de n'assurer qu'une substantielle hausse des prix opportune compte tenu des coups de l'énergie. Merci l'Unesco et le petit sergent major.

Revenons avant que de se mettre en boule sur la grande oubliée de la chose. La pauvre miche se désole, on la bat froid, on l'ignore en haut lieu. Il est évident qu'elle fait bien trop peuple pour toucher ses élites qui entendent nous faire marcher au pas. Elle nécessite de plus un coup de main pour la couper en fines tranches tandis que cette baguette sans âme se rompt d'un geste qui ne respecte rien.

La miche a hélas eu la mauvaise idée d'entrer dans la langue plus facilement que dans la bouche. La boulangère a forte poitrine le sait à ses dépens tout comme ceux qui n'ont pas les ressources de rester au chaud. La miche aurait fait un four sur les plateaux télé. Trop ronde, trop boulotte, trop cuite, trop dure, trop tout ce que détestent ceux qui n'aiment pas véritablement le bon pain.

Je vais une fois encore être taxé d'être un peu trop chaud du béret. Il convient cependant de dénoncer super-Dupont avec sa baguette sous le bras. Mais à quoi bon faire ici le mauvais épeautre, la chose est entendue, la tradition fout le camp mon bon monsieur. Roulement de tambour, la baguette entre au paradis, le vin attendra son heure.

À contre-croûte.


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