La salle d’attente, véritable miroir de notre société
par Ghjuvan Bernardinu
mercredi 8 août 2007
Micro melting-pot, carrefour culturel, la salle d’attente d’un cabinet médical est sans aucun doute l’un des plus grands révélateurs des comportements de notre société.
L’attente assez longue (la moyenne est d’environ 2 h 30-3 h) vous permet d’analyser et de mieux comprendre la société française. On retrouve toujours le même type de personne, ce qui permet avec l’expérience, de s’acclimater aux habitudes, aux travers de chacuns :
- le patient lambda, le plus raisonnable, essaie de ne pas se faire remarquer, il est poli avec tout le monde. Il n’a pas son pareil, pour saluer sobrement l’entrée de chaque nouvel arrivant. Son carnet de santé sur les genoux, il ne peut s’empêcher de regarder ses pieds et ne pipe mot ;
- le patient fidèle (un peu trop d’ailleurs) connaît tout le monde et, pour cause, la salle d’attente est un peu sa résidence secondaire. Il va chez le docteur, comme je vais au toilettes. Dès le petit tracas de santé, il n’hésite pas une seule seconde à consulter. Ah le fidèle, il l’aime son petit médecin, d’ailleurs même quand il est au summum de la santé, il ne peut s’empêcher de lui rendre une petite visite pour le saluer et lui manifester son bien-être ;
- le patient intellectuel est solitaire. C’est la culture qui l’aide à venir à bout de ses longues heures d’attentes. Il n’adresse la parole à personne, il a même plutôt tendance à snober les autres. Son grand plaisir, c’est la lecture, un livre qu’il a préalablement choisi dans sa bibliothèque personnelle, ou qu’il vient d’acheter dans la librairie la plus proche. Parfois l’intellectuel aime aussi se mettre en valeur. Il vous nargue en remplissant une grille de sudoku, de niveau diabolique, en moins de cinq minutes, là où vous mettriez cinq jours. Quand il a fini sa grille, il entame une grille de mots croisés, qui ne fera pas elle non plus très long feu ;
- le patient pseudo intellectuel a un modèle dans la salle, le patient intellectuel. Malheureusement comme c’est un pseudo intellectuel, il n’a rien prévu. Pas de livres, pas de sudoku, pas même de mots croisés. Qu’à cela ne tienne ! Le pseudo intellectuel n’est pas si bête, il a bien sûr repéré les magazines qui trônent inlassablement sur la petite table au milieu de la salle. Il en saisit donc un, Voici comme par hasard. Mais l’exemplaire chopé est là depuis déjà tellement longtemps qu’on pourrait presque le considérer comme un livre d’époque. Sur la couverture, on apprend que Gérald se casse des G-Squad. Quand tu lis la littérature proposée, chez le médecin, tu as l’impression de retourner à l’âge de pierre. Je suis sûr que chez les plus anciens, il existe des Voici qui datent de l’avant-guerre. Mais le pseudo intellectuel n’en a que faire, seul lui importe sa soif de culture ;
- le patient casse-bonbon, sa devise est en quelque sorte "je suis chez moi, je fais ce que je veux". Souvent, il possède le dernier cri de la nouvelle technologie. Pour certains, c’est le téléphone portable, dans lequel il crie dix fois trop fort, eh oui le casse-bonbon a beaucoup d’amis et il doit rester en contact avec son réseau. Pour d’autres, c’est le baladeur MP3, là aussi bien trop haut. Si haut que tu te crois en boîte de nuit. Tu commences à esquisser de légers déhanchés, comme à tes plus grandes heures de danseur de disco club, où les minettes de tout le dancefloor tombaient comme des mouches à tes pieds ;
- le patient extraterrestre, mon préféré. Le champion du monde, le vainqueur des vainqueurs. Celui qui n’a peur de rien. Il est naturel, et est capable de déclencher des fous rires collectifs, ou a contrario d’énormes colères. Celui qui fait des va-et-vients incessants en travers de la salle se prenant pour un soldat. Se prépare-t-il pour les 100 kms de marche de Petaouchnock ? L’extraterrestre peut aussi être une personne dont le langage s’apparente plus à celui d’un animal qu’à celui d’un humain. Il a une espèce de voix rocailleuse, mais pas de la petite rocaille, du bon et gros rocher, et lorsque il émet des sons, on essaie de deviner ce qu’il dit. Exemple : "Tu veux faire un tour en poney ?" signifie en réalité "Enlève ton bonnet". Il peut aussi parfois faire des mélanges linguistiques et couramment le phoque ch’timi.
On trouve vraiment tout et n’importe quoi dans une salle d’attente, en voici un petit aperçu mais la liste est exhaustive...