La satisfaction clients pour France Telecom : une ineptie ?

par AFJ
mercredi 24 décembre 2008

Une petite catastrophe naturelle, aussi mineure soit-elle, est toujours une bonne occasion pour les professionnels des infrastructures de réseaux de tester leur propension à réagir à la crise, et de s’exercer à la réactivité dans l’attente d’un potentiel cataclysme ultérieur. Cette faculté qu’a une organisation de résister aux « chocs », aux ruptures, d’en établir des scenarii d’action pour l’avenir et accessoirement, de tirer profit de cette expérience non désirée, s’appelle la résilience. Mais il semblerait que France Telecom n’ait pas élevé la gestion du risque en priorité de sa culture d’entreprise, dont on est d’ailleurs en droit de s’interroger sur l’efficience chez cet opérateur historique.

Il est une région superbe, dans le Var, qui s’appelle le canton de Fayence. Située entre Cannes, Fréjus, et Draguignan, cette intercommunalité recense près de 30000 âmes qui vivent, travaillent, et... téléphonent de temps à autres (si si...). Ce coin eut été le paradis, si le 21 novembre, un mini-ouragan caractérisé par des pointes de vent à 180 km/h n’avait dévasté une partie de sa flore. Par flore, j’entends essentiellement quelques pins, souvent cassés, parfois déracinés. Bien entendu, dès le lendemain matin, les riverains s’aperçurent du sinistre spectacle : les routes barrées par des chutes d’arbre, ces dernières ayant évidemment endommagé les lignes téléphoniques et le réseau d’électricité.


Il ne fallut pas moins de 48 heures aux services municipaux et à la « task force » mandatée par EDF pour déblayer les voies de passage et rétablir le courant dans l’ensemble des foyers, parfois au prix du risque humain encouru par les braves intervenants. Toute la petite communauté applaudit des deux mains, soulagée de pouvoir conserver quelques bougies pour décorer le sapin de Noël. Par la même occasion, - se dirent-ils un peu naïvement -, nous aurons bientôt le téléphone, rien n’empêche plus France Télécom d’intervenir. Que nenni !


Les riverains concernés (une bonne cinquantaine de foyers...) attendent désormais l’intervention providentielle du Seigneur à défaut d’espérer encore pouvoir compter sur France Télécom, qui snobe magistralement le respect de ses obligations contractuelles, probablement au profit des buffets de fin d’année. Les riverains, peu colériques et rancuniers par nature, lancent de nombreux appels désespérés à l’opérateur pendant des semaines, et celui-ci s’évertue non-chalamment à leur répéter que leur ligne fonctionne parfaitement. Un étrange sentiment les saisit : et si c’était pour la caméra cachée ?


Abasourdis par l’absence du moindre technicien, dont le rôle eut été, a minima, de renseigner les habitants et de prendre note des dégâts occasionnés, quelques Fayençois se fâchent. Une équipe de TF1 est dépêchée sur place pour effectuer un reportage qui sera diffusé le lendemain même. On y apprend, à notre surprise et de la bouche même du directeur régional de FT, que les équipes tournent à plein régime et que nous autres, riverains, vivons peut-être dans un espace rural très reculé. Nous sommes, il faut l’admettre, reculés en plein coeur du chef lieu administratif d’un canton de 30000 habitants, dans une zone résidentielle en expansion. On apprendra également, de la bouche d’un passant qui parvint miraculeusement à débusquer deux techniciens, que ceux-ci « ne feraient rien tant que cet arbre (Ndlr : l’arbre en question est toujours debout) n’est pas coupé ». Voici une mémorable déclaration que l’oisiveté dispute à l’irresponsabilité. Depuis 5 semaines, les personnes âgées sont privées de téléphone, les travailleurs à domicile de leur outil de travail... Les factures de mobile explosent, les cyber-cafés se frottent les mains.


Je terminerai de fait par une brève analyse comparative : entre le 5 et le 8 janvier 1998, au Québec, un dépôt de 10 cm de glace a anéanti le réseau de transport d’électricité en plein hiver canadien. 3000 km de lignes à haute tension sont inutilisables, 26000 poteaux de distribution sont brisés. Près de 4 millions de personnes sont privées d’électricité, Montréal subit le black out. Le phénomène affecte le réseau de distribution d’eau, les raffineries et les télécommunications en pâtissent. Combien de temps a-t-il fallu pour rétablir la situation ? Cinq semaines, pas une de plus. Par un froid polaire, dans des zones inaccessibles, sans compter sur l’étreinte physique induite par les conditions de travail.


Tandis qu’à Fayence, le premier jour de l’hiver rayonne comme un début de printemps. Les habitants de la zone précitée entament leur sixième semaine sans téléphone, sans internet. Restons indulgents : ceci est bel et bien une situation hors-norme. Non pour les habitants, mais pour FT. L’ensemble des riverains se joint à moi pour suggérer à ces professionnels de profiter de la trève de Noël (qui semble avoir commencé il y a plus d’un mois) pour s’adonner à de saines et salutaires lectures, telles que le « Traité des nouveaux risques », histoire de les rassurer sur la toute relative difficulté de leur tâche. Mais j’y pense... FT dispose d’une « brigade d’intervention rapide » ! C’est promis, si début 2009, FT nous apparaît toujours aussi désarmée, nous repasserons "rapidement" au télégraphe.


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