La tournée bretonne -1 -

par C’est Nabum
mercredi 25 octobre 2017

Le départ

C’est toute une aventure que de se lancer ainsi sur les routes du grand ouest avec deux passagers qui l’un et l’autre ont un goût plus que limité pour la chose automobile. L’une est totalement dépourvue du sens de l’orientation à un point qui me laisse pantois, l’autre n’aime guère conduire , lui qui n’a jamais su le faire pour lui même du reste. C’est pourtant cet équipage qui met le cap vers les côtes d’Armor.

Ils sont attendus par des amis aveyronnais exilés récemment sur les côtes d'Armorique pour s’offrir un petit coin de ciel bleu. Ils ont bien vite découvert qu’il fallait se munir d’un ciré dans ce joli coin de terre où les quatre saisons s’accordent pour faire de chaque jour une fête. C’est d’ailleurs ce qui leur arrive sur cette route tour à tour balayée par des bourrasques de vent à décorner une licorne, des pluies dignes d’une vache normande et un soleil aveuglant s’octroyant un arc en ciel à vous couper le souffle.

Les menus aléas de la circulation viennent s’entrechoquer aux appels de la nature, d’une prostate qui ne tient pas la route, d’un estomac qui réclame quelques douceurs et de tout ce qui fait le charme de la cohabitation dans un habitacle exiguë où se pose toujours l’épineux problème du sac à main de la dame qui n’est jamais aussi bien que dans les jambes du passager.

La modernité s’impose au vieil archaïque qui doit accepter de se laisser mener par le bout du nez par un GPS embarqué sur un téléphone portable. Le ronchon découvre ainsi que la différence d’âge avec sa collègue se fonde sur des réalités bien tangibles. Il devra faire avec et en rabattre au risque d’être impitoyablement tancé.

La conductrice coupe la radio, exige d’être informée de l’état d’avancement du présent billet, l’autre de lui lire et de s’entendre dire : « C’est tout ! » comme si écrire sur le vide était aisé. Pendant ce temps, un accident sur la voie rapide vient interrompre la monotonie du voyage, rien de grave heureusement. Pour satisfaire à la requête d’exhaustivité de sa camarde, le chroniqueur couche sur le clavier cette anecdote sans importance tandis que la dame s’exclame sur la beauté d’un ciel de plus en plus clément à mesure que la Bretagne se profile à l’horizon. L’autre de se dire qu’il entendra souvent cette rengaine et que la mauvaise foi bretonne n’est pas qu’une légende !

Le passage de la frontière provoque alors un tsunami d’exclamation dans l’auto. La Bretonne de s’émerveiller de tout et parfois de rien, d’être en pâmoison devant le ciel, en admiration devant les lumières si mouvantes de cette fin de journée. Elle trépigne sur son siège de pilote et son voisin de regarder ébahi cette curieuse danse. Ne manque plus qu’un air de biniou et elle serait capable de se faire bigouden en transe.

Le parcours s’achève avec un coucher de soleil à vous damner. La Bretonne revit, elle retrouve son pays, elle se sent beaucoup mieux et envisage avec gourmandise de boire l’apéritif plus que de raison ; un atavisme local qui ne se dément jamais par ici. Son voisin, plus sage, s’amuse de sa métamorphose. Être d’un pays, c’est pour la vie, c’est sans doute la plus belle aventure qui soit, de celles qui vous donnent des racines afin de se savoir en harmonie avec soi-même et toute une lignée.

Les deux auteurs en goguette sont attendus fiévreusement par Paty et Alain. Leur arrivée à la nuit provoque remue ménage et agitation. Le temps d’organiser l’intendance, l’heure de l’apéritif a reculé singulièrement. Il faut même que la Bretonne réclame pour enfin avoir son cher Chouchen. La suite serait délectable si nous pouvions la narrer sans enfreindre les recommandations de la loi Évin. Fort à propos, notre hôtesse a préparé un pot au feu qui saura absorber les excédents.

Au terme d’un repas fort sympathique, une séance de dédicace précéda un petit moment conté. Le passager se grimant alors en Bonimenteur pour livrer trois contes auprès de la cheminée. Nous étions alors véritablement en Bretagne. Dehors, le vent soufflait, la pluie luisait sur les carreaux, les joues étaient rouges des agapes et des mets. La tournée bretonne avait véritablement débuté.

Aventureusement vôtre.


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