La vie ne tient qu’à un rat

par olivier cabanel
jeudi 28 mars 2013

On connait le « syndrome de l’aile du papillon  » qui propose qu’un battement d’aile peut déclencher une catastrophe à l’autre bout de la planète.

C’est ce qui a failli se vérifier récemment lorsqu’un rat à mis en péril tout l’hémisphère nord.

En effet, comme l’a écrit Pierre Schoendoerffer : « le battement d’ailes d’un papillon au pays du matin calme pouvait provoquer un ouragan à l’autre bout du monde ». lien

Il s’était inspiré, pour écrire son livre des paroles d’Edward Lorenz, un célèbre météorologue, qui estimait en 1972 que « le battement d’aile d’un papillon au Brésil pouvait provoquer une tornade au Texas  », faisant suite au déterminisme décrit par le mathématicien Pierre-Simon de Laplace expliquant qu'une erreur minime sur un paramètre pouvait avoir une influence importante sur la situation résultante à une date ultérieure. lien

Ce qui est étonnant dans la théorie proposée par Schoendoerffer, c’est le coté prémonitoire de sa phrase, car « le pays du matin calme  », c’est bien sur le Japon, ce pays qui a connu la plus grosse catastrophe nucléaire à ce jour dans le monde, et c’est dans la centrale nucléaire de Fukushima que, le 20 mars 2013, s’est produit une panne qui aurait pu avoir des conséquences sur tout l’hémisphère nord, voire au-delà, l’exploitant TEPCO ayant tout de même attendu 3 heures avant de l’annoncer. lien

En effet la panne qui s’était produit aux alentours de 19h, n’a été signalée qu’à 22h11. lien

En effet, même si certains en doutent encore, (lien) c’est bien un rat qui a provoqué un court circuit, entrainant une panne d’électricité dans la centrale nucléaire, paralysant du lundi soir au mercredi matin le système de refroidissement des piscines de stockage, ce qui a été confirmé par Tepco. lien

Ajoutons pour faire bon poids qu’une autre piscine, rarement évoquée, la piscine centrale, laquelle contient 6377 assemblages n’a plus eu non plus son refroidissement assuré.

Elle n’est éloignée que d’une cinquantaine de mètre de la piscine n°4 et il est difficile d’estimer ce qui arriverait si la piscine centrale devenait incontrôlable. lien

Il aura fallu 39 heures pour trouver la raison de la panne, et rétablir le courant, permettant d’assurer à nouveau le refroidissement des piscines.

La température maximum mesurée dans celles-ci à atteint les 31,8°C, ce qui naturellement provoqué une évaporation, et une baisse du niveau d’eau au dessus des assemblages. lien

Rappelons que 2 ans après la catastrophe, la centrale nucléaire n’est toujours pas pourvue de système de secours de refroidissement.

On se souvient que quelques temps après la catastrophe du 11 mars 2011 les piscines des réacteurs 3 et 4 étaient entrées en ébullition provocant un important dégagement de radioactivité. lien

C’est le moment de rappeler que c’est la piscine du réacteur N°4 qui est dans la situation la plus préoccupante : perchée à 30 mètres de haut, délabrée lors de l’explosion d’hydrogène, laquelle à soufflé le toit, elle penche du coté où elle pourrait tomber, malgré les renforts qui lui ont été apportés par une structure métallique.

Pour le physicien Jean-Louis Basdevant, expert en matière nucléaire, connu pour avoir été longtemps favorable au nucléaire, elle semble être maintenue en hauteur par « les seules forces de l’esprit ». lien

Le professeur Hiraoki Koide, de l’institut de recherche nucléaire universitaire de Kyoto, à déclaré : « si le bassin du réacteur nucléaire N°4 devait s’effondrer, les émissions radioactives seraient énorme (…) une radioactivité équivalente à 5000 fois la bombe nucléaire de Hiroshima » et pour d’autres experts, ce serait 60 fois plus grave que lors de la catastrophe de mars 2011.

De plus, lors de l’explosion, des parties du pont roulant, et des poutrelles sont tombées sur les assemblages stockés dans la piscine, et une caméra a pu constater que certaines gaines de zirconium avaient été endommagées, voire même brisées. lien

Ajoutons que cette piscine contient les 1535 assemblages usés des 3 réacteurs, et 200 assemblages neufs. (lien) alors qu’elle ne devrait en accepter que le tiers, ce qui provoque une proximité entre les assemblages, et renforce le danger de criticité.

Ce danger serait encore plus préjudiciable à l’environnement s’il concernait la piscine de refroidissement du bâtiment n°3, puisque celle-ci contient des assemblages avec du Mox, donc entre 7 et 8% de plutonium, produit extrêmement radioactif, d’autant qu’en février dernier un pièce en métal d’une tonne et demie est tombée dans cette piscine, ce qui aura pu endommager les assemblages. lien

Or, lors de la catastrophe du 11 mars 2011, il reste encore des inconnues, notamment sur la nature des explosions qui se sont produites.

D’après le professeur britannique Christopher Busby, expert en énergie nucléaire, l’explosion de l’unité 3 n’aurait pas été une explosion d’hydrogène, mais due à une criticité de fission nucléaire, ce qu’il démontre en détail sur ce lien, avec l’approbation d’un autre expert, Arnie Gundersen. lien

Une courte vidéo montre bien la différence de la nature des explosions concernant l’unité 1 et l’unité 3. Elle montre clairement que dans le premier cas, les fumées s’orientent horizontalement, alors que dans le second, c’est nettement vertical. vidéo

C’est d’ailleurs ce qui expliquerait que l’on ait retrouvé des morceaux de combustible à l’extérieur du site nucléaire. lien

Le scénario évoqué par Arnie Gundersen est le suivant : suite à l’explosion d’hydrogène, l’onde de choc aurait ébranlé les combustibles de la piscine, provoquant une réaction nucléaire « prompte », ce qui aurait envoyé au-delà du Pacifique la pollution nucléaire. lien

D’ailleurs on voit très bien sur les photos que l’explosion venait de la piscine de stockage. lien

Ce danger de criticité a déjà été évoqué par de nombreux scientifiques : si l’eau venait à manquer au dessus des assemblages, ceux-ci se mettraient à chauffer spontanément, faisant évaporer la quasi-totalité de l’eau restant, et rendant impossible le refroidissement si la température atteignait le seuil critique,

Des lors, il deviendrait impossible de contrôler quoi que ce soit : des explosions d’hydrogène, et de « réaction nucléaire prompte » se produiraient, provocant la dispersion d’une énorme quantité de radioactivité contenue dans les 2500 tonnes de combustible nucléaire que contiennent les piscines, qui ne pollueraient plus seulement le Japon, mais qui concernerait tout l’hémisphère nord, voire au-delà. lien

Ils sont nombreux à avoir alerté les instances mondiales, et parmi eux, on trouve le professeur Koichi Kitazawa.

Ce scientifique qui présidait l’Agence Japonaise pour les Sciences et la Technologie à déclaré : « après avoir écouté des centaines de témoins, ma conviction est faite. A la centrale de Fukushima, le pire est peut-être à venir. A cause de la piscine du réacteur 4, un nouvel accident peut se produire n’importe quand, qui menacerait la survie même de mon pays ». lien

Marc Molitor, journaliste à RTBF, s’est longuement renseigné sur les conséquences qu’entrainerait la vidange, ou l’écroulement de la piscine du  : « le rayonnement radioactif rendrait impossible toute approche du site. A 100 mètre, un travailleur décéderait en une demi-heure. A 500 mètres ou à un kilomètre, les doses limitées tolérées par an seraient atteintes en quelques heures. On ne pourrait plus alors continuer à surveiller les 3 autres réacteurs et leur piscine de combustible ainsi que piloter leur alimentation en eau. Là, on serait dans un scénario vraiment dramatique, car ils deviendraient des sources très puissantes de rayonnement ». lien

Cette panne du 20 mars 2013 n’est pas une première : une première panne s’était produite à l’été 2012. lien

Le syndrome de l’aile du papillon est donc une réalité, et lorsque les gouvernements continuent, pour certains, à privilégier la technologie nucléaire, on peut s’interroger logiquement sur ces choix discutables.

En France, on pourrait aussi relever cette phrase entendue de la bouche d’une « responsable », Nathalie Bonnefoy, directrice de la communication du site nucléaire du Tricastin, s’étant exprimée lors d’un nouvel « incident », qui laisse présager de quelle manière l’information nous est donnée : «  des que l’accident est visible, il est important de donner des informations » sous entendant clairement que dans le cas contraire, ce n’est plus essentiel d’informer. lien

La politique du secret dans le petit monde nucléaire a encore de beaux jours devant lui.

Jean Louis Basdevant s’exprimant au sujet de Fessenheim a affirmé : « Fessenheim est dangereuse (…) un accident nucléaire majeur y anéantirait le cœur de l’Europe pour plus de 3 siècles ». lien

Du 26 au 28 avril prochains, dans toute la France, et au-delà, des actions seront menées pour commémorer la catastrophe de Tchernobyl, et on peut s’inscrire sur ce lien pour y participer.

Comme dit mon vieil ami africain : « il y a parfois des remèdes pour la maladie, mais il n’y en pas pour la destinée ».

L’image illustrant l’article provient de « paperblog.fr ».

Merci aux internautes de leur aide précieuse

Olivier Cabanel

Une pétition à signer pour défendre les énergies propres.

Films à voir : « fukushima, chronique d’un désastre  » ARTE

Terre Souillées, documentaire de Marie Dominique Robin

Beaucoup de vidéos sur le site de Scoop It.

A lire : « Fukushima, récit d’un désastre » de Michaël Ferrier

A découvrir : ce reportage dans la zone interdite, ainsi que ces vidéos décrivant chronologiquement la catastrophe.

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Le blog de Fukushima

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