Le Grand Secret

par C’est Nabum
mardi 13 octobre 2015

La feuille d'automne ...

Pourquoi les feuilles tombent-elles à l'automne ? 

Il fut un temps très lointain où les elfes, les lutins et les korrigans vivaient heureux et sans crainte sur cette planète. Puis, de drôles de géants allant eux aussi sur leurs deux pieds, se mirent à croître et à se multiplier, étendant leur influence sur tous les continents. Merlin et Mélusine qui, jusque -là, avaient été indéfectiblement les protecteurs de nos petits amis, se trouvèrent vite débordés par les étranges agissements de cette espèce hégémonique. Ils baissèrent les bras, laissant les petits êtres des bois dans l'obligation de trouver subterfuges et astuces pour conserver une parcelle de leur bonheur d'autrefois.

Parmi les plaisirs simples de nos petits compagnons, il y avait chaque année, au virage de l'automne, la cueillette et la dégustation des champignons quand ceux-ci ne leur servaient pas d'abri ou bien de cabane forestière. Qui a vu un jour un korrigan faire la sieste au pied d'un cèpe n'ignore pas cet aspect de la vie des petits hôtes des bois.

Hélas, les Grands pieds arrivaient de plus en plus nombreux, écrasant sans ménagement la plus grande gourmandise de nos amis ou bien les arrachant sans la moindre précaution pour s'en nourrir eux aussi. Les lutins, toujours les plus vindicatifs, s'indignaient d'une telle concurrence déloyale. Il fallait trouver une astuce pour dissimuler une partie des champignons à la voracité des homo-sapiens.

Nous étions au début des grands changements qui suivirent l'expansion des humains sur la planète. Bien des phénomènes d'alors sont inconnus de nos jours. La nature n'avait pas encore subi l'influence désastreuse de ceux qui se prennent pour les maîtres du monde. La vie était tout autre : les animaux ne vivaient pas la nuit pour se préserver des chasseurs, les arbres restaient verts et conservaient leurs feuilles toute l'année, les eaux des rivières pouvaient se boire sans inquiétude, l'air était pur et préservé de toutes les nuisances qui nous le rendent irrespirable.

C'est au terme d'une réunion secrète tenue dans une clairière en bord de Loire, en un lieu que les Celtes appelèrent ultérieurement l'Ombilic sacré des Gaules, entre Germigny et Saint Benoît que les petits êtres décidèrent d'une stratégie qui allait changer le cours des choses et nous éblouir par la suite. Ils transmirent le message par tous les pays de la terre et se mirent en ordre de bataille pour réaliser leur décision..

Si vous voulez bien me prêter une oreille attentive, je vais vous céder ce secret si bien gardé, que oncques jusqu' aujourd'hui quiconque n'a eu vent de son existence. J'ai le bonheur de n'être pas bien vu de mes frères les humains, ceux-ci aiment à me tourner le dos, à me refuser dans leurs grands rassemblements, à me pousser à l'écart de leur commerce. C'est ainsi que les petits êtres me convièrent eux, sans réserve ni méfiance à leur raconter des histoires … sachant que nul n'accordera crédit à mon récit.

Pour me remercier, un korrigan farceur, curieusement taché de mille et une coulures de peinture fraîche m'offrit ce cadeau merveilleux. Il savait que je ne pourrais le garder pour moi, que j'allais le colporter de proche en proche. Mais il se doutait, qu'une fois encore, je passerai pour un fou auprès de ces gens si sérieux qui détiennent une parcelle de pouvoir, de sorte que nul, une fois encore, n'accordera crédit à mon récit.

Ainsi, me dit mon compère raconteur de sornettes, nous décidâmes d'agir pour qu'enfin les champignons soient dissimulés au regard des prédateurs aux grands pieds. N'ayant pu convaincre les arbres de nous donner un coup de pouce, nous usâmes d'un stratagème pour les plier à nos desseins. Les feuillus tombèrent dans notre piège, d'autres , plus redoutables, se refusèrent à céder à nos assauts.

Tous les lutins, les elfes et les korrigans de la terre se mirent en demeure au début de l'automne de peindre, une à une, les feuilles des arbres. Les petits êtres avaient appris à sélectionner des pigments naturels et ils étaient capables d'élaborer des teintes de couleur jaune, rouge, brune et orange. En s'appliquant à mettre au point de nouvelles compositions, ils réussirent à obtenir du pourpre et des rouges plus flamboyants.

Chaque jour, armés d'un pinceau, les petits personnages des forêts s'attelaient à la tâche. Chacun choisissait un arbre pour déposer quelques touches de couleur sur toutes les feuilles : un travail de forçat qu'il fallait recommencer inlassablement. Plus leurs travaux de peinture avançaient, plus la forêt prenait des teintes extraordinaires, c'était une féerie de couleurs.

Même les Grands pieds levaient les yeux et admiraient ce spectacle, eux qui souvent n'étaient guère sensibles aux beautés naturelles. Il se murmure même que les arbres, assez mécontents au début de cette curieuse intrusion, prenaient plaisir à être ainsi l'objet de tous les regards. Néanmoins, ils ne comprenaient pas pourquoi les lutins et leurs compagnons s'agitaient de la sorte.

Petit à petit, le poids de la peinture se fit sentir. Les couleurs superposées viraient au marron ; les feuilles trop lourdes tombèrent une à une. Les petits peintres forestiers avaient atteint leur but : les feuilles mortes couvraient maintenant les sous- bois et servaient d'écran protecteur aux champignons.

Les arbres avaient compris enfin le stratagème de leurs amis. Ils avaient apprécié cette métamorphose superbe qui leur avait donné éclat et grâce. Ils s'enquirent auprès des peintres des substances employées et apprirent non seulement à se refaire une feuillure nouvelle à chaque printemps mais décidèrent de jouer aussi les peintres à l'automne. Ainsi, ils se firent experts en caroténoïdes et anthocyanes, ces pigments qui leur permettent de nous enchanter de leurs mille et une nuances.

Ainsi voici le grand secret de l'automne. Si, en vous promenant dans les bois en cette période extraordinaire, vous découvrez sous une feuille morte un champignon, empressez-vous de le dissimuler afin que korrigans, elfes et lutins qui continuent de vivre parmi nous puissent en profiter plutôt que ces hordes de ramasseurs de champignons qui ne sont motivés que par l'appât du gain.

Forestièrement leur.

Photographies entre Sologne et Landes

de mes amis photographes

Samuel Duhin

&

Jean Louis Pétrone

 

Merci à eux


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