Les gens sont mesquins

par C’est Nabum
samedi 10 mai 2014

Ceci est une farce

Et personne n'échappe à la règle.

Vous décidez d'organiser une animation, une célébration quelconque, une soirée ou bien une fête. Vous y employez toute votre énergie, tout votre dynamisme . Vous espérez ardemment que votre bonne idée va toucher vos amis, vos voisins, les gens d'alentour. Puis vous mettez en branle la logistique : vous sollicitez des bonnes volontés, des bénévoles, vous repérez un lieu adéquat, vous créez une affiche et cherchez à faire connaître votre projet.

Tout cela est déjà bien complexe. Les risques de dérapage, au sein même de votre petit groupe, ne sont pas nulles. Un tel de s'offusquer d'une décision dont il n'avait pas eu la primeur, cette autre de s'indigner d'un mot de l'affiche ou bien d'une formulation sur un prospectus. Certains enfin vous mettront en garde, feront tout pour vous dissuader d'aller au bout de l'entreprise pour des motifs multiples.

La date est mal choisie à moins que l'animation ne vienne télescoper ce jour-là d'autres sollicitations voisines. Le programme est trop copieux à moins qu'il ne manque d'ambition. Votre association n'a pas l'envergure pour réussir ce pari ou tout au contraire, elle mérite un projet de bien plus grande voilure... Vous allez entendre tout et son contraire ;c'est l'immense privilège de celui qui entreprend de faire l'unanimité contre lui !

Si vous parvenez à surmonter les premiers conflits, les premières anicroches, vous allez devoir affronter ensuite les observations de l'entourage. Si vous avez réussi à convaincre les vôtres, ce qui n'est jamais très simple, il vous faudra supporter toutes les critiques qui vont venir des associations amies, des structures analogues qui, naturellement, auront leur avis sur la question.

Si officiellement tous se félicitent de votre initiative, les sons de cloches sont plus discordants quand vous percevez les rumeurs de couloirs. Il y a de la jalousie dans l'air, des arrière-pensées, des doutes et des accusations. Vous allez être jugé, jaugé, évalué, mis à l'épreuve ; on ne vous passera rien : pas plus l'échec qui vous vaudra une volée de bois vert que le succès qui nourrira les jalousies et les rancunes. Vous êtes pris en étau !

Il n'est plus temps de reculer. Quoi que vous fassiez désormais, de toute manière, il y aura critiques et remarques, coups bas et désaccords, désistements et renoncements. C'est la loi du genre ; vous ne pouvez espérer un parcours jonché de roses. Ce sont surtout les épines qui vous attendent, certainement pas les fleurs.

Il vous faut vous blinder, vous armer d'une inaltérable conviction, d'une détermination de fer. Vos oreilles vont siffler, votre téléphone va chauffer, vos nuits seront agitées. Vous multipliez les réunions, les rencontres, les démarches, les sollicitations. Vous n'arrêtez pas un seul instant. Vous êtes totalement pris par cette aventure et quoi que vous fassiez, il vous faut accepter d'entendre encore et toujours des remontrances ou des réserves.

Il vous en faut de la patience pour surmonter toutes ces chausse-trappes, ces crocs-en-jambe, ces persiflages qui vous sont revenus par la bande. Qu'importe, il faut aller jusqu'au bout maintenant puisque la folle machine s'est emballée ! Impossible de faire marche arrière ; désormais votre tête est mise à prix lors des quelques jours à venir.

C'est alors que tout se joue sur des coups de dés dont vous n'êtes pas maître. La météo est de tous les impondérables le plus injuste, le moins maîtrisable. Le ciel peut vous tomber sur la tête et mettre tous vos efforts à l'eau. Il peut tout aussi bien faire des miracles grâce à un soleil miraculeux. L'actualité joue elle aussi les invitées surprises. Un match international de football est capable de ruiner une belle idée ; il est toujours prudent de s'en inquiéter avant.

Viennent enfin les dernières heures ; vous avez fait votre possible, vous êtes dans l'expectative. Vous croisez les doigts, vous touchez du bois, vous priez Dieu ou bien le diable, vous faites brûler un cierge ou prononcez des incantations magiques. Pourvu que rien ne foire, que tout aille comme sur des roulettes ! Rassurez-vous : cela n'arrive jamais …

Les couacs font partis du décor. C'est même un passage obligé, une garantie de succès. Il faut un bon gros coup dur pour profiter pleinement de la chose. Vous allez déployer en dernière minute des trésors d'ingéniosité pour vous sortir d'une panne, d'un oubli ou d'une défection. C'est même dans ces moments que trouverez les clefs de la réussite.

Lorsque l'évènement aura lieu, vous serez sans force ou trop occupé pour en profiter pleinement. Il passera sans que vous en preniez conscience. Vous êtes sur des charbons ardents, partout à la fois et jamais là où ce serait agréable. Mais qu'importe ; vous avez réussi votre pari, vous allez être payé en retour de tous vos efforts …

Détrompez-vous. Quelques jours après ce rendez-vous qui vous a pris tant d'énergie, ce sera l'heure du bilan. Ne vous attendez pas aux félicitations des vôtres ; il y a aura toujours des grognons, des commentaires acides. Il y aura aussi la liste de toutes ces choses auxquelles vous n'aviez pas pensé et dont l'absence vous est maintenant reprochée. C'est vous le maître d'œuvre ; vous devez entendre les jérémiades de ceux qui n'ont rien fait.

Puis l'heure des comptes est le terrible révélateur. Le nerf de la guerre n'aime pas trop les petites associations. Vous avez fait le bilan et le verdict est terrible : « Tout ça pour ça ! » Personne n'échappe à ce terrible constat. S'il fallait mettre en relation cet investissement humain, tous ces efforts et ce maigre résultat, vous auriez hésité un peu.

Puis le temps passe, et vous vous relancez dans une nouvelle folie. Les mesquins, les ronchons, les pisse-vinaigres, les jaloux : laissez- les tomber ! S'il fallait les écouter, il ne se passerait jamais rien.

Énergiquement vôtre.


Lire l'article complet, et les commentaires