Les grandes vacances
par C’est Nabum
mardi 2 septembre 2014
C'est la rentrée !
Peau de chagrin
Voilà ! Elles se sont terminées, éteintes d'elles-même par lassitude ou obligation. Elles sont oubliées jusqu'à l'année prochaine, au terme de cette longue épreuve que constitue désormais, pour les élèves comme pour leurs enseignants, une année scolaire.
Les grandes vacances ont jalonné notre enfance. Elles étaient alors un temps clairement repérable pour nous tous. Il y avait le dernier jour de classe, moment de liesse, partagée par tous avec des jeux et des activités différentes, des récompenses et des désillusions. Chacun se quittait en se souhaitant les meilleures choses possibles pour cette longue période estivale.
Puis, le temps se mettait au beau. C'est ainsi qu'il est dans nos mémoires. Nous allions à la pêche, en camping, en colo, plus rarement en vacances avec nos parents. Ce luxe était rare, court et pas nécessairement souhaité. Nous avions nos amis, nos vélos, nos rendez-vous. Les grandes vacances étaient entièrement dédiées à la nature, au plein air, à la liberté.
Je doute qu'il en soit ainsi pour tous les enfants aujourd'hui. Combien sont-ils, restés dans des immeubles, coincés devant des écrans ou embrigadés dans des centres de vacances qui tiennent plus de la garderie morose que de la grande aventure en plein air ? Nous avons perdu ce lien essentiel qui nous unissait à l'environnement.
Il y a aussi ceux qui, désormais, ne font que partir. Enfants privilégiés, ils vont par monts et par vaux, le plus loin et le plus longtemps possible. Partir est, en effet, une nécessité sociale, un marqueur de réussite pour les parents. Le soleil est le but ultime, le passeport, l'expression de l'épanouissement. Il faut absolument aller ailleurs pour exister. Que retirent les enfants de cet insatiable appétit de voyage ? Je n'en sais rien, à vrai dire, n'ayant jamais été du nombre.
Les grandes vacances sont ainsi devenues, au fil des années, une parenthèse qui fait éclater les groupes, distingue les jeunes selon leur appartenance sociale. Elles sont, pour eux, signe de rupture quand elles étaient, pour nous, joyeuse continuité. Pour les uns, source de savoir et de culture, pour les autres, bain dans l'eau stagnante des médiocres programmes télévisuels.
Elles se terminent, là encore, dans une dispersion sans nom. L'étalement des retours est la règle. Il n'y a plus cette grande cérémonie commune qui voyait se regrouper tous les rentrants, la boule au ventre, pour découvrir la nouvelle classe. C'est bien plus compliqué désormais avec des retours échelonnés, des élèves qui ne sont pas encore revenus de leur passage « au pays ». À l'image du mois de juin, pénible éparpillement des sortants, lent dévidement de la pelote-classe, septembre est, à son tour, un désagréable compte-gouttes.
Les grandes vacances sont devenues, au fil des discours hostiles de certains politiques haineux, un privilège insupportable accordé à des enseignants, responsables de tous les maux de notre société. Les tenants de l'ordre rêvent de les voir réduites à portion congrue tout en souhaitant un étalement pour favoriser le commerce. Nous ne sommes jamais à une contradiction près !
Les parents réclament alors des solutions de garde. L'enfant, gardé effectivement, n'est plus en mesure de vivre en liberté. Il faut le cadrer, l'embrigader, l'enfermer. Comme tout a un coût, les colonies de vacances sont devenues un luxe ou un dépotoir. Nul brassage des différentes classes de la société : les grandes vacances sont désormais le temps de l'apartheid social.
Alors, que faire ? Priver nos enfants de ce qui était bonheur et plaisir pour nous ? C'est sans doute la solution la plus simple. Est-il possible de retrouver une existence moins contrainte, moins dangereuse pour les plus jeunes ? Est-il envisageable de redonner de la souplesse aux règles de sécurité qui enferment toutes les activités de plein air dans un carcan impossible ?
Les grandes vacances étaient l'expression la plus aboutie de la liberté qui nous était donnée de jouir. Il y a bien longtemps que cette belle notion se casse les dents sur la dureté d'un monde hostile et réglementé, policé et effrayant. Nous avons privé nos enfants de ce temps merveilleux. Nous avons en cela une lourde responsabilité.
Nostalgiquement vôtre.