Les musiciens du Dimanche. Survol d’un sympathique nid de coucou
par Yohan
jeudi 29 janvier 2009
Ce qui caractérise les musiciens du dimanche, c’est leur ferveur immodérée pour leur art, et cette manière bien à eux de ne pas complètement se prendre au sérieux.
Fileyeur, cadre de banque, chef cuistot, agent de tri, voilà des professionnels, qu’à priori, rien ne rapproche dans la vie de tous les jours, sauf une passion commune pour la mandoline, le bel canto ou la bombarde celtique.
Oublier le boulot et le stress accumulé de la semaine, se prendre un instant les pieds dans l’émotion d’un riff enfin maîtrisé, ressentir l’indicible fierté de sortir son village de son habituelle quiétude, un jour de concert donné en salle des fêtes, voilà qui suffit le plus souvent à entretenir la flamme du musicien amateur, au fil des semaines, année après année. Et puis, se retrouver autour d’une bonne table après la rituelle répete n’engendre pas vraiment la mélancolie.
Le but, se faire plaisir avant tout et, accessoirement, faire partager son grain de folie à ses proches, à ses amis et plus, si le talent s’invite à la fête.
Si le musicien du dimanche ne s’aventure guère hors du garage familial, il n’est pas rare que pour d’autres, l’évènement festif résonne bien au delà du village.
C’est le cas de Lindbergh Blues, un groupe amateur qui écume bistrots, festivals entre Bricquebec et Cherbourg, depuis plus d’une décennie. Un psychologue, un directeur de société de transport, un chef machiniste du spectacle, un aide médico-psycho qui se retrouvent après le boulot et plus souvent le week-end, plus quinqua que quadra, poil grisonnant, amitié et passion scellés autour du blues, façon Rory Gallagher.
Pour Stève, Philippe, Dany et Jérôme du Lindbergh Blues, la musique s’est arrêtée dans les années 70 aux standards du blues anglo-américain des Hendrix, Clapton, Gallagher, avec les incontournables Crossroads, Blue Suede Shoes, Hey Joe, Red House, Calling card, Born to be wild.
Steve, chanteur et slide-guitariste du groupe, préfère résumer en ces mots "C’est notre double vie, des heures à peaufiner un morceau, à l’adapter, des heures d’écoute, de décryptage, les phalanges en sang, la gorge qui brûle au bout du concert, pour quoi, pour qui, pour la musique et la convivialité bien sûr".
A l’heure du règne des jeux vidéo, de l’internet et de la consommation passive de culture prédigérée, on peut légitimement s’étonner de voir le phénomène perdurer et traverser anisi les décennies, imperméable aux modes éphémères.
Un phénomène assez significatif pour ne pas être éludé, surtout quand on songe à l’impact de cette "industrie créative" sur l’économie. Une "petite" économie qui fait vivre de l’artisan en facture instrumentale, en passant par l’édition musicale, jusqu’aux bistrotiers, soit environ 600 millions d’euros par an et près de 50.000 emplois induits.
Pour le groupe Lindbergh Blues qui vient de fêter ses dix ans en s’offrant un MySpace et un CD live tout frais pressé, l’heure est au bilan :
On trouvera une partie de la réponse dans la biographie express du quatuor :"100 concerts en dix ans, ça fait aussi, 400 entrecôtes/frites ou œufs mayo, des centaines de rondelles de sauciflard, d’andouille de Vire, de litres de jaja et de bière engloutis"
Un bilan respectable en forme de boutade qui reflète assez bien l’état d’esprit de ces oiseaux là : appliqués sur l’instrument, mais assez lucides pour ne pas trop se prendre au sérieux...