Loin des grandes prétentions dérisoires

par C’est Nabum
vendredi 1er juillet 2016

La toponymie de Brinon-sur-Sauldre

Un lecteur, Gilles de Sully sur Loire, sachant ma curiosité et mon envie de raconter des histoires me signale qu’à Brinon-sur -Sauldre existent trois lieux-dits aux noms évocateurs comme le sont souvent ces toponymies. Il y a selon lui matière à recherches pour éventuellement lever un lièvre. Comme nous sommes au pays d' Alphonse Depardieu, braconnier de son temps et inspirateur du roman de Maurice Genevoix : Raboliot, je me mis en chasse …

Je cherche à suivre des pistes, évitant la fréquentation des gardes-chasse et des tenants de l’histoire officielle. Il est vrai que ces endroits fleurent bon la sédition et le secret : « Démocratie » , « Libre Pensée », « Droits de l’Homme ». J’espère trouver un mystère ; je traque l’anarchiste notoire, le natif de ce joli coin de Sologne susceptible de justifier de tels choix.

Mon correspondant pense qu’il y a des petits cailloux semés dans le ciel pour me mettre sur la piste. Il m’indique qu’il existe encore des rues aux jolis noms : « Lune », « Étoile », « Comète ». Brinon-sur-Sauldre serait donc une cité du rêve et de la liberté. L’hypothèse se confirme avec une nouvelle plaque de rue qui me pousse à chercher plus avant : « La Liberté ».

Suis-je donc en train de débusquer une République libertaire, un espace ayant renoncé à célébrer la prétention humaine qui donne des noms de rue à des personnages douteux, célébrés par l’histoire ? La fatuité des humains a laissé une trace sans limite et se moque de savoir si le susdit notable a vécu ou pas dans le village en question.

Et là, ô joie, ô admiration pour les édiles successifs de cette belle commune solognote, aucun nom célèbre ne vient étaler sa prétention défunte au désespoir des résidents et du facteur. Les vedettes de la plaque de rue n’ont trouvé ni place ni impasse en cet endroit qui préfère célébrer l’histoire locale, la nature et la fantaisie. « Le Point du Jour » côtoie « L’écluse du Cul de l’Enfer » avec jubilation et poésie. « La .Grange de l’Etang » se plaît à fréquenter « Le Chemin des Grands Moulins ».

Les hommes politiques, les écrivains, les aviateurs et tous les orgueilleux posthumes de tous poils peuvent aller se rhabiller. Ils ne sont pas dans la gibecière du gars Alphonse, surnommé Carré dans son petit coin de terre. J’aime cette liberté de ton : j’admire cette fidélité à une idée simple, le pays appartient à son histoire et non aux grands personnages qui n’y ont jamais mis les pieds.

 À la lecture de tous ces noms, on se met à rêver, à imaginer ce que fut l’endroit autrefois, ce qu’il abrita ou ce qui s’y passait. Nous n’avons pas l’habituel mausolée des vanités, la longue liste des notoriétés indignes, des menteurs patentés et des hommes au passé douteux. À Brinon, on se passe de célébrer ceux qui ne le méritent guère. On honore l’histoire locale, le patrimoine, la nature et les belles idées.

Je vous laisse juge de cette belle initiative ; vous pouvez lire ici : http://www.annuaire-mairie.fr/rue-brinon-sur-sauldre.html la longue liste, débarrassée des reliquats de l’insupportable prétention de ceux qui nous ont gouvernés. J’aime cet endroit ; je vous invite à vous y promener à la recherche de Raboliot et de son esprit de fronde. Il y a de la vie dans cette idée et non pas une réédition des avis de décès de nos grands personnages.

Je remercie vivement Gilles qui m’a permis de célébrer ainsi cette charmante petite commune et de pouvoir l’honorer comme elle le mérite pour avoir osé ce qui devrait se faire partout. La vanités des uns, l’orgueil des autres, la fatuité de tous s’affichent dans nos villes sans avoir pignon sur rue à Brinon-sur-Sauldre. Raboliot peut être fier : il y a le souffle de la liberté dans sa commune, un petit vent de rébellion et d'originalité qui méritait ce petit texte sans importance.

Allez donc flâner entre canal et grande Sauldre, entre le splendide caquetoire de l’église et la maison de Raboliot, entre le château et la forêt. On y vit bien mieux quand on se prive de cette obséquiosité indigne et si souvent déplacée qui encombre nos plaques de rue … L’Odonymie, puisque c’est ainsi que l’on désigne cette odieuse propension à donner un nom propre à une voie de communication, a toujours provoqué en moi ulcération et colère. Je vais trouver la paix à Brinon-sur-Sauldre.

Odonymiquement leur.


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