LONG MÉTRAGE

par Dancharr
mardi 5 février 2013

Mon bref métrage (1’7’’), mon court métrage (3’35’’) n’avaient pas fini leur tournage que mon producteur, un pressé d’en finir pour arriver à Cannes, me suppliait d’embrayer sur la longueur supérieure. Il vise les Oscars. Il tombait bien. Je venais d’en finaliser un.

Même si je peine à ne pas me vanter, j’ai du mal à ne pas sursauter d’orgueil – ma lombalgie chronique m’interdit tout mouvement brutal – quand je relis le scénario. J’y ai mis beaucoup de moi-même. Cela se voit dans la finesse de l’analyse psychologique, le courage d’aborder plusieurs thèmes proscrits, la volonté de ne pas se laisser rebuter par les difficultés, une capacité d’imaginer des situations impossibles comme de faire rire un atrabilaire, prier un athée, abjurer un jésuite. C’est une synthèse de tout ce que j’aime et l’antithèse de tout ce que je déteste.

Pitch

Dans une ambiance à la « Sin City », mon héros, un mélange d’Inspecteur Harris, de Machete, du Bebel de « Peur sur la ville », un zeste de l’Espion qui venait du froid et le mystère du 3ème homme, démêlera un écheveau de conflits étiré sur 3 générations, 3 guerres, 3 religions, des allers-retours dans le passé, le présent et un futur à court-terme.

Synopsis

Un immigré de la 3ème génération vit heureux dans une banlieue pourrie. Il gagne bien sa vie avec les allocations familiales de ses 19 enfants, sa rente d’accident de travail, son invalidité catégorie 3 avec tierce personne, l’allocation logement et, grâce à un prête-nom, les Assedic.

Père polygame de 3 familles nombreuses, il régnait, avec la sagesse du marabout qu’avait été un de ses aïeux du temps de Savorgnan de Brazza sur son harem et sa progéniture. Cette vie de bonheur, de poésie et de fornication s’arrête au premier plan du film, donc au premier jour de tournage quand, la chance tournant, il apprend, dans la même séquence que le fruit de son travail de jour et de nuit ne suffit plus à payer les factures. En surendettement il allait devoir maigrir, répudier, prendre le bus, vendre son cabriolet et sa spéciale familiale, fréquenter l’AAAC (Association des Acheteur Anonymes Compulsifs) et que :

Le héros sans peur - mais avec quelques reproches pour rester humain et ne pas ressembler à Batman – finit, après de multiples péripéties haletantes où il prend tous les risques en donnant beaucoup de sa personne par résoudre, alors qu’on croyait le challenge impossible, les problèmes de tous, à la satisfaction et stupéfaction générale :

SCÉNARIO

Il restera au secret jusqu’à nouvel ordre.

POURQUOI

Je fais une exception car je veux garder la maîtrise de ce film qui restera exceptionnel et ne le mettrai pas en ligne. Il risque d’être piraté par un hacker (Lisbeth Salander chercherait à se renflouer). Les dialogues sont si truculents (un mélange de Jeanson, d’Aurenche, d’Audiard, de Bouvard et Pécuchet), l’intrigue, si bien menée, la fin si imprévue avec un retournement de situation tellement étonnant que je crains d‘être détroussé, spolié, volé. C’est une pratique courante dans le milieu. J’en ai trop souffert pour me le permettre aujourd’hui. Je ne vous dirai pas tous les Césars, tous les Oscars dont je devrais être crédité.

Même la musique sera cachée jusqu’à la première séance. C’est du rap de première génération. Il comblera tous les silences. Il met les points sur les i, balance à fond la glotte, lève le secret-défense sur tous les interdits de penser, de cracher, de fumer, d’allumer. Ce sera, comme le reste, une bombe.

J’ai sorti de sa maison de retraite Gisèle, ma première secrétaire et du grenier et de son cocon ma Japy. Accrochés, elle à son sonotone, moi à ma loupe à voir de près, nous avons court-circuité tous les voyeurs, tous des voleurs. Sitôt tapé, le manuscrit est parti par ambulance dans un coffre à l’USB de Francfort, en attendant mieux.

Je suis sûr de l’avance sur recettes, on a un drame social, familial. La dénonciation des politiques y est vigoureuse. Le problème des jeunes, du chômage, le poids de la religion, de la tradition, en fait de toutes les drogues y sont traités comme il se doit. La prise en charge par la Sécurité Sociale est montrée avec justesse, sans parti-pris.

Dans ce film choral, où rien ni personne n’est oublié, l’équilibre est parfait avec une originalité dont, hélas, le cinéma français n’est plus coutumier. Ah ! Renoir, Carné, Clouzot, Girault, votre héritage est lourd, J’en serai digne.

J’ai approché, pour le réaliser, un futur espoir, un stagiaire en prépa pour entrer à HEC (École des Hautes études cinématographiques). Il est intéressé et prêt à décaler un tournage pour Dreamworks. Il m’a cependant fait remarquer – c’est un anxieux – qu’à la Commission ils vont peut-être tiquer – voire me retoquer. Il n’est pas écolo-compatible. On ne parle pas de la fonte des icebergs, du drame des esquimaux glacés, des OGM, de l’airport d’Ayrault, il a raison, le bougre. Il connaît son monde. Il ira loin. Je lui au promis d’ajouter une séquence choc sur un coléoptère troglodyte menacé par le tunnel Lyon-Turin sous les Alpes. 

L’avenir du cinéma étant dans les séries a dit un prophète, mon film devrait plaire aux esclaves de la télé. Ils y trouveront l’actualité du journal télévisé, la rapidité de 24 heures chrono, le romantisme de « Plus belle la vie », l’efficacité de « Bones », l’humanité de « Dexter », la fraternité de « Friends », l’élégance de « Downton Abbey », le suspens de « Homeland ». Il aura donc le succès de « Dallas ».

Pour mieux le situer, mon film aura une chute renversante, à la « Usual Suspects », des effets spéciaux comme « Inception », une humanité digne d’ « Une Nuit en Enfer » mais le public y retrouvera, les « Gaîtés de l’Escadron », l’optimisme de « Lady for a Day », l’émotion de « Jeux Interdits », l’ambiguïté de « Doctor Jerry & Mr Love ».

Après l’avoir vu vous vous sentirez fort comme Tarzan, souple comme JVD, intelligent comme Attali, beau comme un dieu, héroïque comme Ben-Hur. Pour vous c’est facile, c’est naturel, vous êtes tout ça mais, pour certains j’ai galéré pour presque y arriver.

 


Lire l'article complet, et les commentaires