Oh, la vache !
par C’est Nabum
lundi 21 novembre 2016
Le mécontentement des mille et un pis
Une histoire par dépit
Nous qui sommes devenus au fil des réglementations, des impositions, comme des contraventions, de véritables vaches à lait, mettons-nous un temps dans la peau de notre collègue, pensionnaire d’étables qui n’osent pas se dénommer « Vacheries ». Nous lui devons tant, elle qui fut un temps notre nourrice et qui, depuis notre émancipation, rumine sans rancœur !
La vache ! L’exclamation est injuste pour cette pauvre bête qui se fait plus sûrement du mauvais sang que du petit lait. C’est pourtant la crème des bêtes, elle qui ne fait pas tout un fromage de son rôle essentiel dans nos vies. Elle aurait tant aimé faire des voyages plutôt que d’être enchaînée dans des stabulations d’inconfort. Elle se rêvait allant par monts et par vaux, sans avoir à se soucier d’une progéniture qu’elle met au monde sans même voir le taureau.
La vache ronge son frein. Elle fulmine de se savoir montrée du doigt, accusée d’être responsable du réchauffement climatique. On n’en fait pas toute une montagne et pourtant, il y aurait de quoi monter sur ses grands chevaux, ses collègues bien plus respectés qu’elle. La vache pourrait en rire : elle le ferait en Suisse, qui donc partagerait le sens de l’humour avec cette folle ?
La vache est mise à toutes les sauces. Elle meuble les conversations, sous forme de peau ou bien de bouse, elle a le cuir tanné pour supporter pareil traitement. Qu’elle meugle ou qu’elle beugle, elle vêle et c’est là tout ce qu’on attend d’elle. Qu’elle mette bas et qu’on puisse s'emparer de ses rejetons pour les bourrer d’hormones ne semble pas indigner les gardiens du temple alimentaire. La vache a, pense-t-on, le plancher bien trop bas et n’est pas considérée.
Je n’en veux que pour preuve le brave Sully évoquant les deux mamelles de la nation avec ses pâturages et labourages tandis que son patron mettait à l’honneur la poule qu’il glissait dans un pot. Il y a de quoi se prendre de bec avec l’histoire, ou faire la gueule. La vache se contente de tirer la langue, sans même se montrer piquante. Une éventuelle protestation de sa part tournerait en queue de poisson. La vache reste sur sa faim, elle qui pourtant sert de gourde aux bergers …
La pauvre bête sait que sa mort est attendue, souhaitée même, par quelques hurluberlus qui en ont fait un slogan oiseux. On l’envoie à l'abattoir sans autre forme de procès et nul monument aux mors ! La vache, même sur les dents, n'use pas de cet ustensile. Quant aux bœufs, ils mirent un sacré coup de collier, voulant rivaliser avec les chevaux de trait. Étrange paradoxe, aux pauvres mâles déchus le trait et à celles qui ne seront jamais leurs épouses, la traite, surtout si elles sont noires et blanches ...
Car quand elle ne pisse plus le lait, la vache est étourdie par des tueurs indélicats. Elle finira sur des étals, perdant une fois encore son honneur et sa féminité, devenant du vulgaire bœuf qui aurait fait maigre. La vache aurait aimé ramener sa fraise. On l’en a privée. Elle se meurt dans l’indifférence, subissant des traitements dégradants.
Il conviendrait, dans un ultime sursaut d’orgueil, qu’elle montre les cornes à ses assassins, bourreaux ordinaires d’une véritable boucherie sanguinolente. La vache est la bête noire de ces monstres. Elle peut se consoler en pensant à ses sœurs landaises qui se retrouvent dans l'arène pour subir quolibets et humiliations. Décidément les chiens ont vraiment une vie bien plus agréable que la sienne, et pourtant c’est à eux que les hommes pensent quand l’existence n’est pas rose.
D’ailleurs sur le sujet des couleurs, elle n’est pas gâtée. Si elle est rousse, elle est bête à viande, si elle est violette, elle se retrouve chocolat. Il n’y a que la vache sacrée pour qui tout va comme sur des roulettes. Ce statut lui caille sur le jabot et pourtant elle se la coule douce, on ne l’envoie jamais paître à coups de nerf de bœuf, elle qui est intouchable au pays des brahmanes.
Elle qui est la crème des bêtes, on la fait tourner en bourrique pour que d’autres fassent leur beurre sur son dos. Décidément c’est pas une vie que celle de la vache. Je me garderai bien d’envier son sort. J’ai eu, par ce modeste texte, envie de lui rendre hommage. Il est vrai que dehors, il pleut comme vache qui pisse, et que je n’avais rien de mieux à faire …
Vacheriement sien