Pénélope fait tapisserie

par C’est Nabum
vendredi 27 janvier 2017

Attention, ceci est naturellement une fiction fictive

Remettre cent fois son ouvrage sur le métier.

Voilà une affaire cousue de fil blanc. Dame Pénélope dont le prénom vient du grec :πηνέλοψ / oie, n’est certes pas une oie blanche, ni son époux un perdreau de l’année. La dame a de grands besoins pour être à la hauteur du standing de son époux, dernier prétendant au trône de Troie. Mais comment s’occuper quand tous vos emplois fictifs vous laissent un temps libre considérable alors que votre coquin, Prince des risettes, court les mers à la poursuite des sirènes du pouvoir ?

Il faudrait être cyclope pour parvenir à surveiller du bon œil la dame. Elle fait tapisserie, montre des airs de minaudière quand, de ses doigts crochus, elle se sert dans la poche de tout ce qui l’approche. La dame se rêve un grand destin ; elle le prépare en se brodant un voile cousu de fil d’or. C’est ainsi qu’elle s'imagine, parée de ce magnifique tissu, tenant son croisé, guerrier de la vraie foi, par le bras et montant les marches du palais d'Ithaque.

Hélas, c’est bien connu : à Ithaque on manque de tact. Pour acheter ses fils d’or, la belle tapissière a besoin de beaucoup d’argent. Le travail lui fait en outre si peur qu’il convient de l’en dispenser : il ne faudrait pas abîmer ses nobles mains ni la fatiguer outre mesure. Elle se doit corps et âme à son coquin. Son époux, partisan d’une journée de travail sans limite, ignore certainement que sa princesse est souffreteuse et que pour elle, il conviendrait de limiter ladite journée à moins d’une heure par jour.

Ne pouvant ainsi partager le travail, Ulysse préfère multiplier les sources de revenus pour que sa belle Pénélope œuvre à sa création sans se salir les mains. C’est donc de l’argent propre qu'il lui remet pour ses menus travaux d’aiguilles. Il monte de toutes pièces des emplois taillés à sa mesure. Le tailleur et la tapissière : il y aurait matière à fable si ce n’était qu’un conte de fées. Mais la dame se fait sorcière et son parangon joue les donneurs de leçons, de celles qui ne s’appliquent jamais à soi-même.

Homère a renoncé à évoquer cet épisode de l’Odyssée présidentielle. Il est vrai que les épisodes précédents étaient si invraisemblables, que notre poète a préféré ne pas les glisser dans son œuvre. Imaginez des galères venues de Libye chargées d’un trésor de guerre pour financer la bataille sous la direction d’un Pygmalion qui se demandait ce qu’il faisait là. Il est préférable d’inventer une Circé capable de transformer les hommes d’équipage en pourceaux que de narrer les exploits de gorets se prenant pour des chefs de guerre.

Il avait bien songé également à évoquer un certain Héraclès arrivant sur les côtes à bord d’un pédalo, en promettant à tous de tondre la Toison d’Or. Mais comme il n’en fit rien, bien au contraire et, qu’avec ses comparses, il continua de se servir au lieu de servir la cause des nations opprimées, Homère cessa d'ajouter foi aux belles paroles de ces guerriers à la petite moralité. Mais Pénélope, quant à elle, crut au mythe de la Toison d’Or et c’est ce qui la mit en action.

L’affaire cependant n’ira pas très loin. Dans ce royaume des princes corrompus et des aventures véreuses, elle ne risque rien. Qui donc irait lui chercher des noises alors que, peu ou prou, ils font tous la même chose ? Faire et affaires, c’est toujours de l’ouvrage et, tant qu’on parle de soi, on ne parle pas des autres. Ulysse l' a bien compris qui va tirer profit de ce bel éclairage.

L'épopée peut continuer. Tant que le peuple n’aura pas dissimulé à l’intérieur du cheval de Troie un Ajax incorruptible, capable enfin de laver plus blanc et de récupérer ce qui ressemble de plus en plus aux écuries d’Augias, nous ne serons pas au bout de nos peines et de notre désespoir. Ce joyeux bazar n’est donc pas près de s’arrêter et le prochain épisode sentira aussi mauvais que les précédents.

Pénélope a besoin de 7 500 euros par mois pour ses travaux d’aiguilles ; son cher époux, quant à lui, veut abaisser le SMIC, réduire le droits des travailleurs, les remboursements médicaux, augmenter la durée du travail et autres joyeusetés. Tout cela n’est que très logique en somme. Ces deux-là vivent dans un monde imaginaire et ignorent tout de la réalité. Il serait même question que nos joyeux drilles mettent en place, à titre expérimental, le revenu universel, cher à l’un des prétendants, uniquement réservé à leurs femmes, concubines, maîtresse, nièces, cousines et oies.

À moins que nous ne donnions un grand coup de pied dans la fourmilière, un autre, tout aussi vérolé, prendra la place. Homère, nous t'en prions, reviens et écris pour nous une belle épopée citoyenne, loin de ces maudits prévaricateurs !

Mythologiquement leur.


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