Petit dico de la grève
par Peachy Carnehan
mercredi 14 novembre 2007
Les micro-trottoirs, quintessence du journalisme, délivrent à travers nos JT la parole pleine de bon sens du peuple qui souffre. Pour déchiffrer l’actualité voici le petit dico de la grève.
En période de grève, comme en ce mois de novembre, l’étude syntaxique et sémantique du micro-trottoir de JPP
(J.-P. Pernaut) nous permet de dégager une série de cinq termes et
expressions récurrents. Cinq anaphores en réalité. Ce procédé, visant à
un effet d’insistance par répétition d’un même mot ou groupe de mots
dans chaque phrase prononcée, semble nécessaire à l’éclatement de la
vérité. Surtout lorsque les sondages de Sarko sont en baisse. Petit
dico de la grève :
OTAGE
: Ce n’est pas marrant de poireauter sur un quai de gare bondé mais ce
n’est pas une raison pour perdre son sens de l’humour. Ainsi le plus
grand des classiques, lorsque sévit le micro-trottoir, reste le
toujours très efficace "je n’ai pas de transport pour aller au boulot,
on nous prend encore en otage". Une blague connue de tous mais qui
provoque toujours son petit effet. L’image d’un cheminot qui capture un
usager avec un filet ça fait toujours rire. On se demande juste qui est
l’otage réel dans l’histoire. Celui qui est terrorisé par son employeur
et qui craint d’arriver en retard au turbin ou celui qui a peur de ne
pas pouvoir travailler plus pour gagner plus ? A moins que ce ne soit Ingrid Bétancourt...
Y’EN A MARRE : C’est le cri de ralliement des éternels mécontents et il est de sortie à chaque conflit social. "Y’en a marre, y’a pas de métro, c’est toujours pareil". Notons que le "y’en a marre" est multifonctions. Il peut servir pour la météo avec le célèbre "il pleut, y’en a marre", pour le sport "le PSG a encore perdu, y’en a marre" et même pour la politique "encore ce con à la télé, y’en a marre".
CES SALAUDS DE PRIVILÉGIÉS
: Au quinzième jour de grève les usagers deviennent légèrement tendus.
Au bureau, nerveux, ils s’en prennent à leurs collègues. A la maison,
fatigués, à leur femme. Et dans la rue, excédés face aux
micro-trottoirs, à "ces salauds de privilégiés". A ce stade c’est Noël Forgeard,
le golden parachuté d’EADS, qui est rassuré. Le bon sens populaire lui
fout un peu la paix pour mieux dénoncer le scandale des 1 300 euros
mensuels des cheminots. Il peut souffler et partir tranquillement en
week-end avec Denis Gautier Sauvagnac, le grand argentier de la caisse
noire du Medef.
FASCISTE
: Cette insulte devient récurrente au trentième jour de blocage. Elle
relève de l’inversion des valeurs et des références idéologiques qui
est en cours depuis l’élection de Nicolas Sarkozy, le 6 mai dernier.
Avant, le fasciste raflait les enfants et leur offrait un voyage en
train vers l’est de l’Europe. Aujourd’hui, alors que la droite s’est
décomplexée de son passé vichyssois, le fasciste est un salarié qui
exerce son droit constitutionnel, celui de faire grève, en refusant de
faire rouler les trains. De même un manifestant est également fasciste,
tout comme les étudiants. Les communistes et la Ligue des droits de
l’Homme sont, eux, carrément des nazis.
Puis Jean-Pierre Pernaut,
tel l’oracle, de conclure en dodelinant de la tête dans une moue
désapprobatrice : "Eh oui mon bon monsieur, ça embête tout le monde ces
histoires de grèves. Nous les premiers en nous empêchant de mettre en
avant une information de proximité qui valorise les diversités
régionales."
Salauds de privilégiés...
Peachy Carnehan
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