Pour boucler la boucle
par C’est Nabum
vendredi 22 janvier 2016
Le cahier d'écolier …
Il y a six ans de cela, j'allais sur les routes de France. Parti d'Orléans, je voulais rejoindre Albi en taillant ma route plein sud, comme un pèlerin du quotidien et des parcours intérieurs. Je voulais aller à la rencontre des gens ordinaires ; je marchais au hasard des rencontres, des indications et des suggestions. Lors de ce périple, parfois ma route croisait des gens d'exception dont je faisais le portrait qui fut couché sur la toile, par le truchement de mon blog.
C'est un matin, alors que j'allais le ventre creux depuis quelques heures, tentant de rejoindre Figeac après une étape à Assier. Au sortir d'un petit village, un femme prenait le frais devant sa porte, assise sur un banc. N'ayant rien pris pour le petit déjeuner, je me payai le culot de lui demander si elle pouvait m'offrir un café.
Elle me pria aimablement de « finir de rentrer », selon la formule chère aux gens de cette belle région. La suite fut alors un moment inoubliable, une demi-journée de récits et de confidences, une page d'histoire qui se déroulait sous mes yeux. Je prenais des notes, Georges et Josette avaient décidé de me faire le cadeau de leur histoire, me confiant la lourde responsabilité de coucher sur le papier ce récit qu'ils livraient ainsi à un inconnu de passage.
Ainsi naquirent des billets qui m'ont suivi, qui m'ont hanté, qui furent beaucoup lus et expliquent sans doute l'origine de cette folie rédactionnelle qui est la mienne. Si vous voulez me faire le plaisir de relire cette tranche de vie, je vous propose les liens ici :
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http://www.chroniques-ovales.com/article-histoire-des-carnutes-aux-cathares-2-54409860.html
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http://www.chroniques-ovales.com/article-josette-54421901.html
Les années ont passé, je n'ai jamais osé retourner les voir, craignant ne plus les trouver, pensant sans doute, à tort, que je serais arrivé comme un cheveu sur la soupe. J'avais envoyé les textes à leur adresse, une gentille réponse m'était parvenue et, naturellement, je n'ai rien gardé de cet échange. La vie n'est faite que de regrets …
Leur histoire était pourtant en moi. Ils me l'avaient confiée ; je voulais la partager plus encore. Georges m'avait montré son petit cahier d'écolier, ses chansons désuètes qu'il était allé chanter à la Capitale. Ce cahier d'écolier tournait en boucle dans mes pensées ; il me fallait faire à mes amis de rencontre le cadeau d'une chanson, à mon tour, puisque j'avais fini par avoir, moi aussi, cette incroyable prétention : écrire des chansons !
Un texte est né, il est resté quelque temps dans mes tiroirs : je n'osais pas le proposer à mon ami Casimir qui est un merveilleux mélodiste et un chanteur au cœur tendre. Puis je me décidai et lui envoyai cette chanson qui m'était si chère mais il ne réagit aucunement. J'en éprouvais une certaine frustration. Mon texte n'était sans doute pas de nature à le toucher, à lui donner des idées de mélodie.
Ce mardi cependant, il me fit le cadeau de me chanter « Sur son Cahier d'écolier » ! Georges et Josette renaissaient dans l'instant. L'émotion de ce passage à Lissac et Mouret, le village dont Georges fut de longues années le maire, revenait, intacte. Pour notre prochain spectacle, la chanson sera au programme ; que de choses j'aurai alors à raconter aux spectateurs pour qu'ils puissent entrer dans ce texte ordinaire !
Et là me vient le désir fou, l'envie sans doute impossible d'aller chanter cette modeste chanson dans le village de mes deux amis d'un jour. Si un élu ou un responsable d'association, si des gens de la famille de Georges et Josette lisent cet appel, j'aimerais boucler la boucle ouverte un jour de juillet 2010. C'était il y a 6 ans : une éternité sans doute …
Hommagement leur
Sur son cahier d'écolier
Sur son petit cahier d'écolier
D'une belle écriture soignée
Faite de pleins et de déliés
Il avait déposé son passé
Les heures sombres de notre histoire
De ce monde plongé dans le noir
La peur, l'angoisse, le désespoir
Et les quelques joies si dérisoires
Car Georges avait connu l'horreur
Les méchants coups qui font si peur
Expédié par les nazis
Dans les mines de Silésie
Josette étant encore enfant
Sous les balles des Allemands
Souvenir combien douloureux
Son père tomba sous ses yeux
Tous deux survécurent à la guerre
Pour se revoir c'était hier
Dedans un petit bal musette
C'est ainsi qu'il fit sa conquête
Elle le revoit en dimanche
Tout fier de socquettes blanches
Un détail qui la fit sourire
Bien assez pour la conquérir
Ils se marièrent aussitôt
La vie souriait à nouveau
Oubliés les anciens tourments
Ils étaient époux et amants
Le bonheur retrouva ses droits
L'amour serait toujours leur loi
Dans ce village si paisible
Où jadis ils furent des cibles
Georges fut le premier magistrat
Et jamais il ne renoncera
À défendre sa petite école
Dans sa belle région agricole
Il fit construire aussi une place
Afin d'ainsi laisser une trace
Et se souvenir de son destin
Ce serait la place Jean Moulin
Sur le petit cahier est noté
Ce bref récit de leurs deux passés
À coté de nombreuses chansons
Qu'ils chantaient tous deux à l'unisson
De simples rimes tout ordinaires
À fredonner sur de petits airs
Pour célébrer leur tendre passion
Et l'amour d'une belle région