Premier bug du passeport biométrique

par Voris : compte fermé
mardi 3 octobre 2006

Vous devez vous rendre à l’étranger pour conclure une affaire qui engage votre carrière ? Vous voulez y rejoindre vos petits-enfants en vacances ? Sachez que l’administration peut, dans les deux cas, vous empêcher de partir durant plusieurs semaines. Vous aimez vos parents ? Sachez que l’administration peut vous informer brutalement que ce ne sont pas vos vrais parents et qu’en réalité, vous êtes né à l’étranger d’une femme dont on ne vous révèlera jamais l’identité. Ceci se passe en France, en 2006.

De quoi s’agit-il ? Du passeport biométrique. Le principe de la biométrie consiste à capter l’image d’un élément corporel, puis à la comparer soit avec un grand nombre d’autres éléments de même nature, si l’on cherche à identifier quelqu’un, soit avec le dessin de l’empreinte originale, si l’on a besoin d’une simple authentification.

A la suite des attentats du 11 septembre 2001, ce nouveau type de passeport était exigé par le gouvernement américain. C’est avec retard qu’un décret du 30 décembre 2005 l’a instauré en France. Il vient remplacer le passeport à lecture optique et comporte la signature, l’image numérisée du détenteur, une puce sans contact contenant la photographie, l’identité, la nationalité, les caractéristiques physiques ou l’adresse de son titulaire...


Conséquence directe : depuis le printemps 2006, tous les citoyens qui demandent un passeport biométrique doivent présenter à la préfecture une copie intégrale de leur acte de naissance. (Il ne s’agit pas d’un simple extrait de naissance, mais d’une véritable copie des registres d’état civil).

« Obtenir une copie intégrale de mon acte de naissance ? Quoi de plus simple ? Il me suffit de le faire en ligne, sur Internet. » C’est alors que vous recevez le document qui vous révèle sans précaution que vos parents ne sont pas vos parents, que votre date de naissance n’est pas celle qui est indiquée sur vos papiers, que votre vraie mère a accouché dans le secret prévu par la loi (« sous X »), et que ceux que vous croyiez être vos parents sont des gens qui vous ont adopté mais qui ne vous l’ont pas dit. Autre hypothèse : sachant que vous êtes un enfant adopté et que vous ne le savez peut-être pas, la mairie, embêtée, fait traîner la remise du document : plusieurs jours, plusieurs semaines, et vous voilà bloqué en France. Bien entendu, on ne vous explique rien de ce qui se passe.

Pourquoi ce problème est-il nouveau ? Parce que, d’une part, jusqu’à cette année, la copie intégrale de l’acte de naissance n’était demandée que pour le mariage et que, d’autre part, elle était souvent transmise de mairie à mairie sans que les futurs époux la voient. Mais, depuis l’instauration du passeport biométrique, ce sont des milliers de citoyens qui se pressent à leur mairie pour la demander.

On peut comprendre l’embarras des mairies : si le dossier des pupilles de l’État est bien un « document administratif » au sens de la loi du 17 juillet 1978 sur les modalités d’accès aux documents administratifs, s’il s’agit bien aussi d’un « document nominatif » portant sur des informations relatives à la vie privée de l’intéressé, ce dernier peut en exiger la communication. Seulement voilà ! Il y a le secret protégé par la loi auquel la divulgation du document administratif ne peut porter atteinte. Le secret de la vie privée notamment qui, s’il ne peut être opposé à l’intéressé quand les faits portent sur sa propre vie privée, bloque la transmission de ces mêmes informations pour cause de risque d’atteinte à la vie privée des tiers (dont font partie les parents d’origine de l’enfant).

Alors les mairies, pour respecter la loi sur le secret, et ne faisant qu’appliquer l’instruction générale relative à l’état-civil, prennent des précautions et, pour se couvrir, essaient diverses manœuvres : parler, l’air de rien, avec le demandeur pour savoir s’il est au courant qu’il est adopté, contacter la préfecture, qui est l’administration chargée de délivrer le passeport, etc. Tout le monde hésite, et les choses avancent lentement...

Mais on n’en est encore qu’au tout début de cette affaire. C’est un député UMP, Philippe Cochet, qui le dit ! Le passeport biométrique n’a pas fini de briser des secrets de famille et de retarder des départs pour l’étranger.


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