Que la lumière soit

par C’est Nabum
samedi 5 septembre 2020

Plus près de Dieu ...

L’existence réserve bien des surprises. Il convient sans doute d’y voir la main de Dieu ou du destin selon que l’on soit bien accroché à des convictions religieuses ou bien alors mécréant notoire. Pourtant à l’instar de Paul Claudel, la lumière fut dans mon esprit hermétique. La chose peut vous sembler impensable, je vous invite à me suivre en restant bien accroché.

La cathédrale d’Orléans avait perdu sa belle croix lumineuse, une croix d’un mètre quatre-vingts de haut, habillée à neuf de cristaux et d’ampoules électriques. Pour que la lumière soit, de nos jours, il faut d’abord compter sur les ressources d’EDF et le savoir faire d’un électricien ingénieux. Ceci ne remettant nullement en cause le dogme catholique ni même le souffle divin. Il est possible du reste qu’une éolienne soit à l’origine des ressources énergétiques.

Par un concours de circonstances qui ne m’appartient pas de dévoiler ici pour conserver l’éternel mystère de la foi, je fus invité à donner un coup de main pour assurer l’ascension. Étant désœuvré, j’acceptai volontiers cette requête, espérant inconsciemment sans doute récolter quelques indulgences à l’heure du jugement dernier. J’ai assez écrit d’horreurs sur l’histoire locale de l’église et sur notre cathédrale pour me faire pénitent le temps d’une matinée.

C’est donc un mercredi matin, à ma grande surprise qu’eut lieu cette ascension cruciforme. Je pensais naïvement que cette opération ne pouvait avoir lieu qu’un jeudi, je dois revoir mes références sans doute. Nous étions un petit groupe de gros bras dont la plupart avait foi en notre seigneur. Il y avait même parmi nous deux scouts, deux appariteurs, deux séminaristes et un diacre qui se munirent chacun d’une gousse d’ail afin de supporter ma présence parmi eux.

Après avoir longuement admiré la croix qui reposait juste derrière l’autel, nous montâmes les 186 marches qui nous menèrent en deux étapes jusque sous la fabuleuse charpente de l’édifice. Rien que ce privilège valait le déplacement. Quelle merveille de précision, de savoir faire, de patience ! Un des artisans avait laissé son signe, un compas et une équerre pour honorer ce grand-œuvre. L’émotion était dans les combles.

Nous arrivâmes alors au pied d’un système somme toute assez archaïque pour réaliser à la force des bras, l’ascension divine. Deux cordes en parallèle qui pendaient du faîte de la charpente, reliées à un triangle métallique sur lequel venaient s’attacher deux filins tressés d’un assez gros diamètre. Nos deux appariteurs plongèrent sous le plancher pour préparer et assurer l’élévation sans hostie ni ciboire mais avec des clefs anglaises. Je ne sais si Rome appréciera cette entorse au rituel qui relève de la collusion avec l’église anglicane et néanmoins schismatique.

Après de longues minutes d’attente et une communication entre la nef et la voûte qui ne fut pas céleste mais assurée par la magie de la téléphonie mobile, nous reçûmes la consigne de tirer très délicatement sur les cordes. Me revinrent alors en mémoire mes années d’enfance quand j’accompagnais mon père pour changer les cordes des cloches dans les églises du Sullias. Un petit signe du très grand sans doute pour honorer la mémoire du paternel.

L’opération requerra un peu de force et beaucoup de coordination. Un des scouts assurait l’éventuel retour de corde tandis que nous agissions un peu comme des marins à la manœuvre, mêlant nos mains dans un effort commun. Ce fut un moment émouvant durant lequel j’évoquai les histoires restées dans la gibecière de ma mémoire relative à la cathédrale et aux légendes qui s’y rattachent. La lenteur de l’élévation permettant de faire un joli tour d’horizon des anecdotes de Saint Euverte et sa Colombe au bûcher des hérésies d’Orléans.

Puis vint des entrailles de la cathédrale et non du ciel la consigne d’arrêter. Nous maintînmes longtemps les cordes en tension le temps qu’avec dix boulons, les appariteurs sous nos pieds puissent serrer les câbles. L’ordre nous fut donné d’arrimer les cordes à deux vénérables piliers de chêne. Ce fut cette opération qui me fut confiée en ma qualité largement usurpé d’expert en nœuds marins moi qui en la matière n’a jamais été très malin. Je m’en tirai du reste de manière très honorable, modifiant et améliorant selon les commentaires avisés de la curie, le système de fixation.

Nous n’avions plus qu’à revenir sur terre, descendre non aux enfers mais dans le chœur de la Cathédrale pour admirer la croix lumineuse trônant en majesté. Avouons-le tout de go, il y avait de l’émotion à admirer le résultat de nos efforts. En ce jour où Charlie Hebdo publiait à nouveau quelques caricatures, j’espère que le Grand Architecte me pardonnera la manière quelque peu cavalière dont j’ai mené ce récit authentique.

Cruciforment sien.


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