Qui sont les véritables INVENTEURS de l’ÉCRITURE ? Les Élamites ? Les Sumériens ? Les Sémites ?

par JPCiron
mercredi 22 avril 2020

Le sujet de la première invention de l'écriture éveille des passions chez certains savants. Passions que l'on ressent à la lecture de leurs analyses pourtant bien techniques.

 

Car derrière la technique et la science, il y a tout un imaginaire qui est à l'oeuvre, structuré par des convictions.

 

Pourtant, des axes de recherche connus pourraient éventuellement remettre en cause ces convictions. Mais ils restent en friche.

 

Cela m'a intrigué.

image = Petit singe sympathique en albâtre – ELAM (Iran) – IIIe millénaire av. JC - (Source : BLOGOSTELLE.BLOG par Maryse MARSAILLY - https://blogostelle.blog/ )

 

Malgré (grâce à ?) la foisonnante variété des personnes humaines, le Génie, comme le Bon Sens, est la chose de tous temps la mieux partagée dans le monde. (*)

Certains ont cependant grandi avec l'idée que les dons, pour quelque motif, ont été et demeurent inégalement répartis dans le monde.

 

Avant de parler de Sumer, rappelons que «  Dès le temps des Serviteurs d' Horus, c'est-à-dire des rois antérieurs à Ménès [< 3188 av. JC] on écrivait sur des rouleaux de cuir des livres religieux. » (25) p. 40

 

Voici le plan de cet Article :

> Revoir les appropriations indues par/pour certains Groupes.

> Petite introduction sur les multiples inventions de l'écriture.

> La ''révolution urbaine'', clef pour l'apparition de l'écriture ?

> A l'origine de l'écriture en Élam et en Sumer : les « calculi »

> Est-il utile de nommer un ''premier'' inventeur de l'écriture ?

> Une gestation précédée d'échanges entre Élam & Sumer.

 

 

>>> Revoir les appropriations indues par/pour certains Groupes.

 

«  L'Europe a toujours gardé mémoire, à travers la tradition biblique, de ses racines orientales (...)  » (9) Certes ! La tradition a recueilli et transmis. Avec modifications, enjolivements, inventions, contradictions, et omissions.

 

Jean BOTTÉRO, spécialiste du Moyen-Orient Antique, mentionne l'attitude de certains érudits, farouches partisans des Sémites, qui refusent absolument qu'une aussi géniale invention que celle de l'écriture cunéiforme puisse être ôtée à ceux auxquels ils l'avaient déjà attribuée. (3)

 

J'avais d'ailleurs observé que, quand on parle des Sumériens, il semble souvent de bon ton d'y associer les Sémites, d'une manière ou d'une autre. En plaçant par exemple dans un ouvrage sur ''l'Antiquité Orientale'', que « (…) la pensée abstraite des Sémites ouvrait la voie à l'éclosion du sens de la transcendance divine (…). L'homme était parvenu à son âge adulte, symbolisé par l'Adam biblique, enfin capable de distinguer le bien du mal (…). » (9) Ici, le raccourci implicite Sémites = Hébreux est dans le bon ton.

 

Associons donc nos ancêtres à nos présumées qualités exceptionnelles ! En rappelant que le Proto-Sémitique est originaire d'Afrique : il s'est largement étendu au Moyen Orient, à la fin du Néolithique, au tournant des Ve et IVe millénaires avant JC. (17) En effet, les travaux de Béatrix MIDANT-REYNES montrent qu' après bien des millénaires de conditions écologiques favorables au Sahara (dont les céramiques ont précédé d'un millénaire celles du Proche-Orient), l'aridification progressive a repoussé ses populations, aux VIIe et VIe millénaires, vers la vallée du Nil, où ils se sont installés et d'où ils ont essaimé. Des influences égyptiennes notables ont été d'ailleurs observées en Palestine, étalées sur plusieurs siècles, aux environs de 4000 avant JC. (18)

 

Plus tard, la branche de la langue Akkadienne (Sémitique Oriental) sera représentée par le Babylonien et l'Assyrien, tandis que la branche du Sémitique Occidental produira plusieurs rameaux dont les groupes 'Arabe' et 'Cananéen'. Ce dernier groupe produira, entre autres, l'Hébreu. (17a)

 

Les différentes populations Sémites des premières civilisations étaient nombreuses, variées, et s'étendaient géographiquement de l'actuelle Éthiopie à Oman, à l'Euphrate et à la Palestine. (16) Toutes ces populations de langues sémitiques, sédentaires ou nomades, étaient alors polythéistes, avec entre elles de fort différents « paniers » de dieux.

Par ailleurs, le monothéisme des Israélites n'est apparu que très progressivement et fort tardivement après une phase de monolâtrie (au IVe ou IIIe siècle avant JC) (26) , bien après le quasi-monothéisme/ panthéisme Égyptien qui a précédé le Monothéisme strict d' Akhénaton (XIVe siècle avant JC) ; et aussi bien des siècles après le monothéisme originel de Zoroastre (vers Xe siècle avant JC). Les Égyptiens & Perses Anciens ayant, les premiers, structuré leurs Croyances sur la recherche du bien et le rejet du mal. (19)

 

Pour la période ''sensible'' du tournant des IVe et IIIe millénaires avant JC, en ''Mésopotamie'', Hugo NACCARO souligne de « gros problèmes de datation ». (5) Point que confirme Jean-Louis HUOT qui cite par exemple les règnes d'Hammurabi (en réalité plus tardif d'un siècle) et de Sargon, par rapport aux dates généralement 'admises'. (4)

 

Pour cette raison d'incertitudes de datations, ainsi que pour d'autres, il convient d'essayer d'éviter de se laisser emporter par des visions trop teintées de gloriole.

 

A ce point, je prends l'excuse du Lapis-lazuli, jolie pierre originaire de l’Afghanistan, pour restituer à l'Elam des influences souvent attribuées à la ''Mésopotamie'' sémito-sumérienne, sans mentionner le voisin Elamite.

 

En ces temps anciens, entre la vallée du Nil et un lointain Orient, « [le Lapis-Lazuli] apparaît sous la forme de perles dans de rares tombes sous Nagada I [-3700], puis de manière nettement plus importante à partir de Nagada IIC [-3300], où il essaime dans les sépultures dans toute l'étendue de la vallée. » (18) p. 296-301.

L'auteure décrit aussi les ''routes du Lapis-Lazuli'' qui, d’Afghanistan, traversent l'Elam, convergent vers Suse/ Elam et Tepe Yahia (-3400 à -2500). Ce qui nous livre un indice pour l'origine du surgissement [-2900] en Égypte de motifs traités dans un style élamite typique (rosette – serpents entrelacés – griffon ailé – personnage encadré de deux lions – vaisselle à bec – sceaux-cylindres) (18)

 

 

image = Quelques exemples de l'évolution vers l'écriture cunéiforme Sumérienne, de 3200 av. JC à 1000 av. JC (Source = ANCIENTSCRIPTS.COM - http://ancientscripts.com/sumerian.html )

 

 

>>> Petite introduction sur les multiples inventions de l'écriture.

 

Une vue d'ensemble sur les principales langues écrites connues et sur leur ancienneté ( http ://www.ancientscripts.com/ws_timeline.html ) montre que leur grouillante diversité est partout représentée sur le globe. Les quelques plus anciennes sont souvent nées très loin les unes des autres. Le Génie humain semble donc également réparti. C'est ce que nous confirme John A. HALLORAN : voir en (1) le schéma synthétique des dates estimées des nombreuses premières formes d'écritures du monde, qu'il propose.

 

Aucun système d'écriture n'est supérieur à un autre, car il est lié à la langue qui le supporte. La présence d'un alphabet plutôt que d'idéogrammes ou autres, n'est donc pas un critère. La présence même de l'écriture n'est pas un critère de ''supériorité'', comme l'ont montré certaines cultures florissantes des Andes qui ont développé des villes et même des empires, sans trace d'écriture. (1)

 

« De nos jours, il y a un consensus que l'écriture a été inventée de manière indépendante dans au moins trois endroits : Mésopotamie, Chine, et en Amérique Centrale. De récentes découvertes démontrent que l'écriture a été inventée en Égypte et en Indus indépendamment de la Mésopotamie, bien que leurs liens avec cette dernière ne puisse être écartée » (2) p.250

A ce point, la moindre des choses serait, je pense, de joindre l' Élam  à ce groupe de précurseurs ! Nous verrons bientôt pourquoi. Il est étrange qu'on l'oublie régulièrement. (L'Elam fait partie de l'actuel Iran)

 

image = Évolution de la notation des nombres : via petits éléments insérées dans les calculi (3000 av. JC) aux notations sur tablettes d'argile (2500 av. JC) - (Source = ANCIENTSCRIPTS.COM - http://ancientscripts.com/sumerian.html )

 

>>> La ''révolution urbaine'', clef pour l'apparition de l'écriture ?

 

Au III ième millénaire av. JC, Sumer était le lieu d’au moins douze cités-États différentes : Kish, Erech, Ur, Sippar, Akshak, Larak, Nippur, Adab, Umma, Lagash, Bad-tibira, et Larsa.

 

L'intéressant article de Jean-Louis HUOT (4) souligne les « étapes fondamentales » de l'Orient Ancien. Dans ce schéma, parallèlement à l'apparition progressive de l'urbanisation, puis de la ville, naît l'écriture qui permettra à l'État de se structurer.

 

Ce schéma du processus de la « révolution urbaine », documenté par plusieurs auteurs, est celui, mésopotamien, d'Uruk. Ainsi, la complexité liée au volume de population, à la variété des produits, et aux échanges commerciaux (à plus ou moins longue distance) dut être gérée par des systèmes comptables & administratifs de plus en plus sophistiqués pour l'époque.

 

Supposer que le schéma d'Uruk soit un schéma universel est l'hypothèse que bien des auteurs ont implicitement intégrée. Mais Uruk se niche dans une grande plaine alluviale fertile, tandis que l' Élam est principalement perché sur un haut plateau montagneux, riche en minéraux et en bois. A l'élevage pastoral des premiers répondait l'élevage transhumant des seconds.

Aussi, avec la découverte de l'existence d'un autre système d'écriture, le proto-élamite, géographiquement voisin, différent et contemporain de celui de Sumer, ces auteurs ne trouvaient pas en Élam le déroulement analogue attendu en amont de l'apparition de l'écriture. Ce qui les portait à des conclusions probablement hâtives et erronées.

 

L' apport de l'Article de Hugo NACCARO (5) est important. Il montre que l'organisation politique et économique, très différentes en Élam, jointe à une certaine hétérogénéité de populations, rendait impossible l'émergence d'une « entité culturelle proto-élamite » similaire à celle d'Uruk. Le haut Élam avait des dynamiques qui lui étaient propres, tant dans les domaines politiques qu' administratifs et même artistiques (céramiques). Aussi, les éléments d'écriture inventées en Élam répondaient à des problématiques spécifiques. Et l'écriture y constituait une sphère commune qui permettait à des éléments hétérogènes de s'exprimer, de communiquer et d'interagir en Élam.

 

Mais on a bien plus tard découvert que l'on pourrait quand même utiliser le raisonnement du ''fait urbain'' pour l'Elam, si on le souhaitait : pas loin de Suse, au bourg de Chogha Bonut / Susiane (7200 av. JC) des fermiers étaient établis avant les premières céramiques de Susiane. Tout près de là, le bourg de Choga Mish / Susiane (6900 av. JC) présente des pièces comptables (jetons d'argile, puis des tablettes) et des poteries décorées (musiciens). Ici, les pièces trouvées sont antérieures à celles de la période d'Obeid Sumérienne, ainsi qu'aux poteries de Samarra...

 

« Les plus anciennes traces d'écriture apparaissent vers 3300 av. J.-C. sur des tablettes d'argile provenant du Sud de la Mésopotamie (Uruk) et de l'Ouest de l'Iran actuel (Elam). » (6)

 

 

image = Calculi = Bulle-enveloppe et ses jetons de comptabilité. Mis au jour à l'Acropole de Suse/ Elam par Roland de Mecquenem – Photo par Marie-Lan Nguyen ( Wikimedia Commons / CC-BY 2.5 - License Creative Commons Attribution 2.5 Generic ) https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Accountancy_clay_envelope_Louvre_Sb1932.jpg .

 

 

>>> A l'origine de l'écriture en Élam et en Sumer : les « calculi »

 

Qu'est-ce que l'écriture ? On considère généralement que l'écriture est « un système d'intercommunication entre les hommes au moyen de signes visibles conventionnels  » (7)

 

Jean-Jacques GLASSNER résume en une phrase la croyance Sumérienne relative à l'invention de l'écriture ; croyance évoquée dans le récit Sumérien « Enmerkar et le seigneur d'Aratta » : «  si la langue orale est un don des dieux, l'écriture est une création humaine » qui -selon les Sumériens- n'intervint d'ailleurs pas aux origines des temps mais quelque temps ''après le Déluge''. (13)

 

Les premières inscriptions (pictogrammes) reproduisaient des choses observées, et sont donc indépendantes de la langue. Plus tard apparaissent des pictogrammes stylisés (qui peuvent évoluer vers des idéogrammes) et des représentations d'un mot (logogrammes). En Sumer, l'écriture cunéiforme commence à ce second niveau. Au troisième, les phonogrammes sont introduits et complètent la palette.

 

«  La plupart des spécialistes pensent que l'écriture dans son état le plus ancien a un caractère purement comptable. Il s'agit de garder en mémoire divers mouvements de biens : céréales, bétail et industrie dérivée (pain, étoffes de laine, etc.). »

Sur ce sujet, d'utiles informations et explications mathématiques sont disponibles ici : https://www.apmep.fr/IMG/pdf/IREM_Stage_PAF_28-09-2017.pdf

 

Les calculi ont donc été en usage ici ou là au Moyen Orient depuis au moins six millénaires avant JC. Bientôt les sceaux sur jarres apparaissent, avec leurs inscriptions.

 

Voici une bulle-enveloppe de Suse/ Élam et les calculi qu'elle contenait, datée de v. 3300 av. JC : http://classes.bnf.fr/ecritures/grand/e022.htm

 

Les calculi sumériens semblent avoir été plutôt développés dans un système sexagésimal, tandis que les calculi de l'Elam seraient plutôt dans un système décimal. Très vite, les échanges commerciaux Elam-Sumer ont combiné les deux systèmes.

 

Les calculi sont un moyen de représenter concrètement des nombres. Des symboles concrets (bille, cône, bâtonnet,...), petits ou grands, percés ou non, représentaient certaines valeurs spécifiques. Par exemple : 1, 10, 60, 600, 3600, etc. La combinaison de ces symboles permettait de représenter le nombre souhaité. On enfermait ensuite les calculi dans une boule d'argile creuse, on la fermait, et on la marquait d'un sceau.

Plus tard, on a représenté les calculi contenus dans la boule par des signes sur la boule elle-même. Les inscriptions et le sceau permettant de transmettre un message. Les calculi étaient dès lors inutiles quand on sait lire les signes. On a donc aplati les boules d'argile sous forme de tablettes plus commodes pour y graver sceau, symboles numériques, et description de l'objet.

 

« Ces trois premières étapes se sont succédées dans un laps de temps relativement court puisqu'elles sont toutes les trois attestées au même niveau, dans une même pièce, sur un même sol. Leur parfaite contemporanéité est en outre prouvée par le déroulement d'un même cylindre sur une bulle et sur deux tablettes (et sur un scellement fusiforme). » (8) Il s'agissait là du niveau 18 de l'Acropole de Suse/ Elam, daté de la seconde partie du IVème millénaire av. JC. Les niveaux plus anciens, ont aussi livré des éléments intéressants.

A Suse/ Élam, la stratigraphie et les méthodes ont permis des datations plus fiables qu'à Uruk.

 

 

image = Tablette d'argile en écriture proto-élamite (vers 3100 – 2850 av. JC) originaire du pays d’Élam - (Source : BLOGOSTELLE.BLOG par Maryse MARSAILLY - https://blogostelle.blog/ )

 

>>> Le besoin de nommer un ''premier'' inventeur de l'écriture

 

Dans un Article (12) , Dominique CHARPIN souligne que les débuts de l'écriture proto-élamite et celui de l'écriture sumérienne sont contemporains, datés de la seconde moitié du IV ème millénaire av. JC, et que l'écriture proto-élamite « constitue une invention indépendante ».

 

La langue Élamite a connu plusieurs Systèmes d'écriture qui lui étaient propres : Le proto-élamite apparaît à la fin du IV ième millénaire en utilisant les pictogrammes (signes simples ou composés) et les idéogrammes ; et une écriture syllabique.

 

Françoise GRILLOT, experte en grammaire élamite précise : « (…) antérieurement à ces systèmes d'écriture, notons, d'une part, la présence de deux systèmes utilisés sur poteries, qui, dès le Ve millénaire, réalisent la communication, soit à l'aide de marques (incisées ou peintes) presque toujours abstraites, soit à l'aide de figurations symboliques (peintes) plus ou moins stylisées ; d'autre part, l'existence d'un système d'écriture à notation numérale sur bulles, puis sur tablettes, datant du milieu du IVe millénaire. Certains éléments des systèmes représentés sur poteries trouvent leur correspondant graphique, et dans le système à notation numérale, et dans l'écriture proto-élamite. » (14)

 

Le Père SCHEIL, orientaliste faisait justement remarquer qu' «  après avoir constaté dès la plus haute antiquité, l'existence aux pays élamites de plusieurs races et de plusieurs langues, serait-ce merveille d'y trouver un nouveau système d'écriture ? Il est plutôt puéril de vouloir, dans cette partie du monde oriental, ramener toute culture à une source primordiale unique, fût-elle sumérienne, fût-elle sémitique. » (11) … Ou Élamite...

 

 

image = Vase caréné à motif de plumes de Suse/ Élam – vers 4200 – 3800 avant JC - (Source : BLOGOSTELLE.BLOG par Maryse MARSAILLY - https://blogostelle.blog/ )

 

 

>>> Une gestation précédée d'échanges entre Élam & Sumer.

 

Les premières traces d'extraction de métaux en Sud-Est d'Iran remontent à la moitié du Ve millénaire av. JC. Il s'ensuivit rapidement des échanges commerciaux de produits finis (et bruts) avec des contrées tant voisines que lointaines.

Le processus qui mènera finalement à l'écriture est fort long (siècles). Il est associé à l'évolution des technologies de gestion administrative des flux commerciaux et financiers.

 

« L'écriture n'est pas née ex-nihilo, mais s'est développée à partir d'essais plus ou moins réussis (...) » (10) mais, du fait de la nécessité pour ce faire de disposer de la stabilité d'une population autochtone antérieure, «  l'hypothèse de la ''migration'' de Sumériens porteurs de l'écriture risque fort de n'être qu'un mythe moderne. » (9)

Effectivement.

 

Partant de ces mêmes considérations, Samuel Noah KRAMER en est arrivé à imaginer une hypothétique « période pré-sumérienne » (15) L'archéologue considère que cette période connut « une civilisation agraire et villageoise  » et précise « qu 'elle fut apportée en basse Mésopotamie par des immigrants venus du sud-ouest de l'Iran, que l'on a pu identifier grâce à leur poterie peinte, d'une forme caractérisée ».

Quand on dit « sud-ouest de l'Iran », c'est l' Élam...

 

Pierre AMIET rapporte qu'à Suse (Élam), un potentat humain, personnage mythique ''vêtu d'une jupe brodée'' «  apparaît comme une préfiguration du roi sumérien, de sorte qu'il mérite d'être défini comme proto-royal  » et Pierre AMIET présente le roi-prêtre sumérien d'Uruk comme « héritier du potentat proto-royal de Suse I  ». (9)

 

L'ouvrage de Cameron PETRIE (8) apporte des éléments allant à l'encontre de l'idée répandue selon laquelle le plateau iranien (Elam) aurait bénéficié du développement et des innovations de la plaine (Sumer/ Uruk).

Il note que l'imagerie des sceaux (cylindres ou tampons) est liée à la complexité des pratiques administratives, laquelle s'amplifie notoirement en Élam à partir du début du IVe millénaire.

Les premières empreintes attestées de sceaux cylindres ont été de Suse/ Élam (Acropole 1.20). Les sceaux s'y développèrent grandement en diversité et en nombre, bien avant d'apparaître en Sumer/ Uruk. L'inverse nétant pas vrai. Ainsi, tous les thèmes d'Uruk étaient déjà pratiqués à Suse, tandis qu'aucun thème d'Uruk n'a migré sur Suse. Certains thèmes sont restés spécifiques à Suse/ Élam (ours, oiseau à tête de lion,...)

 

Dès lors, vu les incertitudes de datation sur la zone sumérienne d'Uruk (4) (5) et vu les datations plus fiables dans le site élamite de Suse (8), et sachant que les Élamites étaient une population autochtone présente antérieurement en Élam, pourquoi donc l'hypothèse d'une légère avance des Élamites n'a-telle pas été mise en avant pour considérer les Élamites ''possibles premiers inventeurs de l'écriture '' ? … Et en tout cas contributeurs dans la phase initiale de l'invention Sumérienne de l'écriture cunéiforme ?

 

Certains groupes de langues Sémitiques et Indo-européennes ayant plus tard contribué à la diffusion de cette écriture cunéiforme, invention Sumérienne géniale.

 

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On l'a dit : l' Élam a aussi, de son côté, développé son propre système d'écriture.

On suppose généralement que le système d'écriture Élamite est apparu indépendamment, à la même époque que le cunéiforme Sumérien, dans la contrée voisine de Sumer.

Est-ce une coïncidence ? Cameron PETRIE observe que cette question n'a pas été jusqu'à présent approfondie sur le terrain. (d'autant que l' Élamite ancien n'a pas pu être complètement déchiffré, et reste en partie incompréhensible.)

 

Cependant, sur la période pré-Sumérienne de l'écriture, tant les considérations d'AMIET que celles de PETRIE, que celles de KRAMER indiquent que l' Élam a montré avoir été précurseur par rapport à Sumer dans plusieurs domaines considérés essentiels dans le processus d'apparition de l'écriture.

Certains disent clairement : « L’Élam est une des plus anciennes civilisations enregistrées dans le monde. » (20)

 

L'archéologue Youssef MADJIDZADEH, quant à lui, explique que les objets attribués au site de Jiroft (Iran), qu'il présente dans son ouvrage (21), suggèrent clairement qu'une partie importante de l'art Sumérien provient du Sud-Ouest de l'Iran. Et que l'examen des objets récupérés nous amène à revoir nos analyses sur les origines de la civilisation Mésopotamienne, mais surtout de celle Sumérienne.

Ces objets étaient souvent en chlorite. Jean-Louis HUOT souligne que « Lorsqu'ils furent retrouvés sur le sol mésopotamien, on les crut fabriqués sur place mais la source devait être recherchée beaucoup plus à l'est et au sud. On en a retrouvé (…) depuis Mari (…) jusqu'à la vallée de l'Indus, en passant par Sumer [Sippar, Kish, Fara, Nippur, Tello, Ur, Uruk, Diyala], le sud et l'est de l'Iran, la Baluchistan et la rive arabique du golfe.  » (23) p. 133

 

Le point fondamental est que la civilisation Sumérienne pourrait s'être bâtie sur une (ou plusieurs) civilisation(s) voisine(s), plus évoluée(s).

A ce propos, mais vu sous un autre angle, l’Égyptologue Alain ANSELIN notait que « l'écriture sumérienne ne convenait pas aux phonèmes du sumérien, ce qui suppose sa coupe sur un autre patron linguistique. » (…) « L'Elam paraît aux hautes époques, avoir fourni son substrat à Sumer » Il suggérait donc que les Sumériens, utilisateurs de cette écriture, pourraient en être les héritiers, et non les inventeurs. (24)

 

En (22), une synthèse est proposée sur le sujet du nouveau site archéologique de Jiroft/Iran.

On attend donc avec impatience le résultat des fouilles...

 

 

JPCiron

 :: :: :: :: :: :: :: :: NOTES :: :: :: :: :: :: :: :

 

.. (*) - « Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée : car chacun pense en être si bien pourvu que ceux même qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose n’ont point coutume d’en désirer plus qu’ils en ont. » Discours de la Méthode - Descartes

 

..... (1) – Site AncientScripts.com – par John A. HALLORAN, 'une pointure' en informatique, passionné par la linguistique. http://www.ancientscripts.com/author.html#

 

Petite présentation des premières formes identifiées d'écriture :

 

Les écrits sur des 'os d'oracles' Chinois remontent à 1500 BCE. http://www.ancientscripts.com/chinese.html

 

Le premier alphabet proto-Cananéen/ proto-Sinaïtique ( vers 1900 BCE ) est consonantique et a inventé l'ordre des lettres qui a été conservée jusqu'à nos jours. Cette culture Sémitique a largement influencé ses consoeurs voisines, en particulier dans les domaines religieux. http://www.ancientscripts.com/protosinaitic.html

 

Le "Quipu" d'Amérique du Sud est apparu vers 2600 BCE. Il exprime des logogrammes et des phonogrammes. http://www.ancientscripts.com/quipu.html

 

La Civilisation de la Vallée de l'Indus (Harappa) recèle des écrits de langue non encore déchiffrés, mais dont la structure suggère une origine dravidienne. Les premiers remontent à 2600 BCE. http://www.ancientscripts.com/indus.html

 

L'écriture cunéiforme Sumérienne ( 3300 BCE) a connu un beau succès. Elle a ainsi été utilisée pour écrire nombre d'autres langues du Moyen Orient : Sémitiques (Akkadien,...), Indo-Européennes (Hittite,...), Langues isolées (Élamite, ...). Le Sumérien est une langue agglutinante isolée non liée à l'Elamite voisin. http://www.ancientscripts.com/sumerian.html

 

L'Élamite est différent du cunéiforme Sumérien, et il est au moins aussi ancien ( 3300 BCE ). http://www.ancientscripts.com/elamite.html C'est aussi une langue agglutinante isolée, également de très probable origine Dravidienne.

 

Les premiers écrits de l’Égypte Ancienne sont généralement datés d'autour de 3100 BCE. Cependant, les écrits et les sceaux d'Abydos remontent jusqu'à 3400 BCE. http://www.ancientscripts.com/egyptian.html

 

.. (2) - Ouvrage (Volume IV )«  Harappan Civilization – Theoretical and the Abstract » par Mukhtar AHMED – Publisher CreateSpace - 2014

https://www.amazon.co.uk/Ancient-Pakistan-Archaeological-Civilization-Theoretical/dp/1496082087

 

.. (3) – Ouvrage « La plus vieille religion » par Jean BOTTERO – Gallimard – 1998

 

.. (4) - Article « Vers l'apparition de l'État en Mésopotamie » par Jean-Louis HUOT - Dans Annales. Histoire, Sciences Sociales 2005/5 (60e année), pages 953 à 973 - https://www.cairn.info/revue-annales-2005-5-page-953.htm

 

..... (5) – Article « Le phénomène Proto-Élamite et la construction archéologique de la révolution proto-urbaine en Iran du Sud-Ouest » par Hugo NACCARO – Université Paris 1, Panthéon-Sorbonne – 2017 - https://books.openedition.org/psorbonne/6733?lang=fr

 

.. (6) – Article « Mathématiques en Mésopotamie, de Sumer à Babylone. » par André BONNET – Université de Provence - Institut de Recherche pour l'Enseignement des Mathématiques – 2017 - https://www.apmep.fr/IMG/pdf/IREM_Stage_PAF_28-09-2017.pdf

 

.. (7) – Essai « Pour une théorie de l'écriture » par Ignace J. GELB – Flammarion - 1973

 

.. (8) – Ouvrage « Ancient Iran & its neighbours : Local Developments and Long-Range Interactions in the 4th Millenium BC  » Edited by Cameron A. PETRIE – Published by Oxbow Books – 2013

https://www.bookdepository.com/Ancient-Iran-Its-Neighbours-Cameron-Petrie/9781782972273

 

.. (9) – Ouvrage «  L'Antiquité Orientale » par Pierre AMIET – PUF - 1971

 

.. (10) – Ouvrage « Les premières Civilisations du Proche Orient » par Francis JOANNES – Belin – 2006

 

..... (11) – Article « Documents archaïques en écriture proto-Élamite  » par le Père Jean-Vincent SCHEIL - Dominicain et Orientaliste - Revue Biblique (1892-1940) Nouvelle série, Vol. 2, No. 3 (JUILLET 1905), pp. 372-376 - https://www.jstor.org/stable/44100878?seq=1

 

.. (12) - Article « L’Élam et les Élamites » par Dominique CHARPIN, directeur d'études à l'EPHE, Sorbonne – Clio – 2002 - https://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/l_elam_et_les_elamites.asp

 

.. (13) – Ouvrage «  Écrire à Sumer – L'invention de l'écriture  » par Jean-Jacques GLASSNER – Seuil - 2000

http://www.seuil.com/ouvrage/ecrire-a-sumer-jean-jacques-glassner/9782020385060

 

..... (14) – Article «  Éléments de l'ancienne structure nominale élamite.  » par GRILLOT Françoise. In : Paléorient, 1985, vol. 11, n°2. Actes du séminaire CNRS/NSF de Bellevaux (24-29 juin 1985) : L'évolution des sociétés complexes du sud-ouest de l'Iran. pp. 55-56 ;

doi : https://doi.org/10.3406/paleo.1985.4378 https://www.persee.fr/doc/paleo_0153-9345_1985_num_11_2_4378

 

.. (15) - Ouvrage « L'histoire commence à Sumer  » par Samuel Noah KRAMER – Flammarion - 2017

 

..... (16) – Définition de « Sémite » (Littré) = « Nom de peuples asiatiques ou africains qu'on rattache, d'après la Bible, à Sem, comme à leur auteur. Les Sémites comprennent les peuples qui parlèrent ou qui parlent babylonien, chaldéen, phénicien, hébreu, samaritain, syriaque, arabe et éthiopien.  »

 

.. (17) – Langues Sémitiques - https://fr.wikipedia.org/wiki/Langues_s%C3%A9mitiques (17a : https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Arbre_des_langues_sémitiques2.svg )

 

.. (18) - Ouvrage « Aux Origines de l’Égypte, Du Néolithique à l'émergence de l’État » par Béatrix MIDANT-REYNES – Fayard – 2003

Mention y est faite d'afflux de populations entre 4300 et 3700 en vallée du Jourdain, dont les traditions sont en rupture nette avec les groupes précédents. La structure des habitations y évoquent clairement l'Égypte (Maadi). Il en est de même des statuettes variées qui y ont été trouvées (de style Badari et Nagada I). (p. 279 à 295)

 

.. (19) - Références sur thèmes « antériorité » et « le bien et le mal »

 

Zoroastre : Son credo et son eschatologie (de la Genèse au Royaume de Dieu)

https://www.agoravox.fr/actualites/religions/article/zoroastre-son-credo-et-son-210639

 

Zoroastre : Sa révolution théologique

https://www.agoravox.fr/actualites/religions/article/zoroastre-sa-revolution-210455

 

Zoroastre : Une antériorité bien dérangeante

https://www.agoravox.fr/actualites/religions/article/zoroastre-une-anteriorite-bien-211845

 

La Création : les deux récits du Pentateuque témoignent de nos lointaines Racines : Égypte Antique, Babylone, Perse.

https://www.agoravox.fr/actualites/religions/article/la-creation-les-deux-recits-du-210306

 

.. (20) – Article «  La civilisation Élamite – Période Proto-Élamite – v. 3200 à v. 2700  » par ANTIKFOREVER - http://antikforever.com/Perse/Elam/elam.htm

 

..... (21) – Ouvrage «  Jiroft : The Earliest Oriental Civilization  » par Youssef MADJIDRADEH - Ministry of Culture and Islamic Guidance - 2003

 

.. (22) – Petite présentation du Site de Jiroft / Iran.

 

Note d'Information PERROT – MADJIDZADEH de 2004 :

https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_2004_num_148_3_22768

 

Document Wikipedia sur la Civilisation de Jiroft :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Civilisation_de_Jiroft

 

Suite à un changement de cours de la rivière qui a découvert d'antiques tombes, les pillards y ont récupéré des objets que l'on a retrouvé dans les salles de ventes du monde (parmi des contrefaçons, aussi). Les objets étaient souvent en chlorite, dont beaucoup de vases. On ne savait pas précisément d'où venaient ces pièces, ce qui n'a pas stoppé les ventes... En 2001, alertées, les autorités iraniennes envoient l'armée sur place, et le pillage est puni de la peine de mort.

 

On considère que cette cette civilisation était déjà présente au IV ième millénaire. Certains la considèrent Elamite, d'autre pensent qu'elle correspond à un autre des peuples du plateau iranien.

 

Il y en fait une cinquantaine de sites archéologiques dans la région de l'actuelle ville de Jiroft. Le principal est Konar Sandal (site de plusieurs centaines d'hectares), situé au carrefour des routes du lapis-lazuli d'Afghanistan, de la Bactriane, de l'Elam, de l'Indus, de la Mésopotamie, et de l'accès au Golfe Persique via Tepe Yahya, vers l'Arabie et la haute Égypte.

 

A Konar Sandal, deux plateformes cultuelles -et/ou palais- spectaculaires en terrasse (datées initialement de 2900 à 2600 av. JC, de 280m et de 350m de côté, hautes respectivement de 17m et de 21m) évoquent les futures ziggurat de Mésopotamie dont la plus ancienne était celle d'Ur-Nammu, datée fin du III e millénaire.

 

On a retrouvé aussi des sceaux-cylindres présentant une grande variété et d'originalité de motifs. Ce qui témoigne d'une gestion administrative développée.

 

Des représentations d' hommes-scorpions ont été représentés, motif que l'on trouvera plus tard en Mésopotamie.

 

Intéressante est la présence de décors représentant ensemble serpent et aigle. Qui évoque irrésistiblement le Mythe mésopotamien d'Etana (vers 2500 av. JC ?) dans lequel l'aigle et le serpent se lient d'amitié (selon traduction Gabriele Rossi-Osmida)

image = Homme-scorpion (Iran) - https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Brettspiel_aus_Iran,_Dschiroft,_Keramik,_2900-2300_v.C._(2).jpg

Crédit : NearEMPTiness / CC BY-SA (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0)

.. (23) – Ouvrage « Une Archéologie des peuples du Proche-Orient , Tome I, Des premiers villageois aux peuples des cités-États (Xe – IIIe millénaire avant JC)  » par Jean-Louis HUOT – Ed. Errances – 2004

.. (24) – Ouvrage « Le Mythe d'Europe, de l'Indus à la Crète » par Alain ANSELIN – Anthropos – 1982 -

.. (25) - Ouvrage «  La Civilisation de Égypte Pharaonique  » par François DAUMAS – Arthaud – 1965

.. (26) – Ouvrage « L' invention de Dieu » par Thomas RÖMER – Seuil - 2017

« On ne peut parler de juif ou de judaïsme avant l'époque perse,voire avant l'époque hellénistique, car c'est seulement vers le IV ième ou III ième siècle [avant JC] que se met en place un système religieux qui ressemble à ce que l'on désigne aujourd'hui sous le nom de judaïsme. » p. 20

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