Rencontres au fil de Loire
par C’est Nabum
vendredi 27 décembre 2013
Le bonheur du partage.
Chouzé la ligérienne.
Nous venons de vivre une belle fête dédiée à la Loire, bien loin des fastes d'un Festival qui m'a tourné le dos. Ici, tout était simplicité et authenticité. Nul ne songeait à y marquer son territoire, à y gagner quelques avantages ou à s'imposer comme le maître des eaux. La Loire n'a pas besoin des fats et des prétentieux qui peuplent les quais enrubannés. À Chouzé, c'est la simplicité qui honore la rivière lumière …
C'est une fois encore, à l'initiative opiniâtre de Jean-Michel et Michèle, que les amis du musée se sont mobilisés pour faire de ce dernier rendez-vous de l'année, juste avant les fêtes, un moment merveilleux . Des bénévoles n'ont compté ni leur temps ni leur énergie pour recevoir les mariniers et les curieux, les intervenants, les exposants et ceux qui se sont fait passer pour des artistes : les furieux du groupe « La Bou Sol » ….
J'ai oublié les contrariétés d'un Festival maudit pour enfin laisser libre cours à mes histoires de Loire. Ici, point n'est besoin de faire allégeance au Prince ni de porter un badge pour franchir le service d'ordre patibulaire. Ici, il suffit d'aimer la Loire pour avoir sa place sans devoir justifier d'un titre, d'une réputation ou d'une déclaration de vassalité. Chacun peut apporter sa fantaisie, sa conception et ses humeurs.
En compagnie de mes compères de La Bou Sol, nous avons tenu la scène plus de trois heures entre chansons et histoires, fables et farces, poésie et chants traditionnels. Ce fut un moment merveilleux car pour la première fois, nous proposions un spectacle complet destiné à un public qui ne venait que pour cela. Ce don que nous firent les quelques deux cents spectateurs fut le plus beau des cadeaux et je tiens à les remercier ici …
Puis, les lampions éteints, les tables furent dressées et le partage s'organisa pour un repas à la bonne franquette, loin des grimaces des gueuletons officiels. Allant de table en table, je pouvais encore prolonger le plaisir du moment précédent, échanger avec ceux qui avaient subi mes facéties sans pouvoir y répondre. Beau moment, sans fard ni courbettes, la sincérité et la franchise étaient au menu.
Le lendemain, la fête se poursuivit. Toujours entre échanges et surprises, savoir et folie. Les uns apportant leur connaissance encyclopédique de l'histoire de la marine de Loire, d'autres leurs interprétations artistiques autour des beautés de notre rivière. Battoirs sculptés, tableaux et photographies enchantaient les visiteurs. Conférences et discussions pour ceux qui voulaient s'instruire tandis que les bateaux offraient le bonheur de la navigation à ceux qui en découvraient le frisson !
Bien sûr, une fête en pays viticole ne se déroule pas sans une intronisation ; l'impétrant du moment étant justement votre serviteur. J'avoue mon peu de goût pour ce genre de cérémonie. Je dois reconnaître toutefois, qu'au pays de Rabelais, le grand maître de la confrérie de la Dive Bouteille de Bourgueil et de Saint Nicolas accepta avec bonne humeur les grimaces du futur chevalier.
Poèmes et chansons, discours improbables et postures pendables ne rebutèrent pas les dignes représentants de la confrérie. Bien au contraire, ils se prêtèrent à ce jeu inhabituel, démontrant ainsi leur attachement à l'esprit du Grand François. Je les en remercie vraiment d'autant que le discours du Grand maître fut d'une tenue que je ne renierais pas.
La suite de la fête fut du même tonneau. L'ami Denis vint, en fin de soirée, nous proposer ses facéties et ses interprétations de mes chansons. Troubadour magnifique, il lui faut quelques minutes pour trouver une mélodie sommaire et entrer dans le texte. Il nous régala de sa faconde avec quelques histoires de son cru et l'une de mes fables qu'il transforma à sa sauce. Quel bonheur d'être ainsi pastiché ! …
Puis il fallut se résoudre à quitter nos amis de Chouzé. Mes nouvelles responsabilité vis-à -vis du merveilleux vin de Bourgueuil me poussèrent à franchir la porte du chai le plus proche de la Loire. Ce qui ne devait être qu'une visite commerciale devint un moment unique qui dura toute la matinée. J'avais devant moi l'un des derniers acteurs de la navigation ligérienne, Monsieur Séjourné qui se montra , ainsi que son épouse, intarissable sur l'histoire de cette navigation. En effet , jusqu'en 1982, la famille Séjourné vivait de et sur la Loire. Mais je ne veux pas galvauder cette formidable mémoire vivante. Promesse a été faite de revenir avec un enregistreur pour recueillir leurs souvenirs, leurs anecdotes et tous ces mots que nous entendions pour la première fois.
Ce fut un moment si beau que je ne veux pas vous livrer un billet incomplet, un récit trop hâtif de ce témoignage magnifique, épique, historique et vivant à la fois. Monsieur Séjourné, en petite forme physique, revivait au fil de son récit. Nous voyions le visage de cet homme vénérable s'illuminer à chaque nouvelle anecdote. J'espère vraiment pouvoir vous faire partager un jour prochain ce bonheur incomparable de l'histoire vivante...
Les rencontres au fil de Loire étaient terminées. Il fallait se résoudre à rentrer en Orléans. Nous savions que nous quittions le véritable berceau de la navigation ligérienne. C'est en Anjou que l'amour de notre rivière est le plus fort, le plus présent encore. Il y a des bateaux sur l'eau, des anciens qui se souviennent, une mémoire qui ne demande qu'à être entretenue. Deux cents kilomètres plus loin, tout s'est figé dans les livres d'histoire, le temps a « sédimentarisé » la mémoire et notre rapport à la rivière est essentiellement virtuel. La belle leçon d'humilité que voilà et qu'il me fallait rapporter ainsi dans la ville qui se prétend Capitale Ligérienne …
Humblement leur.
Merci à tous mes amis photographes
à bientôt ...