Restauration rapide

par C’est Nabum
jeudi 17 avril 2014

Ces mots qui me restent sur l'estomac !

L'oxymore indigeste …

Notre gastronomie élevée au rang de patrimoine mondial de l'humanité, la chose pourrait prêter à se réjouir, à se lécher les babines si nous ne laissions pas dans le même temps, envahir nos villes et désormais nos villages, par les succursales de la mal-bouffe et du mauvais goût réunis. Mais contre les tendances lourdes de notre civilisation de l'inconséquence, nous ne pouvons guère que sortir nos mouchoirs et avaler notre salive.

Par contre, il me semble que nous pouvons, pendant quelque temps encore, réguler les termes qui s'affichent en néons lumineux sur les devantures de ces estaminets sordides. La langue, est, il me semble, tout à fait impliquée dans la pratique gustative et nous ne devrions pas prendre à la légère les termes mensongers qui attirent le chaland, passant rapidement au rang de pigeon ou bien de gogo.

« Restauration » ne peut se satisfaire de ce « rapide » qui d'ailleurs relève de l'information mensongère. Taillons déjà une croupière à cet adjectif prétentieux et quelque peu présomptueux. Rapide fleure bon la vitesse si prisée de nos jours ; il n'indique pas à quel point celle-ci est parfaitement déplacée en la matière . Nous pourrions lui préférer « expéditive » qui exprime bien mieux la dimension bâclée et désordonnée de l'exercice en question.

Quant à ce mot de « restauration », il trompe lourdement son monde. Personne ne souhaite se restaurer en ces officines de la honte alimentaire et de la tromperie digestive. Ce terme gustatif implique du soin et du respect envers le produit tout autant qu'envers sa préparation, il n'a donc aucune relation vraiment avec les pratiques réelles de ces gibets à saveurs et à gourmandises.

Nous devrions exiger du législateur qu'il impose la vérité en termes explicites. Nous pourrions accepter un « Nourrissage expéditif » qui sous-tend que l'activité en question tient plus de l'alimentation du bétail-fût-il humain-de l'élevage en batterie des incultes du palais, des bêtes poussées à la graisse et au sucre.

Voilà qui indiquerait clairement que tous ces lieux immondes n'ont pas leur place dans le panthéon national de la bonne table et de la tradition culinaire. Les exploitants seraient alors considérés comme des engraisseurs humains, des facilitateurs d'obésité chronique, des porte-flingue de l'infarctus du myocarde !

Comme pour le tabac, une mention complémentaire pourrait signaler aux consommateurs enfin éclairés, qu'ils mettent gravement leur santé en danger avec des pratiques suicidaires et indigestes. Un avertissement discret viendrait souligner le message alléchant : « Nourrissage expéditif ! Attention, ceci tue à petit feu plus sûrement que nos merveilleux plats mitonnés ... »

Vous pouvez apprécier le potentiel d'une telle mesure. Non seulement, les fabricants de néons et d'enseignes verraient leurs carnets de commandes considérablement gonfler mais en outre, nous cesserions de tromper le touriste étranger qui vient chercher dans notre pays des plaisirs raffinés et élaborés et qui ne trouve que l'expédient honteux et sans aucune subtilité.

Oui, défendons enfin comme il se doit les restaurateurs, les vrais : ceux qui refusent la facilité, qui préparent avec amour leurs produits, qui battent froid aux denrées congelées et qui font honneur à notre héritage ancestral. Les mots ont une importance et, à force de galvauder les termes qui font la gloire de notre culture, nous perdons notre âme et nos repères.

Sus à la restauration rapide, fétide et insipide ; vive la gastronomie sans tromperies ni entourloupes ! Que les maux d'estomac désertent définitivement notre table ; chassons les falsificateurs de la vérité ! La restauration est un patrimoine national et nul margoulin ne devrait s'en réclamer ; à plus forte raison l'infâme canard américain et tous ses avatars honteux.

Gastronomiquement leur.


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