Sur la paille

par C’est Nabum
mardi 4 février 2014

Une poutre dans l'œil !

L'émoi son …

Il est une menace qui pèse sur nous, un repoussoir immonde, une perspective monstrueuse quand la prophétie claque comme un coup de fouet donné par un charretier impitoyable : « Tu finiras sur la paille ! » Étrange perspective qui devrait nous contraindre à l'effort et au travail, l'angoisse de la déchéance devant supplanter le plaisir de l'hédonisme.

Pourtant, à bien y réfléchir, qu'il est agréable de s'endormir sur cette paille, après quelques culbutes joyeuses ou bien coquines ! Elle a laissé des souvenirs dans les cheveux, elle gratte un peu tout en se faisant douce litière pour un sommeil bienheureux. Hélas, le temps n'est plus aux petits ballots rectangulaires et encore moins aux gerbiers si accueillants dans lesquels se perdirent bien des vertus rurales. Et je n'ose évoquer les turpitudes sensuelles des superbes meules tumescentes.

Ceux qui affirment ainsi la fin du monde en menaçant de la sorte leurs pauvres contemporains, ne voient pas la paille qu'ils ont dans l'œil. Ils considèrent que seule l'opulence financière est la source du bonheur. Je crois, bien au contraire, que le bon grain se soucie peu de cette marque dérisoire de notre folle avidité.

Être sur la paille ou bien l'avoir dans la bouche pour aspirer à un avenir plus serein. Voilà plus douce perspective. Ne faites pas autant de foin pour cette richesse illusoire, seule la vie simple dans les petits brins de paille, nous rendra cette naïveté qui nous manque tant. Aujourd'hui, il faut engranger, entasser toujours plus. Étrange confusion des mots, autrefois c'est la paille qui devait subir ce traitement pour passer l'hiver à l'abri …

De plus affreux encore ont prétendu que l'on pouvait gratter du soir au matin en passant la paille de fer ou en s'exténuant au travail. Quelle horreur … Jamais autrefois il ne serait venu à l'idée d'un sage de comparer la tige du blé à une surface irritante et urticante. Les expressions se moquent parfois de la réalité ; elles veulent imposer la dureté de l'image à la paisible réalité de celui qui fait benoîtement sa sieste à deux pas de l'étable.

Mais j'ai les doigts qui fourchent et je ne sais où me mènent ces petits tas qu'on nomme andains. Un si joli nom pour une belle chose destinée à subir la gourmandise de machines agricoles qui en feront d'énormes balles rondes qu'on ne peut plus prendre au bond. Il faut tout mécaniser de nos jours et nul ne peut plus porter sa botte sur le dos.

Je voulais donner un coup de chapeau à cette paille qui n'est pas si repoussante qu'on veut bien nous le faire croire. Au lieu de quoi je me perds en l'ivraie, dans les dédales de la langue. Il est vrai que je ne suis qu'un homme de paille, un pauvre paillasson sur lequel viendront s'indigner les gens sérieux et opulents. C'est la faillite et je risque de me retrouver au chaumage ....

Mes idées vont et viennent comme fétus de paille. Je m'égare dans ce billet qui n'a été qu'un pauvre feu de paille, une belle idée vite épuisée, fauchée par la réalité et les complexités du langage. J'avais tiré à la courte paille cette expression gentillette, pensant pouvoir, dans mon orgueil qui monte en graine, en nourrir votre curiosité et mon moulin à paroles. Au lieu de quoi je dois m'écraser et finir cette histoire le nez dans la farine.

Ainsi va la vie de celui qui plante sans savoir jamais ce qu'il va récolter. Assis sur ma pauvre chaise de paille, je devrai à la postérité d'écraser ce médiocre document. La paille ne brillera pas au soleil, l'épi est bien maigre et le propos ne fera pas grand foin. Je ne suis qu'un âne qui doit se contenter de son.

Ça fait une paille que j'aurais dû glisser le point final à ce récit en jachère sans tige ni épi. Je sais que certains me passeront au crible pour avoir commis cette pauvre histoire ; ils trouveront sans doute quelque chose à se mettre sous la dent, à moins qu'ils ne décident d'empailler ce pauvre prosateur. Je vous laisse sur votre faim et m'offre un bon petit vin de paille !

Paillettement vôtre


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