Synsepalum dulcificum : la baie qui vous fera téter du Tabasco(tm)
par Taupo
mardi 1er septembre 2009
On entre alors dans la partie conspirationniste de l’épopée de la Miraculine. En effet, cette molécule est une glycoprotéine non assimilable et dont l’action requiert une très faible concentration : en d’autres termes, sans apports caloriques, la Miraculine peut donner l’illusion qu’un aliment peu sucré l’est véritablement. L’action de la miraculine n’est pas encore comprise en détail, mais il semble qu’elle modifie la conformation des récepteurs spécifiques au sucres qui sont présents à la surface des cellules de nos papilles gustatives. Modifiés, ces récepteurs deviennent alors sensibles aux molécules conférant un goût amer ou acide, tant et si bien qu’une lampée de bière Guiness vous semblera être une gorgée de Milkshake au chocolat. Vous pouvez imaginer l’impact de l’utilisation d’une telle molécule pour aider les patients diabétiques, contribuer à la lutte contre l’obésité... ou également son impact sur l’économie basée sur le sucre ! Après son isolation au début des années 70, il y eut une tentative de commercialisation de la Miraculine en tant que substitut alimentaire, mais l’administration américaine des denrées alimentaires et des médicaments (FDA) classa la molécule comme potentiellement dangereuse, réclamant une batterie de tests qui retarderait sa sortie de plusieurs années (et malgré le fait que l’utilisation largement documentée de la baie par les tribus d’Afrique occidentale depuis de nombreux siècles ne semblaient pas avoir d’effets secondaires dangereux). Cette décision laissa un goût aigre-doux (si je puis dire) aux industriels qui s’étaient lancés dans l’aventure de la miraculine et certains murmurèrent alors qu’il s’agissait d’une décision prise sous la pression du consortium des industriels sucriers. Dans le reste du monde, l’accueil de la miraculine fut assez hétérogène, passant de l’indifférence quasi totale en Europe à un enthousiasme effréné au Japon, où la course à la production massive de cette protéine a donné des OGM peu courants comme une laitue ou des tomates sécrétant de la miraculine (à l’instar de la tomate violette décrite par Vran).
Toujours est-il que la baie, elle, n’est pas proscrite aux états-unis. Difficile à se procurer, certes, mais encore abordable et pouvant être lyophilisée sans ôter ses propriétés : le caractère exotique et controversé de l’histoire du fruit miracle lui valut un regain d’intérêt récent, dans le cadre de soirées organisées autour d’un buffet aux saveurs incertaines grâce aux fameuses baies apportées par un "dealer" (un petit goût d’interdit, il n’en faut pas plus pour émoustiller la curiosité de tout New York...) :
NYTimes.com - Riding a Flavor Trip
Et voila une énième idée de sortie à réaliser une fois arrivé à New York : J-6 avant de me taper une banane à la moutarde !
Liens :
Article Pour ceux qui aiment le Net
Pour participer à une Flavor Tripping Party à New York ou à San Francisco
Pour se fournir en baies miracles, il faut s’adresser à Miracle fruit man !
Références :
Kurihara, K. and L. M. Beidler (1968). "Taste-modifying protein from miracle fruit." Science 161(847) : 1241-3.
Paladino, A., S. Costantini, et al. (2008). "Molecular modelling of miraculin : Structural analyses and functional hypotheses." Biochem Biophys Res Commun 367(1) : 26-32.
Sun, H. J., M. L. Cui, et al. (2006). "Functional expression of the taste-modifying protein, miraculin, in transgenic lettuce." FEBS Lett 580(2) : 620-6.
Sun, H. J., H. Kataoka, et al. (2007). "Genetically stable expression of functional miraculin, a new type of alternative sweetener, in transgenic tomato plants." Plant Biotechnol J 5(6) : 768-77.