Tirer un trait
par C’est Nabum
vendredi 19 avril 2013
et Tourner la page
Le mot de la fin …
Il est curieux que toutes les histoires finissent par s'achever. Histoire d'amour ou d'amitié, de passion ou de profession, un jour ou l'autre arrive le dernier instant. Il faut clore le chapitre, accepter de passer à autre chose, continuer sur un autre chemin. Souvent, nous sommes surpris, pris au dépourvu devant ce rideau qui se ferme, ce dos qui se tourne, cette aventure qui cesse. Parfois, l'échéance est annoncée, elle se dresse, redoutable et inéluctable, au bout du parcours.
Alors il faut nommer ce moment qui casse, ce bond dans l'inconnu, ce plongeon dans le vide. Il y a ainsi des expressions qui effacent ce qui a été et n'est plus. Tirer un trait est de celles-ci. Il faut biffer, étouffer le passé par un ajout qui le dissimule. Il est encore là mais recouvert de ce trait rageur qui veut le faire disparaître. C'est une négation de ce qui a été …
Je lui préfère tourner la page. Elle suppose que l'on change de chapitre, que l'on désire aller de l'avant sans pour autant avoir oublié ce qui a précédé et qui s'inscrit désormais dans votre histoire. Le livre reste ouvert, il s'enrichit d'un nouveau possible tout en conservant ce qui fut et qui désormais est gravé en lettres de mémoire. C'est encore une invitation à rebondir, à continuer vers d'autres horizons.
Le point final est quant à lui bien plus redoutable. Il est vengeur, castrateur, violent et sans issue. Il clos, ferme à tout jamais les portes d'un autre possible. Il se pose comme un coup de poing au cœur. Il rompt, il brise ce qui a été. Il refuse un prolongement, il exclut ce qui vient de s'achever et qui est désormais lettre morte. Il porte en lui rage et rancœur. Il se veut définitif sans jamais envisager son futur.
Écrire un nouveau chapitre m'apparaît comme paradoxal. On le devine tourné vers le futur. On s'interroge sur le scénario. Il semblerait vouloir intégrer les épisodes précédents, ne pas fermer le livre. Mais clairement, c'est un dos tourné à ce qui était auparavant. C'est une autre « Nouvelle » , l'après sera constitué de petites aventures dans lesquelles vous ne souhaitez plus vous investir et non un rebondissement dans l'histoire de votre vie.
Il y a les désespérés qui vont jusqu'au bout de leur désespoir. Ceux-là pratiquent la politique de la terre brûlée. Ils ne veulent pas seulement oublier ce qui a été, il leur faut le détruire, le maudire, l'effacer totalement de leur esprit. Rien ne doit être conservé, il faut éradiquer toute trace de ce qui fut. Ils pensent ainsi pouvoir reconstruire. Sur des cendres, il y a peu de chance que les nouvelles fondations soient solides.
Il y a encore tous les mots qui accompagnent ce passage délicat : rupture, cassure, brisure, séparation, retraite, départ … Ils sont secs, tranchants, douloureux. Ils ne portent guère d'espoir, ils ne laissent que des miettes derrière eux. On devine une ligne qui se coupe, un fil qui se rompt, un équilibre qui se perd. Il n'y a plus d'après et l'avant est tombé dans un précipice.
Toute chose tire à sa fin. Le dictionnaire, optimiste, accepte pour synonyme le terme d'aboutissement comme si tout ce chemin était simplement destiné à cette issue ultime. Aboutir dans une impasse, un cul de sac dont on ne revient pas. Quand on se retourne sur le passé, on ne se retrouve pas pour autant avec son avenir derrière soi. La voie reste étroite et se termine ici.
Il demeure alors le mot de la fin. Il prend souvent bien des habits. Il peut être joueur et vouloir avoir toujours le dernier mot. Il fera des pirouettes ou bien dira des sornettes pour échapper à ce qu'il redoute le plus, le poids terrible du silence. Il peut tout autant se parer des oripeaux du deuil. Il sera définitif, lourd de regrets, morose et sans espoir. C'est l'ultime étape, on touche à sa fin et on ne s'en remettra jamais.
Finalement vôtre.