Tout conte fait !

par C’est Nabum
samedi 26 juin 2021

La formule initiale...

« Il était une fois ». Ne faudrait-il pas revoir de fond en comble cette formule liminaire qui fit jadis la gloire des contes et des légendes. Tout d'abord et en premier lieu si j'ose cette redondance essentielle ce « Il » initial devrait faire bondir les tenants de l'écriture inclusive. Pour l'histoire qui va suivre doit-elle débuter par un pronom masculin ? On pourrait alterner, usant tout à tour du Il ou bien du Elle à moins que la neutralité nous impose la prudence et le On qui parait si peu singulier. Il convient donc de changer pour une formule qui apporte de la complexité dans l'indétermination. « Ce qu'il » est incontestablement la forme idoine tout autant que porteuse de mystère.

Le premier pas franchi, la suite s'avère plus complexe. Ce « Était » ne me dit rien qui vaille. Il nous impose un imparfait qui sonne le glas de tout espoir de trouver ce temps merveilleux. Ce passé définitif ne pousse pas à l'optimisme. Il faudrait lui préférer un passé simple même si la simplicité n'est pas de mise dans le monde mirifique. Le mieux encore serait le plus que parfait à moins que l'on tente de changer de mode en modifiant toute la structure. La chose deviendrait sans doute trop complexe, gardons-nous de nous égarer en chemin.

Peut-on envisager un autre verbe après tout. L'éternel conflit entre être et avoir ne devrait pas pointer le bout de son nez dans cet univers. Un verbe d'état alors que bien souvent nous sommes plongés dans des royaumes, des principautés ou des univers factices serait déplacé. Le conte du reste n'est absolument pas subalterne dans l'histoire de l'humanité, il doit se passer aisément d'un auxiliaire pour lui dérouler le tapis volant. Il convient donc d'aller quérir un verbe qui lui ouvre toutes les portes du possible.

Éliminons d'entrée de jeu ceux du premier groupe, trop communs et d'emploi si aisé que le discoureur ne risque pas de commettre faute de conjugaison. La recherche de la virtuosité impose le troisième groupe avec si possible un bon préfixe pour se différencier d'un radical trop banal. C'est ainsi que « Advenir » a ma préférence tandis que d'autres peuvent lui préférer « survenir ».

Faire l'article apparaît quelque peu déplacé pour le conteur. Surtout que défini, il sonne faux dans cet univers hypothétique. Osons l'article démonstratif, il pointe précisément que le monde virtuel qui s'ouvre devant l'auditeur a toutes les chances de se concrétiser, l'espace d'un récit qui lui fera perdre pied avec sa sordide réalité.

Passons à la formule finale, cette fois qui se multiplie à l'infini des versions. Le mot à l'incontestable défaut de disposer d'homonymes qui créent aisément la confusion. De l'organe à la croyance, de la peur à la ville, le risque est grand de perdre en chemin le pèlerin des mots. Il faut trouver vocable plus fédérateur, échappant à tout risque d'appropriation. Demeurera une fois encore le problème du genre qu'un adverbe, supplantant un nom particulièrement commun, remplacera surtout s'il s'inscrit dans le temps qui passe.

Au bout de cette réflexion essentielle à mes yeux quoique totalement dérisoire pour le commun des mortels, je pense que débuter un conte par « Il était une fois » ne devrait plus être ma manière. J'ai au bout de ce raisonnement particulièrement spécieux, le désir de changer la donne, de m'autoriser nouvelle hérésie. Puis à bien y réfléchir, il est apparu nécessaire de complexifier la chose, de lui ajouter deux prépositions dont l'une fleure bon un lointain mystérieux et mythique.

C'est fort de tout ce raisonnement abracadabrantesque que j'opte pour cette formule, laissant tout loisir à mes collègues de prendre d'autres voies pour entrer en imaginaire.

Ce qu'il advint en cet avant au-delà d'auparavant…

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