Un dimanche entre parenthèses

par C’est Nabum
samedi 20 janvier 2018

Un jour diablement cotonneux.

Il est des jours où rien ne se passe. Vous vous levez sans désir ni envie, sans programme ni obligation. Il vous suffira de flâner, de prendre le temps d’étirer inlassablement cet espace vide qui vous conduira au lundi qui vient. C’est une journée en suspension, un moment entre parenthèses dans la folie d’une vie qui ne fait que courir.

Vous restez au lit, vous avez envie de vous dissoudre sous la couette, de disparaître du monde réel. Le téléphone coupé, la télévision ne saurait constituer une alternative au vide qui se présente à vous, bien au contraire, elle apporterait son lot de malheurs et d’intrusions hostiles qu’il convient de repousser fermement. La musique fera bien mieux l’affaire en alternance avec la lecture et quelques gourmandises.

Chacun pensera ces délices comme il l’entend. Il se peut qu’elles soient gastronomiques pour certains, érotiques pour d’autres. Ceci doit rester dans le secret de cet espace clos qui se ferme hermétiquement aux autres. N’en dites rien, vivez pleinement ce merveilleux moment que vous volez avec délectation.

Ne vous habillez pas, restez ainsi dans cet état de nature qui vous a vu naître. Les oripeaux de la quotidienneté se meurent dans votre désir d’échapper à toutes les contingences. Vous êtes dans une bulle que nulle agression extérieure ne devrait perturber. Coupez les ponts, larguez les amarres sans quitter votre port intime. Vous faites escale chez vous dans la plus grande confidentialité.

Les volets resteront clos. Vous n’êtes là pour personne et même pas pour vous-même. Vous sortez de votre enveloppe charnelle, vous vous dissolvez dans ce jour unique qui se permet encore de refuser la folie d’une société qui voudrait le transformer en jour ordinaire, avec des magasins ouverts, des gens au travail contre leur gré. Le dimanche devrait être inscrit au patrimoine immatériel de l’humanité comme bien inaliénable d’une oisiveté hebdomadaire imprescriptible.

Vous traînassez, vous vous délassez, vous vous étirez, vous vous laissez aller à ne rien faire, vous nous négligez un peu mais qu’importe, puisque nul ne viendra vous débusquer dans votre tanière. Vous avez devant vous des heures sans horloge, des minutes sans contraintes, des secondes sans sonneries ! Vous êtes à l’état primal, lové sous la couette, plongé dans un bain, rêvant devant une boisson chaude qui lentement se refroidit. Vous tournez inlassablement une cuillère qui ne remue rien, vous avez totalement déconnecté.

Vous n’accordez place qu’à vos fonctions primaires. Vous pouvez librement éructer, manger, vous délester des surplus, aimer, dormir, bailler, péter, copuler, jouir, frémir. Personne ne viendra vous juger, vous imposer les conventions d’une existence sous contrôle. Accordez-vous toutes les libertés, tous les écarts, toutes les dérives, ce dimanche est peut-être l’ultime, il convient de le vivre dans l’urgence du dernier jour.

Votre cerveau a rompu tout lien avec son agitation habituelle. Il flotte dans une bienheureuse suspension aqueuse, fait de vous un poisson rouge qui tourne dans son bocal sans se poser la moindre question. Vous avez conquis l’absence, obtenu le silence, gagné l’évanescence, vous êtes en partance sans avoir quitté votre cachette !

C’est le plus précieux des acquis. Le dimanche ne devrait subir aucune dérogation. Il est un trésor que chacun devrait conserver précieusement dans sa tête. Il ne s’agit pas d’en user ainsi à chaque fois, mais c’est si bon parfois de s’octroyer ce droit essentiel de la disparition. Coupez votre écran, partez en ailleurs en suivant les trois points de suspension qui achèveront ma dérisoire divagation. Seul ce que vous ferez en ce moment unique importe, oubliez tout ce que je vous ai dit…

Dominicalement vôtre.

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