Un jeu pas si innocent

par olivier cabanel
mercredi 4 avril 2018

 Qui n’a jamais joué aux cartes... belote, coinche, tarots, rami, poker, bridge, j’en passe et des meilleurs, afin d’égayer les longues soirées d’hiver, sans trop se poser la question du sens caché qu’il pourrait y avoir dans un innocent jeu de 52 cartes ?

En effet, s’il y a 52 cartes dans le jeu, c’est qu’il y a 52 semaines dans l’année...

S’il y a 4 couleurs, c’est qu’il y a 4 saisons...

S’il y a 13 cartes dans chaque couleur, c’est qu’il y a 13 semaines dans chaque saison...

Et s’il y a 12 figures, c’est qu’il y a 12 mois dans l’année, les figures étant le roi, la dame, et le valet dans chaque couleur...

L’origine serait donc l’ancien calendrier lunaire égyptien, (lien) et s’il y a 13 cartes dans chaque couleur, c’est aussi que les égyptiens comptaient 13 mois, le 13ème étant composé uniquement de quelques jours : chaque mois ne comptant que 30 jours, il fallait compléter par un 13ème mois de quelques jours pour arriver aux 365 jours de l’année. lien

Il s’agirait donc d’un calendrier lunaire et agricole...caché dans un innocent jeu de cartes.

La première semaine de chaque saison est la semaine du roi, puis suit la semaine de la reine, du valet, et ainsi de suite jusqu’à la semaine de l’as, laquelle déclenche l’arrivée d’une nouvelle saison, et on recommence avec la couleur suivante, le joker servant pour les années bissextiles.

Le trèfle pourrait représenter le printemps, le cœur, l’été, le carreau, l’automne, et le froid piquant du pique, l’hiver, mais nous verrons plus loin que chaque sigle représente aussi les différentes classes de la société, ainsi que les 4 éléments : le feu, l’eau, la terre et l’air.

Le trèfle ?...il est aussi, d’après la légende, cette plante que St Patrick tentant de convertir le Roi Irlandais, lui expliquant que les 3 feuilles de la plante étaient symboliquement le Père, le Fils, et le Saint-Esprit, ces composantes de la religion chrétienne, fit de cette plante l’emblème du pays.

Le trèfle était aussi pour les druides une plante magique lorsqu’il avait 4 feuilles, ceux-ci étant convaincus qu’il permettait de percevoir la présence des démons. lien

Rappelons qu’en cartomancie, le trèfle est la promesse de l’argent lorsque les arbres fleurissent, promettant de beaux fruits...

Le cœur, ce sont bien sur les sentiments, l’été n’est-il pas la saison des idylles ?

Quant au carreau, il concerne la réussite professionnelle, la récolte des fruits de l’été...et finissons par l’hiver, qui marque la fin des saisons, et peut annoncer des évènements graves, voire sombres, ou en tout cas une période de dormance provisoire...

Quant aux noms des différents personnages, ils ont tous aussi leur histoire...

Pour Trèfle, le roi est Alexandre le Grand, que l’on ne présente plus, la dame de Trèfle est appelée Argine, l’anagramme de Régina, celle qui donna 2 fils à Charlemagne, (lien) le valet fermant la marche n’est autre que Lancelot du Lac, le célèbre chevalier de la Table Ronde.

En Cœur, le gascon La Hire (Etienne de Vignolles) était le compagnon d’arme de Jeanne d’Arc, et on lui prête ces mots : « un pillage sans incendie, c’est comme une andouillette sans moutarde  »...(lien), mais ce n’est pas tout, car d’après certains historiens, c’est lui qui serait à l’origine du jeu de carte.

Pour la petite histoire, tentant de délivrer Jeanne, lorsqu’elle était tombée dans les mains des anglais, il fut capturé à son tour, réussira à s’évader, et se mit à la tête d’une bande de pillards...ce qui explique sa devise contée plus haut.

La reine Judith, est celle qui après avoir séduit et enivré le général Holopherne, envoyé par Nabuchodonosor, l’empereur assyrien, pour punir Israël, lui trancha la tête, donnant la victoire à son peuple (lien), et Charles, fermant la marche, étant bien sur le grand Charlemagne.

En Carreau, le valet Hector est Hector de Galard de Brassac, un autre des compagnons de Jeanne d’Arc, Rachel étant la compagne de Jacob, mais surtout la mère de Joseph, celui qui devenant le bras droit du pharaon, invitera tous les hébreux à venir s’installer en Egypte, avec la fin que l’on connait... et Jules n’était autre que César qui contrairement à la légende ne fut jamais empereur.

Mais le Carreau n’est pas que ça : chez nos voisins outre-manche, il se dit « diamond » (diamant en français), symbole indéniable lié à la valeur, voire la fortune, et en symbolique ésotérique, il est associé à l’élément terre, au matériel, à l’argent, à la propriété, bref, en la richesse... celle que l’on accumule après les fruits de l’été. lien

Pique ferme la marche avec Hogier, un chevalier danois qui s’était opposé en vain aux désirs de conquête de Charlemagne  : il finira ses jours dans un monastère, et la légende veut qu’il renaisse de ses cendres lorsque le Danemark sera en danger, Pallas étant la déesse de la guerre, mais aussi de la sagesse, Athéna, « Pallas Athénée » signifiant « Athéna la sage » et David, celui qui triompha du géant Goliath, grâce à sa célèbre fronde. lien

Pourtant, si l’on remonte un peu plus dans le temps, on découvre que les symboles des 4 couleurs que nous connaissons aujourd’hui étaient différents : il y avait initialement les coupes, les pièces, les épées, et les bâtons, puis il y eut une évolution...

En Suisse par exemple, ce furent les boucliers, les roses, les glands et les grelots, jusqu’à ce que les cartiers français qui se trouvaient à Paris, et à Lyon, décident les symboles actuels, afin de simplifier les dessins, et les couleurs.

Si l’explication des 4 saisons parait la plus plausible, il y eut d’autres théories, comme par exemple celle d’affirmer que le jeu représentait les différentes classes de la société, ainsi que les 4 éléments.

On doit cette théorie à Claude-François Ménestrier, un jésuite du XVIII siècle qui avait considéré que « le jeu de cartes représente un état politique composé de 4 corps : les ecclésiastiques, la noblesse militaire, les bourgeois, et les paysans ».

Trèfle, les paysans, Cœur étant l’église, Carreau, la bourgeoisie, et Pique, la noblesse.

Le Trèfle, auparavant un bâton de polo, puis un bâton de combat, une masse, un gourdin, était la représentation de la classe paysanne, car il faut se souvenir que celle-ci n’avait pas le droit de porter l’épée.

Il est le symbole associé à l’élément feu, mais aussi au travail, à la créativité, et à la sexualité.

Suit le Cœur, appelé aussi la coupe, lequel était le symbole du clergé, de l’église en référence à la coupe évasée, portée sur un pied élevé, qui n’était pas sans rappeler le Saint Graal...il était associé à l’élément eau, aux émotions, à la famille, aux relations, aux cérémonies, et à la spiritualité.

Le Carreau, initialement une pièce de monnaie ronde, un écu, voire un bouclier orné des armories d’un prince, représentait la classe marchande, la bourgeoisie.

Il était associé à l’élément terre, à l’argent, la propriété, voire au commerce.

Le Pique (spade en anglais), est dérivé du mot « spatha », en grec ou en latin, signifiant une épée longue, représentait la noblesse, les chevaliers.

Associé à l’élément Air, le pique serait le symbole de la résolution des problèmes, à la politique, aux lois, au gouvernement, mais aussi à l’intellect, la psychologie, à la paperasse administrative, et aux études. lien

D’autres mystères persistent, notamment sur l’origine des jeux de cartes...alors que certains affirment qu’il faut en créditer la Chine, si l’on veut bien croire Marco Polo, d’autres préfèrent l’hypothèse du Proche-Orient, datant l’origine au 12ème ou 13ème siècle, le Proche-Orient l’ayant emprunté à la Perse, ou à l’Inde.

Par contre on sait que suite à l’engouement suscité par les jeux de cartes, l’église s’en est inquiétée, jusqu’à organiser des autodafés de jeux...ce qui est paradoxal, si l’on prend connaissance d’une anecdote amusante, celle contée par un soldat breton, nommé Pipi Talduff, lequel allait à la messe, un jeu de carte à la main.

Interrogé par son capitaine, il argumenta qu’il ne savait pas lire, et qu’il considérait l’as comme le Dieu unique...le 2 et le 3 étant pour lui le père et le fils, le 4, les 4 évangélistes, le 5, les 5 vierges sages, le 6, les jours de la création, le 7, celui du repos, le 8 les béatitudes, le 9, les 9 lépreux, les 10, les commandements de Dieu, le roi, les rois mages, la reine, celle de Saba, le valet de trèfle, celui qui gifla le Christ.

Il ajoutait que toutes les figures ensemble sont au nombre de 12, comme les mois de l’année, que tous les points du jeu additionnés font 365, comme les jours d’une année, que les 52 cartes sont les 52 semaines de l’année. lien

Précisons que, comme au 18ème siècle le papier étant rare et cher, le dos des cartes étant blanc, les cartes à jouer eurent d’autres utilisations : Carte de visite, mots doux, reconnaissance de dettes, publicités, ordre d’incarcération, et lors de la révolution française, elles servirent même de monnaie.

Elles sont bien sur collectionnées, et celles qui ont le plus de valeur qui portent des signatures prestigieuses, telles celles de Molière ou Napoléon... l’une d’elles n’est autre que la liste manuscrite des personnalités que Louis XVI avait décidé d’inviter lors d’une fête. lien

 Frank Cullotta, le célèbre gangster américain, en a même dédicacé... lien) et l’on trouve Jean-Jacques Rousseau comme personnage d’une carte à jouer.

Il est probable que, suite à ces explications, nous ne considèreront plus les cartes de la même manière...car comme dit mon vieil ami africain : « la vie est un jeu où il faut savoir perdre ». 

L’image illustrant l’article vient de pinterest.fr

Merci aux internautes pour leur aide précieuse.

Olivier Cabanel

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