Un secret bien enterré ?

par olivier cabanel
samedi 25 septembre 2010

C’est un journaliste d’investigation, Jean Moira, qui a peut-être levé un gros lièvre : en plein cœur de Paris, dans le quartier des Halles, un mini réacteur nucléaire pourrait être bientôt enterré.

La rumeur court, et il est difficile de savoir si c’est un hoax, ou pas ?

Pourtant plusieurs éléments convergent.

Pierre Duffaut, (ex EDF) s’est orienté vers l’étude du sous sol, et a depuis longtemps une idée fixe :

« Pour être sure, une centrale nucléaire devrait être enterré  ».

Cette conviction, il la martèle chaque fois que l’occasion se présente. lien

Or le sous sol de Paris pourrait être le meilleur choix pour y enterrer un « mini-réacteur ».

Cette hypothèse, autant surprenant soit-elle, mérite de s’y attarder.

Rappelons que le grand chantier du quartier des Halles a été arrêté quelques temps, (lien) et qu’il vient de redémarrer après que le tribunal administratif ait décidé, le 17 aout 2010, de le valider. lien

Ce chantier de près de 800 millions d’euros entrainera l’abattage de 343 arbres, la modernisation des voiries souterraines, et la création d’une nouvelle gare, de commerces, d’aire de jeux... lien

Le Forum des Halles, conçu il y a 30 ans, englobe déjà 3000 travailleurs animant 175 magasins sur 126 000 mètre carrés, ce qui en fait l’un des plus grands centres commerciaux du monde.

Mais le projet actuel va beaucoup plus loin.

Pour y parvenir, la loi française a été contournée : elle ne permet pas d’ouvrir des lieux publics à plus de 6 mètres de profondeur, et limite le nombre de niveaux à 2. (Les Halles en comptent 3) et à Paris, ils sont 50 000 environ à travailler et vivre dans les sous-sols sans jamais ne voir le jour. lien

Ce projet continue pourtant d’inquiéter de nombreux parisiens. lien

Mais revenons à notre centrale nucléaire enterrée.

Dans le passé, Edward Teller, père de la bombe H et du projet « guerre des étoiles », avait déjà imaginé charger un réacteur, (de type surgénérateur) enterré à 100 mètres de profondeur, qui aurait pu fonctionner près d’un siècle. Une fois la charge nucléaire épuisée, on bouche le puits, laissant enterré à vie le réacteur, et ses déchets radioactifs.

Charmant programme.

Plus près de nous, Bill Gates, associé à Toshiba, a décidé, il y a peu de se lancer dans le nucléaire. lien

Ce projet « pour aider les pauvres » consiste à réaliser un réacteur « miniature » capable de fournir de l’électricité pendant 60 ans, sans qu’il soit besoin de le recharger. lien

Il serait d’une puissance de 10 MW.

Aux Etats Unis, HPM (Hyperion Power Génération) à mis au point des réacteurs nucléaires « miniatures » de 25 MW, destinés à la vente. lien

HPM a la volonté de commercialiser, des 2013, des mini-centrales, de la taille d’un abri de jardin. Capables de fournir de l’énergie à près de 20 000 foyers. lien

Tous les 5 à 10 ans, il faudrait en retirer les déchets radioactifs.

Ils fonctionneraient un peu comme le « défunt » Superphénix : refroidis par un premier circuit de sodium liquide, lequel est refroidi par un circuit d’eau.

Or chacun sait que l’échec du « Superphénix » est justement du aux problèmes de fuites de sodium liquide, qui rappelons le, s’enflamme spontanément au contact de l’air, et explose au contact de l’eau. Lien

Cette installation nucléaire arrêtée en 1997 est en cours de démantèlement et ne sera achevé qu’en 2025. Lien

Rappelons aussi que suite aux pannes régulières, « Superphénix » n’aura fonctionné que dix mois en neuf ans.

En attendant, «  Superphénix  » continue de consommer de l’électricité, puisqu’il faut maintenir le sodium à l’état liquide, avant la « purge » des circuits de refroidissement, et la facture des 38 ans de démantèlement va être salée.

Mais revenons à notre « nébuleuse » centrale nucléaire parisienne.

Le réacteur enterré serait du type de ceux que l’on trouve dans les sous-marins nucléaires. lien

Jean Moira a pu interviewer un ingénieur, lequel a tenu à garder l’anonymat mais on peut l’entendre témoigner dans cette vidéo.

Le document est en trois parties qui sont proposées à la fin de chaque épisode.

Moira a eu l’information grâce à un employé du ministère de l’Ecologie et de l’Energie, ce qui l’a décidé à enquêter plus profondément.

Par la suite, il a rencontré un ingénieur spécialiste des sous-marins nucléaires (qui a tenu à garder l’anonymat) et qui lui a ouvert les yeux.

Ils sont allés dans la région Nantaise (DCN-Indret) où sont fabriqués les réacteurs de propulsion nucléaire de ces sous–marins. lien

Ces réacteurs sont des mini-centrales.

L’ingénieur lui a montré des documents établissant qu’on l’avait chargé d’étudier la faisabilité d’une mini-centrale nucléaire en milieu urbain avec possibilités de refroidissement et système d’évacuation des rejets radioactifs.

L’hypothèse de cette étude était l’implantation d’un réacteur à Paris et plus précisément sous le quartier des Halles.

Le journaliste a rencontré ensuite Alain Vallée, ancien directeur de recherche au CEA (commissariat à l’énergie atomique) spécialiste des mini-centrales, et selon lui, implanter un mini-réacteur au sein d’une grande ville, n’est pas de la science fiction.

Alain Vallée est aussi l’un des promoteurs de l’EPR, nouvelle génération de centrales nucléaires, dont on constate l’accumulation des problèmes : l’explosion pharaonique des prix, (passant de 3 à quasi 6 milliards) l’allongement catastrophique de la durée des chantiers, et le risque d’accident nucléaire majeur lié à la technologie utilisée.

Le groupe GDF-Suez vient d’ailleurs se retirer du projet d’EPRà Penly. lien

Pourtant Areva affirme ne pas avoir de pistes de développement de mini-centrales, mais cette réponse semble bien être sujette à caution.

La chargée de communication contactée a affirmé que le groupe n’en était qu’au stade de la réflexion.

Pourtant Areva travaille déjà à la fabrication des mini-réacteurs destinés à la propulsion des sous-marins nucléaires. lien

Mieux, Areva teste au centre de Cadarache un prototype appelé R.E.S. (réacteur d’essai)

Or le RES a été conçu pour fournir de l’énergie, comme une mini-centrale nucléaire civile. lien

Pour l’ingénieur nucléaire rencontré par notre journaliste, il n’y a pas meilleure vitrine que Paris pour mettre en place un premier prototype de mini-centrale nucléaire.

Et puis, à l’emplacement des Halles, on pompe déjà l’eau du fleuve qui a pour objectif de refroidir la centrale qui produit de la chaleur pour le Forum des Halles.

Comme par hasard, on retrouve Areva sous les Halles, puisque c’est elle qui y a installé un groupe électrogène à démarrage automatique, en cas de panne de courant.

Elle a donc « un pied dans la place ».

Dans le milieu nucléaire, on affirme que tout cela n’est qu’une rumeur infondée, et que ce chantier étant en zone inondable, il serait impensable d’y installer un réacteur nucléaire, si petit soit-il. lien

Si l’on se souvient que les réacteurs nucléaires destinés aux sous marins sont justement destinés à pouvoir fonctionner sous l’eau, cet argument ne tient pas.

Dans ce même milieu nucléaire on évoque aussi les lourdes contraintes administratives qui doivent précéder un pareil chantier.

Mais on connait aussi la politique du secret que mènent régulièrement EDF et AREVA.

Les concordances mises en évidence par Jean Moira semblent prouver le contraire.

Sur le ton de l’humour, un certain Gaspard Delanoë a même mis ce projet dans son programme électoral.

C’est dans le point 31 de son programme :

« Destruction du Forum des Halles, vieux, désuet et ringard ; et construction à sa place d’une centrale nucléaire qui permettra à Paris de se doter d’une capacité énergétique à vocation mondiale ». lien

Point que l’on ne peut prendre au sérieux, évidemment, si l’on considère la liste longue et provocatrice que proposait le candidat dans laquelle on trouvait entre autres :

« Accès libre toute la nuit aux cimetières de Paris afin de rétablir un dialogue gagnant-gagnant entre les morts et les vivants ».

Car comme dit souvent mon vieil ami africain :

« Tout a une fin, sauf la banane qui en a deux »

Image illustrant l’article provenant de picasweb.google.com

bibliographie à consulter : lien


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