Une journée d’examen
par C’est Nabum
jeudi 13 juin 2013
En direct d'une autre Segpa
Certificat de formation Générale.
Tous les ans à pareille époque, les laissés pour compte du savoir et de la connaissance, les exclus du bonheur d'apprendre, les cabossés de la scolarité, les mal aimés de l'école ou de la discipline se retrouvent devant un jury de deux personnes pour valider l'ultime parcours de leur scolarité obligatoire.
Ma première journée était consacrée aux candidats scolaires venant de collèges ordinaires ou bien de structures d'exception. Demain, ce seront des élèves de Segpa, un public que je connais mieux et qui prépare de manière spécifique ce si modeste diplôme. Ce fut pour moi l'occasion de constater une fois encore que, au delà des multiples difficultés qui jalonnent mon travail, la Segpa et les dispositifs de réactivation, quoi qu'on en pense par ailleurs, remplissent convenablement leur mission.
Je tiens ce propos en comparant les candidats du matin de ceux de l'après-midi. Les premiers étaient des élèves de collège ordinaire, égarés dans une scolarité normale qui ne veut plus rien dire pour eux. Abandonnés au fond d'une classe, oubliés ou bien ignorés, ils terminent un cursus qui n'a plus guère de sens pour eux.
Ils sont coupés des exigences scolaires, ont perdu pied avec le réel, ignorent de qu'ils viennent faire en ce lieu et ont des projets si irréalistes que le pronostic est déjà incertain. Ils ont des parcours personnels chaotiques, deux sont arrivés de fraîche date en France. Ils sont perdus, sans repère et manifestement bien mal conseillés.
Tous ignoraient la signification du sigle de l'examen qu'il passait. Petit détail qui atteste qu'on les a inscrits sans leur préciser de quoi il retournait. Une est arrivée en retard, trois ne se sont pas présentés et un est venu une journée en avance. Ces différentes données pour un tout petit panel d'une quinzaine de candidats.
Pour les candidats présents, il faut ajouter que deux se sont présentés sans avoir le dossier support, indispensable pour passer cet oral. Un dossier bien modeste qui doit contenir un CV, une fiche de présentation du projet professionnel et un rapport de stage, le tout en seulement six pages. Tous les candidats de collège n'avaient pas de CV, preuve supplémentaire qu'ils ne savaient pas ce qu'ils venaient faire ici.
Le plus surprenant pour ceux-là c'est qu'ils avaient tous, y compris ceux qui ne maîtrisaient pas notre langue, un projet professionnel ambitieux. Ils avaient tous déposés une demande de Bac-pro avec hélas, pratiquement aucune chance de l'obtenir. Pourquoi diable, aucun de ces jeunes n'avait choisi un CAP certes modeste, mais bien plus dans leurs cordes ? Tout simplement parce que nos chers collègues ne doivent pas considérer ce reliquat du passé, cette sous-formation au rabais !
Personne ne leur a conseillé une étape plus réaliste. Personne ne leur a suggéré également d'autres voies qui peuvent éviter l'échec quasi certain qui se présente devant eux. Notre système scolaire relève de la pensée unique et en dehors du lycée, pas de salut, sans le bac, pas d'avenir ! Ces gamins sont devant une impasse dans laquelle des adultes les ont placés.
Curieusement, les élèves qui sont passés par d'autres structures, les DIMA : « dispositif d'initiation aux métiers de l'alternance » ou bien en ARTP : « atelier de remobilisation à temps plein » ont un projet plus réaliste, vont vers d'autres formations (apprentissage, Maison Familiale et Rurale, compagnonnage) pour des CAP qu'ils peuvent réussir. Ils sont préparés pour ce modeste examen, ce qui me semble être la moindre des politesses.
Notre doctrine de « tous au baccalauréat » est absurde, suicidaire, contre-productive et d'une rare bêtise. Elle pousse nos grands responsables à supprimer progressivement toutes les petites formations de type CAP qui bientôt n'existeront plus pour proposer des bacs professionnels qui ne sont pas en rapport avec le niveau réel de ces candidats qu'on va abandonner sans vergogne ou bien certifier en triturant les épreuves.
Car ce que j'ai vu n'est pas de nature à se réjouir du bilan de notre éducation nationale. J'ai interrogé des jeunes de seize ans qui ne savent pas calculer de tête, qui ne connaissent pas leurs tables de multiplication, qui ne peuvent pas lire une carte, qui ne connaissent pas les points cardinaux, qui ne savent pas chercher un mot dans un dictionnaire, qui font des fautes à chaque mot y compris sur un rapport dactylographié, qui ne maîtrisent pas les niveaux de langue et ne savent pas respecter les obligations administratives. Ainsi, quatre candidats ne purent présenter une pièce d'identité légale, ce simple élément atteste du potentiel de dé-socialisation que nous encourageons par une mansuétude conseillée !
Ne pensez pas que je noircis à plaisir le tableau. Regardez autour de vous, interrogez les artisans qui reçoivent ces gamins en stage, la réalité est douloureuse. Cent mille jeunes quittent notre système sans formation et l'on continue à leur faire croire à la Lune ! Il serait temps de mettre des exigences dans notre formation et de supprimer cette farce du socle commun et d'une évaluation sans aucune signification réelle.
Désespérément leur.
Commentaire nécessaire :
En ce qui concerne ces pauvres élèves, on ne peut que se lamenter sur eux. On peut critiquer l'Allemagne sur beaucoup de points, mais leur système d’apprentissage en alternance est top.
Les grosses boites font passer les élèves par tous les postes, et leur attribuent ce qui leur convient le mieux. Beaucoup de chefs d'entreprise ont commencé comme élève-apprenti dans leur boite. Et la connaissent sur le bout des doigts, puisqu'ils sont passés par tous les services !
En Allemagne, ce système n'est pas réservé aux "rebuts". Beaucoup de jeunes très intelligents choisissent cette voie, et cela donne une bonne répartition des capacités. D'ailleurs, être ouvrier outre Rhin n'est pas un déshonneur comme en France. il faudrait faire évoluer un peu les mentalités, notamment celles des enseignants pour lesquels il y a les "bons à rien" et les autres, les intéressants (ici je te parle des termes employés à la maison... Et quelle honte pour mon père de voir sa fille lycéenne sortie avec un de ses élèves du collège ( un bon à rien, puisqu'au collège...)
Réhabiliter le travail manuel devrait être une priorité. Et supprimer l'ENA qui nous pond des gens incapables de regarder la vie quotidienne sans œillères, une seconde priorité. Ce sont des nuisibles et des parasites.