Une odieuse réclame

par Voris : compte fermé
mardi 29 août 2006

La Revue philanthropique 1905, page 433, dénonce certaines compagnies qui assurent l’enfant avant sa naissance et qui accordent une indemnité en cas d’accouchement d’un enfant mort-né. “Une publicité d’un goût douteux a même été faite par une de ces compagnies étrangères et M. le Dr Dupureux a cité, dans son rapport à la Société belge de médecine publique, ce dialogue tristement édifiant, emprunté à un opuscule d’origine commerciale :

Charles : - Les gens mariés ont généralement des enfants. Eh bien, les enfants, sept ou huit, sont également assurés, sans que vous deviez payer pour eux. S’ils devaient mourir avant l’âge de huit ans, la Compagnie vous indemniserait.
Pierre : - Combien ? Certainement 5 francs.
Charles : - Vous faites erreur. Il y a six mois j’ai perdu mon Louis, un enfant de trois ans, et j’ai reçu 30 francs !
Pierre : - Trente francs ? Comment est-ce possible ?
Charles : - Je l’ignore, mais le fait est qu’on m’a payé ; l’enfant est mort la nuit ; le lendemain après-midi, j’avais l’argent en main.
Pierre : - C’est à peine croyable. Mais c’est bien réel puisque vous avez touché.
Charles : - Mais ce n’est rien encore.


Pierre : - Quoi donc ?
Charles : - En cas de fausse couche on touche également une indemnité. Le fait est rare, mais il se présente cependant. A la mort de mon Louis, par suite de l’émotion, ma femme a eu une perte.
Pierre : - Et qu’avez-vous touché ?
Charles : - Vingt francs.
Pierre : - Vingt francs  ? Ce sont mensonges que vous me contez.
Charles : - Pourquoi vous mentirais-je ?
Pierre : - C’est exact, nous sommes bons amis ; mais c’est égal. C’est si extraordinaire qu’on a peine à le croire.
Charles : - C’est ainsi. Au début non plus je ne pouvais y croire ; je pensais que c’étaient tromperies dans le genre de romans-livraisons ou de ces assurances sur le bétail dont on n’entend plus parler une fois le versement opéré. Mais ma femme nous a fait inscrire sans m’en rien dire, parce que je faisais de l’opposition. Maintenant, il est vrai, je reconnais que la Compagnie paye bien et agit correctement.
Pierre : - Vous êtes satisfait ?
Charles : - Vous vous l’imaginez, trente et vingt font cinquante francs trouvés en trois semaines : c’est une aubaine pour un ménage ouvrier.”

Cette conversation-réclame se termine par un mot de la fin :
Charles : - Cette Compagnie est établie d’après les lois belges et approuvée par Sa Majesté le Roi.
Pierre : - Approuvée par le Roi ! Elle est donc excellente, car le Roi n’approuverait rien qui n’ait été l’objet d’une enquête, et, s’il l’approuve, c’est qu’elle est régulière.

La revue fait remarquer que M. le Dr Dupureux a étudié 141 enfants assurés en bas âge. Résultat : 140 sur 141 sont morts avant un an d’assurance.

(Extrait des rapports de l’Inspecteur départemental de l’Assistance publique du Finistère à Monsieur le Préfet du Finistère. Année 1900. Archive du Conseil général du Finistère).


Lire l'article complet, et les commentaires