Actualité sur le sida

par Pelletier Jean
mardi 25 septembre 2007

Le Dr Marina Karmochkine vient de publier un « petit livre » de grande qualité : « Saurai-je parler du sida ? » chez First Edition. Au moment où la banalisation de la maladie, essentiellement en raison du succès des trithérapies, étouffe la réalité de cette épidémie, ce livre se révèle bien précieux.

Le Dr Karmochkine nous délivre un très beau livre, à la fois sensible et expressif, mais aussi un livre de conseils précieux sur la maladie et sa prévention. En partant de témoignages de vie, elle donne aux malades une dimension à la fois tragique, car la mort n’est jamais très loin, mais aussi ordinaire... comme des passagers de la vie de tous les jours.

Encore aujourd’hui, nombreux sont les séropositifs victimes de discrimination dans leur vie, au travail, dans leur famille. Elle réussit ainsi l’exploit de sensibiliser le lecteur aux dangers de la maladie, tout en restituant une certaine normalité, aux seuls fins de lutter contre tous les fantasmes attachés au sida.

Homme, femme, adolescent, hétéro, homo ou bi, tous ont une présence affective tout au long d’une écriture douce, mais précise, aimante mais pleine de respect pour la personne. Elle sait ainsi raconter la passion qu’elle porte à son métier, à sa spécialité qu’elle a délibérément choisie. Elle parle de l’éthique qu’elle s’est forgée très tôt, en particulier au contact d’un professeur peu avenant  : « Je me souviens des visites hebdomadaires du grand patron de ce service, qui, à heure fixe, quittait son bureau douillet, accompagné de ses adjoints pour faire la Visite (avec un grand V)... Il entre dans les chambres sans frapper et sans saluer les patients... pas un mot pour les malades, pas un geste, pas une poignée de main... je déteste cet instant où le staff a déjà fait demi-tour pour regagner le couloir et où les derniers du groupe se retrouvent dans la chambre face à un malade qui n’a rien compris à ce qui venait de se passer sous ses yeux médusés... Je reste toujours un instant dans la chambre, tiens la main du malade et tente de traduire en mots simples ce que le patron vient de dire... »

Qui n’a pas fait cette triste expérience hospitalière... qui n’a d’hospitalier que le nom ? Pour connaître le Dr Karmochkine et le service hospitalier George Pompidou où elle travaille je peux témoigner combien elle a déjoué cette triste comédie de la « Visite » et tissé avec ses patients des liens de confiance et de respect.

Son livre n’est pas sans rappeler celui du Pr Michel Kazatchkine, La consultation du soir aux presses de la Renaissance, auprès duquel elle a fait son apprentissage dans la prise en charge médicale et l’accompagnement des personnes infectés par le VIH et qui par ailleurs a préfacé son livre.

L’association Aides et d’une certaine manière Act Up ont fait bouger les mœurs à l’hôpital et déplacer la terrible frontière entre les patients et le personnel soignant. Tout n’est pas parfait, loin s’en faut et la prise en charge des patients séropositifs n’est sans doute pas la même à Paris qu’en province et d’un hôpital à un autre.

Mais avec la volonté acharnée d’un Bernard Kouchner, de son conseiller Véronique Fournier, « une chartre des droits et des devoirs du patient » a pu voir le jour dans tous les hôpitaux.

Les Dr Kazatchkine et Karmochkine, à travers ces deux témoignages, ont fait entendre une voix tendre et émue, que l’on a pas l’habitude d’entendre quand la maladie frappe à la porte. Ils ont su trouver les mots justes, mais aussi les justes organisations dans un service d’immunologie exemplaire, aujourd’hui dirigée par le Pr Laurence Weiss, quant à la qualité des soins et la prise en charge de patients. Mais qui excelle particulièrement dans le registre de l’éthique et de la considération de la personne soignée ou hospitalisée.

Michel Kazatchkine est aujourd’hui directeur du fond mondial ce lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose où il y donne toute la mesure de son talent et de son immense humanité. Qui ne se souvient pas des concerts donnés dans son service qu’il dirigeait à l’hôpital Broussais (avant qu’il ne soit transférer à l’HEGP) pour ses patients et des expositions de peintures qu’il y organisait ? Les murs de l’hôpital ont disparu et nombre des malades s’en sont allé rejoindre la cohorte des ombres... mais la relève est assurée, Marina Karmotchkine témoigne de ce passage de flambeau dans ce livre si émouvant où elle assure la filiation et l’héritage d’un grand homme de science, d’art et d’humanisme.


Lire l'article complet, et les commentaires